Masanobu Fukuoka est un des pionniers de l’agriculture « du long terme » (sustainable). Il aime dire de lui qu’il n’a aucune connaissance hormis celle contenue dans ses livres, dont La révolution d’un seul brin de paille (Chez Trédaniel – Editions de la Maisnie, 1983) et The Natural Way of Farming, démontrant ainsi qu’il ne manque pas de sagesse.. Sa méthode d’agriculture ne nécessite pas de labour, pas de fertilisants ni de pesticides, pas de désherbage ni d’élagage ainsi que très peu de travail! Il accomplit tout cela (y compris des rendements élevés) grâce à une extrème précaution dans la détermination de la période de semis tout comme dans le choix des combinaisons de plantes (polyculture). En résumé, il a élevé l’art du travail avec la nature à un très haut degré de raffinement..

Il décrit comment on peut appliquer ses méthodes d’agriculture naturelle aux zones désertiques de la planète, et ceci sur la base de son expérience en Afrique en 1985.

* Biographie

Microbiologiste de formation, il s’est spécialisé en phytopathologie, avant de commencer à douter des progrès apportés par l’agriculture scientifique. Il abandonne alors son poste de chercheur et part cultiver sa ferme familiale sur l’île de Shikoku. Dès lors, il consacre sa vie à développer une agriculture plus conforme à ses convictions, qu’il qualifiera d’agriculture naturelle. Ses recherches, inspirées de ses racines culturelles zen, taoïste, shinto, bouddhisme, vont dans le sens d’une unification spirituelle entre l’Homme et la Nature. A partir des années 1980, ses travaux rencontrent progressivement une reconnaissance mondiale, et il multiplie les conférences et rencontres internationales. Sa ferme devient un lieu d’échange sur ses pratiques pour des experts et curieux venus du monde entier.

Il est l’auteur de la Révolution d’un seul brin de paille qui raconte et théorise son expérience en agriculture naturelle. Sa pratique inspire en grande partie la permaculture de Bill Mollison et David Holmgren, malgré des différences philosophiques notables, l’agriculture naturelle étant basée sur le non-agir et le refus du savoir scientifique et rationnel.

En laissant faire la nature, et en limitant au maximum les interventions humaines nécessaires, il réalise que le rendement de sa production de riz est meilleur qu’en agriculture classique. Même sans apport extérieur, sa méthode d’agriculture a pour principal effet d’enrichir le sol plutôt que de l’épuiser.

[masa] Selon lui, l’esprit de discrimination, qui frappe l’ensemble de nos sociétés, a touché aussi l’agriculture productiviste moderne, et en explique les dérives. L’esprit de non-discrimination permet à l’homme attaché à la nature de la percevoir comme un tout non différentiable. Le sūtra du cœur, qu’il cite, essence du bouddhisme zen, résume l’esprit et la pratique de cet ancien chercheur en pathologies des plantes. Sa référence à Dieu sera plus marquée dans son dernier livre. Son premier ouvrage offre un éclairage simple et clair sur l’évolution de l’agriculture japonaise et mondiale.

En 1988 il a reçu le Ramon Magsaysay Award, souvent considéré comme équivalent au prix Nobel en Asie pour ses travaux et services rendus « à l’Humanité ».

Beaucoup de travail a été fait pour adapter la méthode Fukuoka aux conditions de l’agriculture européenne, entre autres les recherches des français Marc Bonfils et Claude Bourguignon, du travail de Emilia Hazelip, qui au cours de nombreux stages en France, en Espagne, et aux États-Unis, ont repris les fondamentaux du travail de Fukuoka.

* Les quatre principes de l’agriculture naturelle (permaculture) de Masanobu Fukuoka /extrait de La révolution d’un seul brin de paille

1- NE PAS CULTIVER, c’est-à-dire ne pas labourer ou retourner la terre. Pendant des siècles les agriculteurs ont tenu pour établi que la charrue était essentielle pour faire venir des récoltes. Cependant, ne pas cultiver est le fondement de l’agriculture sauvage. La terre se cultive elle-même, naturellement, par la pénétration des racines des plantes et l’activité des microorganismes, des petits animaux et des vers de terre.

