(L’épisode précédent est l’article : Conscience animale s’individualisant de son âme Groupe)

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(Tomy est un jeune chien qu’observent Anne et Daniel dans une odyssée consacrée à la découverte du monde animal sur Terre vue sous l’angle enrichissant de la décorporation ou voyage astral)

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A deux pas du chiot et au ras de la poussière du sol, nos êtres se stabilisent alors, bien décidés à tenter un contact avec Tomy.

Dehors une portière claque, un moteur ronronne, grince, puis enfin le véhicule s’éloigne et les chiens se taisent.

Voilà… Le silence est à nouveau tombé sur le mas et Tomy s’est précipité vers la porte comme pour recueillir les parfums du vent qui s’engouffre sous elle.

« N’espérez pas ainsi un contact, chuchote la voix-guide. Votre compagnon est encore jeune et, pour l’heure, il demeure plus préoccupé par cette dimension horizontale évoquée tout à l’heure, que par tout autre chose. Ainsi que pour tout animal introduit dans un lieu inconnu de lui, cette grange représente un véritable univers. Tomy a besoin de le cerner, de le pénétrer de sa présence, dans ses moindres recoins. C’est cela que vous devez observer. Il a besoin aussi d’y trouver une chose à laquelle l’homme ne songe pas souvent… une trace d’amour. En effet, voyez-vous, la conscience animale, quelle qu’elle soit, sait très bien que tout lieu est doté d’une mémoire. Elle a infiniment besoin de lire cette mémoire pour tenter d’y adapter son être.

Lorsque vous regardez un animal découvrir un endroit ignoré de lui, vous, les hommes, ne parlez généralement que de flair ou d’instinct, incapables que vous êtes d’accéder à une vibration plus intime de l’univers physique. Oui, je dis bien physique, car la mémoire d’un lieu fait encore bien partie du monde relativement dense. Sa pénétration exige seulement un déverrouillage des facultés d’écoute du cœur. Ne vous y trompez pas… Le cœur peut réellement écouter autrement que poétiquement ! Les poèmes humains traduisent une perception souvent confuse ou un espoir, à moins que ce ne soit un souvenir inconscient… mais l’âme animale, quant à elle, vit constamment tout cela.

Regardez bien Tomy, mes amis ; Vous le voyez flairer la poussière et la paille du sol de cette grange, ainsi d’ailleurs que le feraient beaucoup d’autres animaux. Bien sûr, c’est l’idée de leur odeur et des informations véhiculées par celle-ci qui vous vient à l’esprit, mais vous devez savoir que c’est aussi au-delà de l’odeur que l’animal cherche. C’est vers cette dimension, trop négligée de votre monde, que l’on nomme l’éther, qu’il dirige sa quête. L’odeur est une manifestation de la lumière dense renvoyée par toute chose. La lumière subtile, quant à elle, ce que vous appelez aura, dégage sa propre odeur et c’est elle que cherche l’animal car c’est par elle qu’il trouve la porte d’accès à la mémoire d’un lieu ou d’un objet.

Approchez-vous de Tomy. Ne soyez plus observateurs mais tentez de vous mettre en symbiose avec lui ; Aimez-le pour la vie qui est en lui, sachant que ce qu’il connaît aujourd’hui, chaque homme, chaque femme l’a expérimenté analogiquement des milliers de fois, il y a des milliards d’années. »

C’est un véritable défi qui nous est lancé. Faut-il renoncer, comme tout à l’heure encore, à tout comportement d’homme et de femme afin de nous laisser entraîner vers d’autres réflexes et aussi une logique différente ?

Sans doute la Présence-guide a-t-elle agi sur quelque déclic au plus profond de nous-mêmes, car la question n’a pas plutôt surgi en nous qu’elle perd immédiatement de sa consistance, emportée par un flot d’images déferlantes. Ainsi, c’est une sorte de brouillard lumineux qui envahit notre conscience et, en son sein, apparaissent subrepticement des images gorgées de soleil, de pluie et de vent. Celles d’un champ aux reflets blonds en bas d’une colline aride, celle d’une lame de faucheuse qui tournoie et d’un moteur qui toussote sur une route de montagne. Puis, ce sont des images de bottes traînant sur la terre battue, des bruits de fourches qui raclent le sol et des cris d’hommes et d’enfants qui viennent nous submerger. Autant de visions, autant de perceptions, qui font parler en nous le monde de la paille, celui des êtres qui l’on mise en bottes, enfin celui de la poussière chaude et acre de la grange.

