Le « Souffle de Vie »

Tant qu’il vit, tout être est animé par le souffle de Vie. Ce souffle vital (en Égypte: ba universel), inspiré par les poumons, est individualisé par le sang en force vitale animique (en Égypte: ba animal); c’est l’âme inférieure ­ « sensitive» – qui correspond au pro des Chinois: «l’élan de vie inconscient des cellules, des organes et du sexe», et dont ils situent Ie siège dans les poumons. La force vitale individualisée, qui inscrit dans le foie les caractéristiques de la personne et de l’hérédité paternelle, est Ie Ka «personnel» (intermédiaire) des Égyptiens. Les Chinois définissent sa manifestation comme « élan de vie personnel, tendance et besoin de vie personnels, besoins sexuels conscients ». En réalité, cette conscience est celle de l’Automate, ou du « Moi » mortel ; c’est une «subconscience» par rapport à Ia conscience du Témoin-Moi si celIe-ci n’est pas éveillée.

Une énergie vitale venant du Soleil ? Cette énergie mystérieuse, car invisible, semble véhiculée par l’air que nous respirons. Mais l’être humain est aussi animé par une énergie spirituelle, qui est présente partout, et en chacun de nous, éternellement, car elle est immortelle. Que se passe-t-il au moment de la mort ? – Quand l’être humain ne respire plus, il ne parle plus, ne se meut plus et semble avoir complètement perdu conscience. Apparemment, ce n’est plus qu’un cadavre. Son poids n’a pas changé mais il est inerte. L’énergie a disparu, elle a quitté le corps, et aussi la conscience, et l’Esprit. Donc, au jour fatal de la mort, il y a dissociation et chaque élément constituant l’être humain retourne à sa source.

« Le corps est pour la Terre, l’esprit est pour le Ciel »

A la mort, le corps perd cette énergie. Et après, que devenons-nous ? – La vie ne s’arrête jamais et les générations se suivent… Vie et mort se rejoignent. Observons donc la naissance… se dirent-ils. Premier acte du nouveau-né : le cri primal. C’est la première respiration et l’air rentre dans les poumons. Ses yeux vont pouvoir s’ouvrir à la Vie. Car l’être humain n’est pas seulement ce corps qui vit : n’est-il pas aussi un esprit qui pense ? Pour l’égyptien, le défunt est parti vers son destin spirituel. Il va poursuivre sa vie dans l’au-delà, car la mort n’est qu’un passage, une transition pour l’âme libérée des contingences terrestres.

« Tout est dans tout »

Il y a identité de nature entre l’Homme et l’Univers (Cosmos). L’âme du défunt rejoint sa source, la grande âme universelle (comme une goutte d’eau baignée dans l’Océan dira Marc Aurèle). Et comme le Soleil, il voyage dans l’obscurité du monde inférieur pour ressusciter, pour renaître un nouveau jour : «Je recommence à vivre après que je fus mort… je ressuscite après la mort.»
Le parcourt du Soleil forme un cycle et, comme d’ailleurs dans la nature tout est cyclique,
il est naturel d’admettre ce cycle de la Vie pour le renouvellement de la vie. C’était une conviction inébranlable. panneau
Aucun doute possible, la Tradition qui venait du fond des âges était toute la science et faisait autorité. C’est une doctrine relativement simple, tout à fait logique.

Les épreuves

Chacun éprouve des difficultés dans la vie, mais cela peut être pire dans la mort… surtout qu’on ignore tout de ce voyage, et il faut être prêt à affronter tous les obstacles. On s’attend à des épreuves, il ne faut pas perdre sa mémoire, car on a déjà des repères, l’enseignement des sages. Il y a deux chemins pour atteindre la Lumière, des portes à franchir, des labyrinthes et des chambres obscures, des monstres effrayants, et la pesée de l’âme devant le Tribunal d’Osiris et même les flammes de l’enfer. Bref, des épreuves terribles attendent le défunt et il doit s’y être préparé pendant sa vie terrestre «afin de ne pas mourir une seconde fois» (la mort du corps est la première).