2- PAS DE FERTILISANT CHIMIQUE OU DE COMPOST PREPARE. [Pour fertiliser, M. Fukuoka fait pousser une légumineuse en couverture du sol, le trèfle blanc, remet la paille battue sur les champs et ajoute un peu de fumier de volaille (à la suite de la construction d’une route entre son poulailler et ses champs, ses volailles ne pouvaient plus se balader dans ses cultures. Il a été contraint à cet apport.] Les hommes brutalisent la nature et malgré leurs efforts ils ne peuvent pas guérir les blessures qu’ils causent. Leurs pratiques agricoles insouciantes vident le sol de ses aliments essentiels et l’épuisement annuel de la terre en est la conséquence. Laissé à lui-même, le sol entretient naturellement sa fertilité, en accord avec le cycle ordonné de la vie des plantes et des animaux.

3- NE PAS DESHERBER, NI MECANIQUEMENT, NI AUX HERBICIDES. Les mauvaises herbes jouent leur rôle dans la construction de la fertilité du sol et dans l’équilibre de la communauté biologique. C’est un principe fondamental que les mauvaises herbes doivent être contrôlées, non éliminées.

4- PAS DE DEPENDANCE ENVERS LES PRODUITS CHIMIQUES. [Mr Fukuoka fait pousser ses récoltes de céréales sans produit chimique d’aucune sorte. Sur quelques arbres du verger il a occasionellement recours à une émulsion d’huile de machine pour contrôler la cochenille (insect scales). Il n’utilise pas de poison persistant ou à large spectre, et n’a pas de « programme » pesticide] Depuis le temps que les plantes faibles se sont développées, conséquence de pratiques contre nature telles que le labour et la fertilisation, la maladie et le déséquilibre des insectes sont devenus un grand problème en agriculture. La nature, laissée seule, est en parfait équilibre. Les insectes nuisibles et les maladies des plantes sont toujours présents, mais n’atteignent pas, dans la nature, une importance qui nécessite l’utilisation de poisons chimiques. L’approche intelligente du contrôle des maladies et des insectes est de faire pousser des récoltes vigoureuses dans un environnement sain.

 

* Pratique de l’agriculture naturelle…

« Mes champs sont peut-être les seuls au Japon à ne pas avoir été labourés depuis plus de vingt ans, et la qualité du sol s’améliore à chaque saison. J’estime que la couche supérieure riche en humus, s’est enrichie sur une profondeur de plus de douze centimètres durant ces années. Ce résultat est en grande partie dû au fait de retourner au sol tout ce qui a poussé dans le champ sauf le grain.» M. Fukuoka

* Culture

Quand le sol est cultivé on change I’environnement naturel au point de le rendre méconnaissable. Les répercussions de tels actes ont donné des cauchemars à des générations innombrables d’agriculteurs. Par exemple quand on soumet à la charrue un territoire naturel, de très solides mauvaises herbes telles que le chiendent et I’oseille arrivent parfois à dominer la végétation. Quand ces mauvaises herbes s’installent, I’agriculteur est confronté à une tâche presque impossible, le désherbage annuel. Très souvent la terre est abandonnée.
Quand on est confronté à de tels problèmes, la seule solution de bon sens est de cesser en premier lieu les pratiques contre-nature qui ont amené cette situation. L’agriculteur a aussi la responsabilité de réparer les dommages qu’il a causé. La culture du sol devrait être arrêtée. Si des mesures douces comme de répandre de la paille et de semer du trèfle sont pratiquées, au lieu d’utiliser des machines et des produits chimiques fabriqués par I’homme pour faire une guerre d’anéantissement, I’environnement reviendra alors à son équilibre naturel et même les mauvaises herbes génantes pourront être controlées.

