Ma nationalité est française. Régulièrement, on essaie de me faire croire que je vis dans une démocratie évoluée. Ceci est bien loin d’être mon avis. Le fait est que je vis dans une oligarchie. Et mon opinion sur cette oligarchie est que, loin d’être avancée, elle est plutôt primitive.

L’illusion oligarchique de la démocratie

Oligarchie, d’une part parce que le vote blanc n’est pas reconnu dans le code électoral. Aujourd’hui, si je vote blanc ou si j’écris une insulte sur un papier que je mets dans l’urne, cette république considère que c’est exactement la même chose ; c’est-à-dire « rien« . Un respect pour l’expression citoyenne très très relatif, pour le moins. Ainsi, je n’ai que le droit factice de choisir mon représentant parmi ceux qu’un système préélectoral m’impose ! Je le connais pour y avoir participé un peu ; il est souvent mafieux et, au minimum, fondé sur le seul critère financier. Je n’ai tout simplement pas le droit de dire : « Je ne reconnais pas votre choix comme un choix libre ! » ou « Personne ne me convient, je veux d’autres critères sélectifs ! » ou « Je veux d’autres approches politiques pour me représenter ! » ou tout simplement « Cessez de vous foutre de ma gueule, s’il vous plait, vos manigances et gesticulations politiciennes ne représentent pas mes valeurs ! ». Et en fait, oui, j’ai le droit de l’exprimer, mais seulement de l’exprimer. Aucune conséquence concrète ne sera produite par la république, validant ainsi la définition coluchesque de la démocratie : « Causez toujours ! ». Je ne souhaite pas convaincre de mes idées sur les partis politiques, je prétends simplement qu’une démocratie réelle ne peut pas sérieusement laisser sans effet une expression de vote très largement majoritaire à la majorité des élections (votes nuls, blancs, abstentions et non-inscrits aux listes électorales). Une démocratie réelle ne peut que mettre en place un système qui puisse changer par lui-même. Aujourd’hui, l’oligarchie française a mis en place un système qui conserve le pouvoir des partis qui se prétendent « politiques« . Ils ne peuvent pas faire autrement, leur existence en dépend. Ils sont prisonniers de ce processus.

Oligarchie aussi, parce que le « tout économique » fait aujourd’hui en sorte qu’un « politique » au pouvoir ne soit que la marionnette de groupes financiers bien plus puissants que lui ou son parti. Il suffit d’être compétent dans un domaine précis de l’espace humain pour constater à quel point les législateurs, empêtrés dans le conditionnement lobbyiste, osent des lois souvent soit ineptes, soit inconscientes, soit étonnantes d’irrespect du point de vue humain, même si parfaitement logiques du point de vue des intérêts financiers influents. Pour ne citer qu’un exemple, un récent amendement de ce genre a été voté par 6 députés, manifesté par une seule ligne arbitraire ajoutée sournoisement (c’est-à-dire sans aucune consultation, même pas du gouvernement) dans un très vaste projet de loi sur la santé, et nie tout bonnement l’existence du métier de psychothérapeute, au profit de l’ordre des médecins et des psychologues qui n’ont pourtant pas de formation en psychothérapie. Y’aurait de nombreux autres exemples dont la logique est chaque fois évidente : appuyer un peu d’avantage le pouvoir d’un lobbying qui l’a déjà. Je ne vais pas ici étayer davantage cet argument, c’est hors du sujet que je veux développer.