« Non, là il n’y a pas d’amour », avons-nous envie de murmurer alors que tout s’estompe. Et déjà, nous savons, avec une certitude absolue, que Tomy a ressenti tout cela et sans doute plus encore. Nous savons qu’il a perçu la main humaine obéissant à la machine et asservissant une vie végétale qui, pour lui, ne signifie rien. Cet endroit est mécanique, il porte seulement le masque d’une certaine chaleur. « Nous sommes dans le monde de l’utile », c’est ce que clament la poussière, les murs et ce tas de cartons vides abandonnés dans un angle.

Près d’un tonneau qui perd son cerclage, Tomy soupire bruyamment et nous aurions presque envie et besoin de l’imiter dans cette sorte de désert privé de toute âme aimante.

Nous sommes désormais dans un état de conscience tel qu’il nous emble percevoir quelque chose se déverser de l’esprit du jeune chien jusqu’au centre du nôtre.

« Aimer, aimer… Qu’y a-t-il pour aimer, qu’y a-t-il à aimer… et qui donc aimer ? »

Toutes ces interrogations, étrangères à nous-mêmes, virevoltent littéralement dans notre conscience. Elles nous habitent pendant quelques instants comme des oiseaux qui se débattent dans une cage trop étroite.

Au pied du tonneau, Tomy se laisse finalement glisser sur le sol, le museau contre terre, avec une plainte nostalgique.

Face à lui, entre quelques piquets de bois et la pierre du mur, un rayon de lumière blafarde vient jouer avec une immense toile d’araignée. Un petit animal velu se tient immobile en son centre et paraît l’observer.

« Il y a tout au moins elle à aimer… »

« L’araignée ? »

« Bien sûr, reprend la voix-guide. Mais aimer, pour un animal qui ouvre sa conscience, cela ne signifie pas nécessairement s’approprier. Cela peut être jouer, c’est-à-dire reconnaître l’autre comme un être à part entière, digne d’intérêt. »

« Mais, pour un chien… pour un chat, jouer dans de telles conditions, c’est chercher à dominer. L’araignée sera écrasée, avalée. Est-ce cela que l’on appelle un jeu ? »

« Vous êtes au royaume animal, ne l’oubliez pas, mes amis. Le regard posé par vos frères sur ce que vous appelez vie et mort est souvent bien différent du vôtre. Pourquoi attendre de l’animal plus que ce que l’homme parvient lui-même à donner ?

Derrière le mur de cette grange, sur une cheminée, il y a un fusil et des cartouches… Prétendez-vous que les chasseurs tuent aujourd’hui pour manger ?

L’âme animale ne craint pas la mort en elle-même. Elle la fréquente de beaucoup plus près que l’humain ne saurait le faire, parce qu’elle n’a pas de culture qui en dresse de perception hideuse et parce qu’elle est dénuée de la notion de morbide. Ce qu’elle craint, c’est l’énergie qui génère parfois l’apparition de cette mort, la hargne, la haine ou le sadisme qui la font naître.

Si Tomy venait à écraser cette araignée par jeu, il le ferait par un manque d’une certaine conscience, mais sans engendrer une énergie qui souille le cœur et le lieu. Son ego n’a pas encore suffisamment éclos en lui pour que la notion de responsabilité signifie quelque chose à son propos. »

Tandis que la voix achève de prononcer ces mots, nos regards sont de plus en plus attirés par l’araignée au centre de sa toile. Nos consciences s’en approchent involontairement de si près qu’il nous semble maintenant l’observer à la loupe. Il y a quelque chose de fascinant dans son petit corps velu ; Tout y paraît ordonné comme dans un mécanisme d’horlogerie, beau et force de précision.