* Fertilisant

Il m’arrive de demander en causant avec des experts de la fertilité du sol : « Si un champ est laissé à lui-même, la fertilité du sol augmentera-t-elle ou s’épuisera-t-elle? ». D’ordinaire ils hésitent et disent quelque chose comme : « Bien, voyons. Elle s’épuisera… » Non, ce n’est pas le cas si I’on se souvient que si I’on cultive le riz pendant longtemps dans le même champ sans engrais, la récolte se stabilise alors autour de 24 quintaux à I’hectare. La terre ne s’enrichit ni ne s’épuise.
Ces spécialistes de réfèrent à un champ cultivé et inondé (culture du riz – MD). Si la nature est livrée à elle-même la fertilité augmente. Les débris organiques animaux et végétaux s’accumulent et sont décomposés par les bactéries et les champignons à la surface du sol. Avec I’écoulement de I’eau de pluie les substances nutritives sont entraînées profondément dans le sol pour devenir nourriture des microorganismes, des vers de terre et autres petits animaux. Les racines des plantes atteignent les couches du sol plus profondes et ramènent les substances nutritives à la surface. Si vous voulez avoir une idée de Ia fertilité naturelle de la terre, allez un jour vous promener sur le versant sauvage de la montagne et regardez les arbres géants qui poussent sans engrais et sans être cultivés. La fertilité de la nature dépasse ce que I’on peut imaginer. C’est ainsi.

Rasez la couverture forestière naturelle et plantez des pins rouges du Japon, ou des cèdres, pendant quelques générations et le sol s’épuisera et s’ouvrira à I’érosion. Par ailleurs, prenez une montagne improductive à sol pauvre d’argile rouge et plantez-la en pins ou en cèdres avec une couverture du sol en trèfle et en luzerne. Comme I’engrais vert [note 1] allège et enrichit le sol, mauvaises herbes et buissons poussent sous les arbres, et un cycle fertile de régénération commence. Il y a des cas où le sol s’est enrichi sur une profondeur de dix centimètres en moins de dix ans.

Pour faire pousser les récoltes également, on peut arrêter d’utiliser des fertilisants préparés. Dans la plupart des cas une couverture permanente d’engrais vert et le retour de toute la paille et de la balle sur le sol seront suffisants. Pour fournir de I’engrais animal qui aide à décomposer la paille, j’avais I’habitude de laisser les canards aller en liberté dans les champs. Si on les y laisse aller quand ils sont canetons, pendant que les plantes sont encore toutes petites, les canards vont grandir en même temps que le riz. Dix canards vont pourvoir à tout le fumier nécessaire sur un are et aideront aussi à contrôler les mauvaises herbes.

J’ai fait cela de nombreuses années jusqu’à ce que la construction d’une route nationale vienne empêcher les canards de traverser pour aller aux champs et revenir à la basse-cour. Maintenant j’utilise un peu de crottes de poule pour aider à décomposer la paille. Sur d’autres terres, canards ou autre petit bétail sont encore possibles.

Ajouter trop d’engrais peut causer des problèmes. Une année, juste après le repiquage du riz, je louai un demi hectare en champs fraîchement plantés de riz pour une période d’un an. Je vidai toute I’eau des rizières et procédai sans fertilisant chimique, répandant simplement une petite quantité de crottes de poule. Quatre champs poussèrent normalement. Mais dans le cinquième, quoi que j’y fisse, les plants de riz poussèrent trop épais et furent attaqués par la brunissure (blast disease). Quand je questionnai le propriétaire à ce sujet, il dit qu’il avait utilisé ce champ tout I’hiver comme dépôt de fumier de poules.

En utilisant de la paille, de I’engrais vert et un peu de fumier de volaille, vous pouvez obtenir de hauts rendements sans ajouter de compost ni de fertilisant du commerce. Depuis plusieurs dizaines d’années maintenant, je reste tranquille à observer la démarche de la nature pour faire pousser et fertiliser. Et tout en observant, je fais de magnifiques récoltes de Iégumes, d’agrumes, de riz et de céréales d’hiver, cadeau pour ainsi dire de la fertilité naturelle de la terre.

* Venir à bout des mauvaises herbes

Voici quelques points clef à se rappeler dans la manière d’agir avec les mauvaises herbes.
Dès qu’on arrête de cultiver, la quantité de mauvaises herbes décroît nettement. Les variétés de mauvaises herbes dans un champ donné vont de même changer.