La confession négative
« Je n’ai pas pris ce qui ne m’appartient pas, ni faussé la balance, ni abusé de ma position, non, je n’ai rien fait de mal. Je suis pur, je suis pur, je suis pur !». Je résume, car le texte fait tout un chapitre… il faut avoir la conscience pure et sans tâches pour ne pas être jeté dans le « lac de feu » mais rejoindre Osiris dans « les Champs des Bienheureux ».

Le Livre des métamorphoses

L’âme du défunt a le pouvoir de se métamorphoser. En se métamorphosant en animal, par exemple, il acquiert un pouvoir, et petit à petit tous les pouvoirs, nager comme un poisson, voler comme un oiseau, courir comme une gazelle, chasser comme un lion, pour devenir un dieu parmi les dieux. C’est un rêve de puissance, et rien ne peut l’empêcher.

Le Jugement

La scène de la pesée de l’âme, ou psychostasie, est un des plus hauts enseignements de la théologie égyptienne, car elle livre le secret de la Conscience individuelle (Maât, reconnaissable par la plume sur sa tête). Au moment de la pesée du cœur sur Ie plateaux de la balance de Thot, la vie du défunt, symbolisée par son cœur, devait être en parfait équilibre avec Ie principe de la justice, la plume de Maât. La loi d’équilibre (balance), de justice et d’harmonie (Maât) doit agir. La punition serait terrible pour celui qui a transgressé la loi, quand sa conscience subira des transformations et qu’il perdra sa mémoire comme un dégénéré. En réalité le défunt se juge lui-même en toute lucidité.

Éternité de l’âme et évolution de la Conscience

L’âme (Ba) est représentée par un oiseau… au jour du décès, elle quitte le corps. Ba, l’âme s’envole
Nous entrons clairement dans cette métaphysique égyptienne, dont Ies textes, Ies hiéroglyphes et les tableaux demeurent, sans altération, les témoins d’une tradition immuable. D’abord, l’âme n’est pas seulement immortelle, elle a la vie éternelle : ce qui n’a pas de fin ne peut avoir un commencement. L’âme se réincarne en vies successives, doctrine assez répandue depuis l’antiquité (Druides, Grecs), et “vos actes vous suivent”, dit le Livre des Morts, car on n’échappe pas à la conséquence de ses actes (karma).

La grande promesse d’une autre vie
« Lève-toi vers la vie, car vois-tu, tu n’es pas mort ! »
« Je recommence à vivre après que je fûts mort ; je ressuscite après la mort.»
« Je vis. Pour moi, plus de souffrance ! A moi la joie ! » (Textes des sarcophages I 44, V 438 et V 467)

Le Temple égyptien enseigne que tout vient de l’Un-inconnaissable et que tous les états de l’être ne sont que la manifestation de cet Un. Donc, chaque élément retourne à sa source. La fin est aussi un commencement : les cycles s’interposent et la vie continue, comme l’alternance du sommeil et de la veille, du jour et de la nuit. Aucun destin n’est fatal : « Me voici l’Âme du Grand Corps ». Se savoir sauvé, admis pour un nouveau destin, c’est pour l’égyptien saisir l’alternance des deux états successifs que revêt la vie humaine : si ton corps se renouvelle chaque jour, ton âme aussi doit se renouveler éternellement.

Bibliographie: Guilmot, Max, Le Message spirituel de l’Égypte ancienne, Édition du Rocher, Monaco

Notes. Osiris, étant mort, selon la légende, il est devenu le dieu-défunt qui règne dans l’Au-delà. Il est omniprésent dans l’iconographie, cela montre bien l’importance de la mort chez les égyptiens. La légende d’Abel et de Caïn a été inspirée par l’histoire des deux frères ennemis, Osiris et Seth. Car dans cette histoire, Seth est Satan, terrible comme le vent brûlant du désert, et Osiris est un bon dieu, le premier roi d’Égypte, sans doute.

Max Guilmot