Une société moderne primitive

Primitive, pour sa sempiternelle logique manichéenne : droite/gauche. Et les observations de cette approche immature sont très fréquentes et très manifestes. La logique contemporaine de la politique se fonde sur un mécanisme de défense. Je m’explique. Globalement, devant les problèmes de société, il y a la réaction émotionnelle, puis il y a l’action sereine, posée. C’est-à-dire que, si un événement ou un problème de société me touche, il me parle de moi. S’il me parle de moi, je suis impuissant à faire autre chose par mon comportement réactif que me réparer moi-même, inconsciemment. L’altruisme devient alors une rationalisation de ce que je ne fais en réalité que pour moi-même, réparant mon histoire. Il n’y a que dans la sérénité émotionnelle que mes actes sont purs, non égotiques ! Dans sa grande majorité, la « politique » aujourd’hui ne dépasse pas le contexte qui crée le problème (ce qui serait un minimum pour tenter de le comprendre en entier), mais elle reste dedans. Elle ne s’émancipe pas des problématiques, elle réfère ses solutions aux problématiques elles-mêmes, elle y reste attachée (d’ailleurs, sans problématique, cette « politique » n’a plus d’utilité, plus de raison d’être élue). Elle n’est pas extérieure aux problèmes, elle en fait partie intégrante ! Ainsi, le seul comportement humain possible dans ce cas de figure est l’identification, identification pour se défendre des mouvements de peurs que l’on ne sait pas dépasser. Si un individu s’identifie aux victimes de notre société, alors il sera de gauche. Si un individu s’identifie aux gagnants de notre société, alors il sera de droite. En ceci, la gauche et la droite et les axes qu’ils proposent sont bien différents. Mais ces deux sœurs ennemies ont strictement en commun de ne pas prendre la responsabilité des problèmes, de ne pas les assumer et, par la même, de ne pas les dépasser. Chacun crie « L’enfer, c’est les autres ! » et attribue au camp adverse la responsabilité des problèmes de la société. De façon simpliste, la gauche pense sincèrement que « les gagnants » ne partagent pas assez et la droite considère sincèrement que « les victimes » tirent la société vers le bas en lui demandant assistance de façon irresponsable. Chacun, enfermé dans sa propre dualité, sépare le monde en deux et, dans cette illusion, considère que la responsabilité n’est pas dans sa tribu. Ainsi, par logique pure, chacun est strictement impuissant à changer quoique ce soit puisque sa position ne peut consister qu’à forcer l’adversaire à changer (solution classique et infantile par excellence) ! Le seul rôle du « politique » actuel consiste ainsi à obtenir suffisamment de pouvoir autoritaire pour forcer, soit « les gagnants« , soit « les victimes« , selon son bord politique, à changer. Evidemment, chaque parti se voit comme la solution et pense qu’il n’a rien à changer en lui-même, qu’il n’a aucune responsabilité dans les problèmes de notre société.

Un maximum de comportements tribaux et émotionnels, de rhétoriques guerrières vérifie cette thèse. Il suffit de proposer un débat entre un individu de droite et de gauche, sur n’importe quel sujet, pour très rapidement constater ce que je viens de décrire et les regarder se rejeter les responsabilités. Faites l’expérience ! Elle est réalisée en direct à la télé tous les mardis et mercredis après-midi.

Le résultat concret est que chacun fantasme une société loin de ses peurs personnelles, mais aucun ne peut mettre dans la réalité autre chose qu’une dérive où la loi du plus fort s’installe petit à petit. Là encore, c’est factuel !

Dépassement de la demande adolescente d’une autorité

Alors, devant cet état de fait, qu’est-ce que je voudrais ? Ben, de vous, rien ! Je n’ai plus besoin de vous mesdames et messieurs les « politiques » ! J’ai déjà commencé à construire un autre monde, un monde qui dépasse le manichéisme névrotique évoqué ci-dessus. Un monde, donc, qui n’a pas besoin d’une logique de pouvoir pour contrôler ses peurs à l’extérieur parce que les individus qui le composent n’auraient pas su prendre leurs propres responsabilités devant leurs propres peurs intérieures. Un parti politique, par définition, ne peut que conduire à ce qu’il y ait des gagnants et des perdants. Là encore, il n’y a qu’à observer le spectacle médiatique du résultat d’une élection oligarchique où la moitié d’une population fête l’échec de l’autre moitié. Et c’est ce monde que, sans rire, la droite et la gauche proposent ensemble : écraser, réduire ceux qui font peur aux autres ; « les victimes » ou « les gagnants » selon les histoires émotionnelles personnelles. Bien évidemment, chacun vous rationalisera fièrement que lui n’a pas peur !

J’ai, pour vous, une question à forme multiple très simple : « Que l’on m’explique ce que l’on peut construire quand l’élection elle-même fonde une fracture ? », « Est-il raisonnable de continuer à penser que quelque chose de solide sera construit à partir de cette séparation de fait ? », « Qui peut sérieusement prétendre qu’une société peut évoluer avec, inévitablement, une moitié qui a perdu d’avance et qui ne fera que tenter de faire chuter l’autre moitié jusqu’à la prochaine échéance ? ». Là encore, au-delà des croyances, des fantasmes, des dogmes, des morales, des principes théoriques, et surtout, au-delà des identifications névrotiques, c’est « ce qui est » aujourd’hui, dans la réalité !