Si I’on sème pendant que la moisson précédente mûrit encore, ces semences germeront avant les mauvaises herbes. Les mauvaises herbes d’hiver ne Ièvent qu’après la moisson du riz, mais à cette époque-là, les céréales d’hiver ont déjà pris une tête d’avance. Les mauvaises herbes d’été ne Ièvent qu’après la moisson de I’orge et de I’avoine, mais le riz est déjà en train de croitre avec vigueur. En calculant les semailles de sorte qu’il n’y ait pas d’intervalle entre la succession des cultures on donne aux graines semées un sérieux avantage sur les mauvaises herbes. Si I’on recouvre entièrement le champ de paille juste après la moisson, on coupe court momentanément à la germination des mauvaises herbes. Le trèfle blanc semé avec les semences, en couverture du sol, aide aussi à garder les mauvaises herbes sous contrôle.

L’habituelle voie d’action sur les mauvaises herbes est de cultiver le sol. Mais lorsque vous le cultivez, les graines enfouies profondément dans le sol qui n’auraient jamais germé autrement, sont remontées à la surface et vous leur donnez une chance de germer. De plus, dans ces conditions, vous donnez I’avantage aux variétés à germination et croîssance rapides. Ainsi pourriez-vous dire que I’agriculteur qui essaye de contrôler les mauvaises herbes par la culture du sol, sème littéralement les graines de sa propre infortune.

* Contrôle des « maladies »

Il faut dire qu’il y a encore des personnes qui pensent que si elles n’utilisent pas de produits chimiques leurs arbres fruitiers et leurs champs de céréales vont dépérir sous leurs yeux. En réalité c’est en utilisant ces produits chimiques que les gens ont préparé à leur insu les conditions par lesquelles cette peur non fondée peut devenir réalité.

Récemment des pins rouges du Japon ont souffert de sérieux ravages dûs à une irruption d’hylobie de l’écorce (charançon du pin = pine bark weevils). Les forestiers utilisent maintenant des hélicoptères pour essayer d’arrêter les ravages par des pulvérisations aériennes. Je ne nie pas que ce soit efficace à court terme, mais je sais qu’il doit y avoir un autre moyen.

Les chancres de I’hylobie, selon les dernières recherches, ne sont pas une infestation directe mais continuent I’action de parasites médiats. Les parasites procréent à I’intérieur du tronc, bloquent le transport de I’eau et des éléments nutritifs, et causent éventuellement le dépérissement et la mort du pin.

La cause profonde, naturellement, n’est pas encore clairement discernée.

Les parasites se nourrissent d’un champignon qui se trouve à I’intérieur du tronc de I’arbre. Pourquoi ce champignon s’est-il mis à proliférer ainsi à I’intérieur de I’arbre? Est-ce que le champignon a commencé à se multiplier après que le parasite eût déjà fait son apparition ? Ou bien est-ce que le parasite a paru parce que le champignon était déjà Ià ? Cela se résume par la question : qui vint le premier : le champignon ou le parasite ? Qui plus est, il y a un autre microbe dont on sait très peu de chose, qui accompagne toujours le champignon, et un virus toxique pour le champignon. Les effets s’enchaînant en tous sens, la seule chose dont on soit absolument sûr est que les pins dépérissent en nombre inhabituel.

On ne peut pas savoir quelle est la cause véritable du chancre du pin, ni les conséquences profondes du « remède ». Si I’on intervient à I’aveuglette cela ne peut que semer les graines de la prochaine grande catastrophe. Non, je ne peux pas me réjouir, sachant que les ravages directs de I’hylobie ont été résolus par des vaporisations de produits chimiques. Utiliser des produits chimiques agricoles est la manière la plus absurde de traiter des problèmes tels que ceux-là, et ne conduira qu’à de plus graves problèmes dans I’avenir.

Les quatre principes de I’agriculture sauvage – (ne pas cultiver, pas d’engrais chimiques ni de compost préparé, pas de désherbage par labour ni herbicide et pas de dépendance chimique)- obéissent à I’ordre naturel et conduisent au réapprovisionnement de la richesse naturelle. Tous mes tâtonnements ont suivi cette ligne d’idée. C’est le coeur de ma méthode pour faire pousser Iégumes, céréales et agrumes.

* Agriculture au milieu des mauvaises herbes

Une grande variété d’espèces de mauvaises herbes poussent avec le grain et le trèfle blanc dans ces champs. La paille de riz répandue sur le champ I’automne dernier est déjà décomposée en riche humus. La moisson atteindra environ 59 quintaux à I’hectare .

Hier, quand le Professeur Kawase, qui fait autorité sur les herbes de pâturage, et le Professeur Hiroe, qui fait des recherches sur les plantes anciennes, virent la fine couche d’engrais vert dans mes champs, ils appelèrent cela une magnifique oeuvre d’art. Un agriculteur local qui s’était attendu à voir mes champs complètement recouverts de mauvaises herbes fut surpris de voir I’orge poussant si vigoureusement parmi les nombreuses autres plantes. Des experts techniques sont également venus ici, ont vu les mauvaises herbes, vu le cresson et le trèfle qui poussent partout, et sont partis en hochant la tête d’étonnement .

Il y a vingt ans, quand j’encourageais I’utilisation d’une couverture du sol permanente dans les vergers, il n’y avait pas un brin d’herbe visible dans les champs ou les vergers dans tout le pays. En voyant des vergers comme les miens les gens arrivèrent comprendre que les arbres fruitiers pouvaient très bien pousser parmi toutes sortes d’herbes. Aujourd’hui les vergers couverts d’herbes sont communs au Japon et ceux qui ne le sont pas sont devenus rares.

C’est la même chose pour les champs de céréales. Riz, orge et avoine peuvent pousser avec succès tandis que les champs sont couverts de trèfle et de mauvaises herbes tout au long de I’année. Revoyons plus en détail le programme annuel des semailles et moissons de ces champs. Début octobre, avant la moisson, on sème à la volée du trèfle blanc et des céréales d’hiver de variété à croîssance rapide parmi les tiges du riz finissant de mûrir [note 2]. Le trèfle et I’orge, ou I’avoine, Ièvent et poussent de deux centimètres et demi à cinq centimètres pendant le temps qu’il faut au riz pour être prêt à moissoner. Pendant la moisson du riz, les semences levées sont foulées par les pieds des moissonneurs, mais récupèrent en un rien de temps. Quand le battage est accompli la paille de riz est répandue sur le champ.

* Seed bomb

« En un jour il est possible de faire assez de boulettes d’argile pour ensemencer environ deux hectares. Je trouve que là où les boulettes sont couvertes de paille, les semences germent bien et ne pourissent pas même les années de pluie

Quand le riz est semé en automne et laissé découvert, les semences sont souvent mangées par les souris et les oiseaux ou bien elles pourrissent au sol et c’est pourquoi j’enferme les semences de riz dans de petites boulettes d’argile avant de semer. La semence est étalée sur un plateau ou une panière que I’on secoue dans un mouvement de va-et-vient circulaire. On la saupoudre d’argile finement pulvérisée et on ajoute de temps en temps une fine buée d’eau. Cela forme de petites boulettes d’environ un centimètre de diamètre. Il y a un autre procédé pour faire les boulettes.

– On fait d’abord tremper dans I’eau pendant plusieurs heures la semence de riz décortiqué. On la retire et on la mélange à de I’argile humecté tout en foulant des pieds ou des mains. Puis on presse I’argile à travers un tamis en grillage de cage à poule pour le séparer en petites mottes. On doit laisser sècher les mottes un jour ou deux, ou jusqu’à ce qu’on puisse aisément les rouler en boulettes entre les paumes. Idéalement il y a une graine par boulette. En un jour il est possible de faire assez de boulettes pour ensemencer environ deux hectares.