Maturité altermondialiste, un renversement intérieur pacifique

L’altermondialisme est bien avancé. Aujourd’hui, vous croyez connaître l’altermondialisme parce que vous êtes dans l’illusion que le mass-média est un système d’information. Alors lorsque ce mass-média change la forme, change de vocabulaire et colle sur les « antimondialistes » la nouvelle étiquette « altermondialistes« , vous considérez que c’est une réalité. Vous n’avez aucune idée, pour la plupart, de ce que font les altermondialistes. Vous les confondez avec les antimondialistes. Mieux, il est impossible de connaître réellement l’altermondialisme sans en être un des acteurs. L’altermondialisme n’est pas un mouvement unique, n’a pas de représentant. Le pays des altermondialistes est la terre, leur famille est l’humanité ! Vous les cherchez comme un groupe plus petit que vous, alors qu’il est plus vaste. Cessez de regarder les citoyens de haut et levez le nez, nous sommes là ! Vous en faites partie, sans le savoir, car les erreurs que vous mettez en place nous sont très utiles.

Ainsi, je veux surtout messieurs et mesdames « les politiques » vous dire un grand Merci. Il est sincère quoique vous en pensiez. Merci de démontrer, à un nombre chaque jour plus vaste d’êtres humains, que vous ne pouvez pas représenter la moindre solution à quoique ce soit ! Merci d’avoir tout essayé pour que l’on sache que tout ça ne fonctionne pas. Merci de nous rendre définitivement conscient qu’aucun groupe d’humains peut être représenté, qu’aucune logique de pouvoir basée sur la peur (qu’elle soit visible ou cachée, directe ou indirecte, volontaire ou involontaire, consciente ou inconsciente) ne pourra construire autre chose que davantage de peur. Merci de nous avoir rendu si forts (par nos faiblesses), si multiples (par nos unités), si intouchables (par nos transparences), si incompréhensibles (par nos clartés), si autonomes (par nos solidarités), si libérés de toute organisation (par nos liens passés).

La morale encourage insidieusement ce qu’elle interdit officiellement. Merci d’avoir fait le tour des systèmes moraux et d’avoir montré la voie d’une société amorale, sans pères et mères pour nous dire quels enfants nous sommes. Merci d’avoir fait de nous des adultes utopiques ! A-dulte comme « non-dualité« , c’est à dire « unité » ! U-topique comme ce non-lieu (u topos) qui n’existe pas encore tout à fait et que nous réalisons petit à petit. Merci de nous avoir montré que l’illusion ne peut pas être dans le désir actif de construire un espace meilleur et inconnu, mais dans la peur réactive de sauver à tout prix celui que nous connaissons, le seul que nous connaissons !

Il est très prévisible que certains lecteurs critiques de ce texte viennent parler de réalisme, s’en auto-proclamant les représentants. Je veux leur rappeler une notion très simple : La réalité a été dans le passé, la réalité est dans le présent. Mais, simplement par définition, la réalité n’existe pas dans le futur, pas encore ! Ainsi, le réalisme s’arrête au présent ! Quiconque prétend qu’un projet pour le futur est ou n’est pas réaliste, exprime sa propre illusion de ce qu’est le réalisme. Il ne manifeste que sa confusion entre la prison de ses croyances et une réalité que, pendant qu’il se lamente ou critique, d’autres construisent.

Mesdames et messieurs « les politiques« , vous avez rempli votre mission. Ca n’est plus vous qui pouvez nous aider, c’est nous qui pouvons vous aider dorénavant. Au-delà de vos idées et de vos pratiques, êtes-vous vous- mêmes ? Nous le sommes ! C’est très simple, mais c’est ce que vous ne savez pas réaliser ! Le monde (en réalité, une partie du monde) que vous avez construit (nous y avons participé) est à l’envers : l’humain est mis au service de vos idées, de vos pratiques, de vos systèmes. Nous avons réussi à inverser tout ça, nous avons réussi à mettre les idées, les pratiques, les systèmes au service de l’humain ! Nous ne l’avons pas fait d’une seule façon, car il n’y a jamais une seule façon de faire ; nous avons juste rendu libre, chaque être humain qui décide de l’être, de donner à l’humanité sa solution personnelle unique. C’est ce que vous ne savez pas faire !

Humainement, Lohey, être humain

P.S : Je ne représente dans ce texte que moi-même. Le « nous » utilisé est abstrait et rhétorique. Pour me faire plaisir, ne croyez rien de tout ce que je raconte. Cherchez à en faire l’expérience…