Selon les conditions j’enferme quelquefois les semences des autres céréales et des Iégumes dans des boulettes avant de semer. De mi-novembre à mi-décembre c’est le bon moment pour semer à la volée des boulettes contenant la semence de riz parmi les jeunes plants d’orge ou d’avoine, mais on peut aussi les semer à la volée au printemps . On étend sur le champ une fine couche de fumier de volaille pour aider à décomposer la paille et les semailles de I’année sont terminées.

En mai les céréales d’hiver sont moissonnées. Après le battage toute la paille est répandue sur le champ.

On fait alors entrer I’eau qu’on laisse stagner pendant une semaine à dix jours. Ceci provoque un affaiblissement des mauvaises herbes et du trèfle et permet au riz de lever à travers la paille. Durant juin et juillet la pluie suffit ; en août on fait passer de I’eau courante à travers le champ une fois par semaine sans la laisser stagner. Maintenant la moisson d’automne approche. Tel est le cycle annuel de culture du riz/céréales d’hiver par la méthode naturelle. Les semailles et la moisson suivent de si près le modèle de la nature qu’on peut considérer qu’elles suivent leur processus naturel plutôt qu’une technique agricole.
Cela ne prend qu’une heure ou deux à un agriculteur de faire les semailles et de répandre la paille sur un are. A I’exception de la moisson on peut faire pousser seul les céréales d’hiver, et pour le riz deux ou trois personne suffisent en n’utilisant que les outils japonnais traditionnels. Il n’y a pas méthode plus facile, plus simple, pour faire pousser le grain. Elle comporte à peine plus que semer à la volée et répandre la paille, mais il m’a fallu plus de trente ans pour atteindre cette simplicité.

Cette manière de travailler la terre s’est développée conformément aux conditions naturelles des îles japonaises mais j’ai le sentiment que la méthode naturelle du travail de la terre pourrait aussi être appliquée dans d’autres régions et pour d’autres cultures indigènes. Dans les régions où I’eau n’est pas aisément disponible on pourrait faire pousser le riz des montagnes, par exemple, ou d’autres grains tels que le sarrasin, le sorgho ou le millet. Au lieu du trèfle blanc une autre variété de trèfle, la luzerne, la vesce ou le lupin peuvent se révéler meilleures couvertures du champ. L’agriculture sauvage prend une forme distincte, conformément aux conditions particulières de la région où elle est appliquée.

Pendant la transition vers cette sorte d’agriculture, un peu de désherbage, de compostage ou d’élagage peuvent être nécessaires au début mais ces mesures seront graduellement réduites chaque année. Finalement ce n’est pas la technique de culture qui est le facteur le plus important, mais plutôt I’état d’esprit de I’agriculteur.

* Agriculture avec de la paille

On pourrait considérer que répandre de la paille est plutôt sans importance alors que c’est le fondement de ma méthode pour faire pousser le riz et les céréales d’hiver. C’est en relation avec tout, avec la fertilité, la germination, les mauvaises herbes, la protection contre les moineaux, I’irrigation. Concrétement et théoriquement, I’utilisation de la paille en agriculture est un point crucial. Il me semble que c’est quelque chose que je ne peux pas faire comprendre aux gens.

* Répandre la paille non-hachée

Le Centre d’Essai d’Okayama est en train d’expérimenter I’ensemencement direct du riz dans quatre vingt pour cent de ses champs expérimentaux. Quand je leur suggérai d’étendre la paille non-hachée, ils pensèrent apparemment que cela ne pouvait pas être bien, et firent les expériences après I’avoir hachée dans un hachoir mécanique. Quand j’allai voir I’essai il y a quelques années, je vis que les champs avaient été divisés en ceux utilisant la paille non-hachée, hachée et pas de paille du tout. C’est exactement ce que je fis pendant longtemps et comme la non hachée marche mieux, c’est la non-hachée que j’utilise. M. Fujii, un enseignant du Collège d’Agriculture de Yasuki dans la Préfecture de Shimane, voulait essayer I’ensemencement direct et vint visiter ma ferme. Je lui suggérai de répandre de la paille non-hachée sur son champ. Il revint I’année suivante et rapporta que I’essai avait raté. Après avoir écouté attentivement son récit, je m’aperçus qu’il avait posé la paille de manière rectiligne et ordonnée comme le mulch d’un jardin japonais. Si vous faites ainsi, les semences ne germeront pas bien du tout. Les pousses du riz auront du mal à passer au travers de la paille d’orge ou d’avoine si on la répand de façon trop ordonnée. Il vaut mieux la jeter à la ronde en passant, comme si les tiges étaient tombées naturellement.

La paille de riz fait un bon mulch aux céréales d’hiver, et la paille de céréales d’hiver est encore meilleure pour le riz. Je veux que cela soit bien compris. Il y a plusieurs maladies du riz qui infesteront la récolte si on applique de la paille de riz fraîche. Toutefois ces maladies du riz n’affecteront pas les céréales d’hiver, et si la paille de riz est étendue en automne, elle sera tout à fait décomposée quand le riz germera au printemps suivant. La paille de riz fraîche est saine pour les autres céréales, de même que la paille de sarrazin, et la paille des autres espèces de céréales peut être utilisée pour le riz et le sarrazin. En général la paille fraiche des céréales d’hiver telles que le froment, I’avoine et I’orge ne doit pas être employée comme mulch pour d’autres céréales d’hiver parce que cela pourrait provoquer des dégats par maladie .
La totalité de la paille et de la balle restant après avoir battu doit retourner sur le champ.

* La paille enrichit la terre.

Eparpiller la paille maintient la structure du sol et enrichit la terre au point que le fertilisant préparé devient inutile. Ceci est lié bien entendu à la non-culture. Mes champs sont peut-être les seuls au Japon à ne pas avoir été labourés depuis plus de vingt ans, et la qualité du sol s’améliore à chaque saison. J’estime que la couche supérieure riche en humus, s’est enrichie sur une profondeur de plus de douze centimètres durant ces années. Ce résultat est en grande partie dû au fait de retourner au sol tout ce qui a poussé dans le champ sauf le grain.

* Pas besoin de préparer de compost.

II n’est pas nécessaire de préparer de compost. Je ne dirai pas que vous n’avez pas besoin de compost – seulement qu’il n’est pas nécessaire de travailler dur à le faire. Si on laisse la paille étendue à la surface du champ au printemp ou en automne et qu’on la recouvre d’une mince couche de fumier de poule ou de crottes de canard, en six mois elle se décomposera complètement. Pour faire du compost par la méthode habituelle, I’agriculteur travaille comme un fou sous le soleil brûlant, hachant la paille, ajoutant de I’eau et de la chaux, retournant le tas et le tractant jusqu’au champ. Il se donne toute cette peine parce qu’il pense que c’est une « meilleure voie ». Je préférerais voir les gens éparpiller de la paille, de la balle ou des copeaux sur leurs champs .

En voyageant sur la ligne de Tokaïdo à I’ouest du Japon, j’ai remarqué qu’on coupe la paille plus grossièrement que lorsque j’ai commencé à parler de la répandre non coupée. I1 faut que je rende justice aux agriculteurs. Mais les experts d’aujourd’hui continuent à dire qu’il est préférable de n’utiliser que tant de tonnes de paille à I’hectare. Pourquoi ne disent-ils pas de remettre toute la paille dans le champ ? En regardant par la fenêtre du train, on peut voir des agriculteurs qui ont coupé et répandu environ la moitié de la paille et laissent pourrir le reste à I’écart sous la pluie.
Si tous les agriculteurs du Japon se mettaient d’accord et commençaient à remettre toute la paille sur leurs champs, le résultat serait qu’une énorme quantité de compost reviendrait à la terre.

* Germination

Pendant des centaines d’années les agriculteurs ont mis grand soin à la préparation de semis de riz pour faire pousser du plant sain et fort. Ils nettoyaient les petits semis comme s’ils avaient été I’autel des ancètres. La terre était cultivée, du sable et les cendres de balle de riz brûlée étaient répandus tout autour, et une prière était offerte pour que les plants réussissent.

Il n’est donc pas étonnant que les villageois des environs aient pensé que je n’avais plus ma tête de jeter la semence à la volée tandis que les céréales d’hiver étaient encore sur pied, avec des mauvaises herbes et des morceaux de paille en décomposition éparpillés partout.

Naturellement les semences germent bien quand elles sont semées directement sur un champ bien retourné, mais s’il pleut il devient boueux, on ne peut pas y entrer et y marcher et les semailles doivent être différées. La méthode sans culture a la sécurité sur ce point, mais par ailleurs elle a I’inconvénient des petits animaux tels que taupes, grillons, souris et limaces qui aiment manger les semences. Les boulettes d’argile enfermant les semences résolvent ce problème.

Pour semer les céréales d’hiver la méthode habituelle est de semer la semence et de la recouvrir de terre. Si la semence est mise trop profondément, elle pourrira. J’ai autrefois laissé tomber la semence dans de petits trous dans le sol, ou dans des sillons sans les recouvrir de terre, mais j’ai expérimenté beaucoup d’échecs avec les deux méthodes. Depuis peu je suis devenu paresseux et au lieu de faire des sillons ou de faire des trous dans la terre, j’enveloppe les semences dans des boulettes d’argile et je les lance directement sur le champ. La germination est meilleure à la surface où elle est exposée à I’oxygène. J’ai trouvé que Ià où les boulettes sont couvertes de paille, les semences germent bien et ne pourrissent pas, même les années de forte pluie.

* La paille aide à tenir tête aux mauvaises herbes et aux moineaux

Idéalement, un hectare produit environ quatre tonnes de paille d’avoine. Si la totalité de la paille est étendue sur le champ, la surface sera entièrement recouverte. Même une mauvaise herbe génante comme le chiendent, problème le plus difficile dans la méthode d’ensemencement direct sans culture, peut être maintenue sous contrôle.

Les moineaux m’ont causé de fréquents maux de tête. L’ensemencement direct ne peut pas réussir sans moyen sûr pour venir à bout des oiseaux et il y a beaucoup d’endroits où I’ensemencement direct a été lent à se répandre pour cette seule raison. Certains d’entre vous peuvent avoir le même problème aves les moineaux et vous comprendrez ce que je veux dire. Je me souviens du temps où ces oiseaux me suivaient et dévoraient toutes les graines que j’avais semées avant même que j’aie pu finir I’autre côté du champ. J’ai essayé les épouvantails à moineaux et les filets, des boîtes de conserve cliquetant sur des ficelles, mais rien n’a vraiment bien marché. Ou s’il arrivait qu’une de ces méthodes réussît, son efficacité ne durait qu’un an ou deux.

Mon expérience a montré qu’en semant quand la récolte est encore sur pied de telle sorte que la semence soit cachée par les herbes et le trèfle et en répandant un mulch de paille de riz, d’avoine ou d’orge dès que la récolte mûre à été moissonnée, le problème des moineaux peut être résolu avec beaucoup d’efficacité.
J’ai fait quantité de fautes en expérimentant au cours des ans, j’ai fait I’expérience d’erreurs de toutes sortes. J’en connais probablement plus sur ce qui peut aller mal dans la croissance des récoltes agricoles que personne d’autre au Japon. Quand j’ai réussi pour la première fois à faire pousser du riz et des céréales d’hiver par la méthode de la non-culture, je me suis senti aussi heureux que Christophe Colomb a dû I’être quand il découvrit l’Amérique .

* Fabrication de seeds bombs

[seed] Composition :

* un mix de graines
*1/3 de lombricompost
* 2/3 d’argile

Etape 1 : mélangez le 2/3 – 1/3 d’argile et de lombricompost

Etape 2 : Ajoutez y votre mélange de graines

Etape 3 : Versez de l’eau pour humidifier jusqu’à obtenir une pâte compacte et mélanger

Etape 4 : Malaxez pour former de petites boules

Etape 5 : C’est prêt, allez semer !

Sources:

forum.permacultureweb.fr

www.citerre.org/fukuokamct.htm

neomansland.info

wikipédia

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