Insensiblement, nous nous laissons absorber par sa présence et une sorte de voile translucide vient à tomber entre les murs de la grange et nous-mêmes. C’est un voile par lequel la lumière acquiert une épaisseur, une consistance jaunâtre. Nous comprenons alors que, sans l’avoir cherché, nous venons de basculer sur une autre longueur d’onde de notre univers. L’animal et sa toile nous apparaissent désormais d’un blanc laiteux, parcouru de fines brillances azurées. Et puis d’un coup, semblable à une projection lumineuse faite sur un écran qui serait au centre de notre être, une forme apparaît devant laquelle tout s’efface. Elle est une sphère blanche aux reflets de nacre et sur son pourtour s’échappent de toutes parts une infinité de filaments qui ondoient comme autant de bras cherchant à palper l’invisible.

Qu’y a-t-il derrière cette merveilleuse organisation et, nous devrions dire, cette si douce présence ? Oui, si douce, car ce ne sont pas des tentacules ni de longues et fines pattes qui viennent ainsi nous chercher et nous envelopper mais des projections de lumière, les émanations d’une conscience puissante et sereine.

« Amis, ô amis, fait-elle, comme si elle nous connaissait de toute éternité, béni soit cet instant où une oreille humaine s’ouvre. Ecoutez, écoutez simplement car je veux vous dire qui je suis et qui vous ignorez chaque jour… Je suis le cœur et l’âme de la planète araignée, son intelligence aussi, l’inspiratrice, l’ordonnatrice de tous ces filets que vous découvrez chaque matin couverts de rosée, de toutes ces toiles tendues et retendues patiemment dans les recoins oubliés de vos maisons. Je suis une force mentale qui essaie d’apprivoiser la matière, les souvenirs de votre monde et qui apprend aussi ses lois.

A travers des milliards et des milliards de corps, je tisse un immense réseau par lequel l’organisation de cette terre pénètre lentement en moi, dans tous ses rouages… Car je suis une mémoire, amis. Je construis une intelligence basée sur une mémoire détaillée et nourrie de toute l’intimité des intelligences qui y vivent aujourd’hui. Patiemment, je bâtis la structure d’un univers pour demain… pour après-demain peut-être… peu importe car j’ignore votre temps. Il y a une boule de feu, un espoir qui vit en mon centre et qui, déjà, a la vision d’un monde à venir, un monde fort des richesses de celui-ci. Avec vos mots de matière… vous diriez peut-être que je suis un cerveau qui se bâtit, une race en gestation qui vivra et grandira sur d’autres Terres, sous d’autres Cieux.

Toutes ces toiles qu’à travers les cellules de mon être je tisse inlassablement par les forêts et les granges, les caves et les greniers, sont plus que de simples instruments afin que mon corps subsiste et s’ancre en ce monde. Ce sont des lecteurs, des capteurs de ce que la conscience humaine produit, de votre intelligence créative et destructive, de vos errances, de vos doutes et de vos peurs mais aussi de vos percés vers l’Infini. Par leur réseau subtil j’absorbe l’histoire de votre monde, ses mutations, et les schémas de votre croissance.

Ainsi, lorsque chaque matin votre vision de l’ordonnance des choses vous dicte de briser d’un revers de la main l’un des capteurs de ma mémoire, faites-le au moins sans colère ni reproche. La vie ne vous appartient pas… ne l’oubliez jamais. Elle essaie de parler par toutes les voies, tous les pores de la Création… avec ou sans l’homme, en-deçà et au-delà de lui. Acceptez seulement de m’observer de pénétrer l’étincelle de conscience et d’amour enclose en chacun de mes corps. Vos peurs sont à l’image de vos yeux embués et de vos oreilles fermées. Alors, apprenez à m’écouter, à me regarder… sous toutes mes apparences. Il est trop injuste de fuir et de détester ce que l’on n’a pas pris la peine d’approcher et de voir. C’est une platitude que de dénoncer cela mais c’en est également une que de vivre et de perpétuer un tel état de fait d’âge en âge. Tout mon être vous propose un pas de plus vers l’harmonie en découvrant un autre visage du respect de la Vie.

A chaque seconde qui s ‘écoule, je vois et sens des millions d’épaules qui se haussent face à ma présence et autant de cris que l’on me jette. Du fond de mon âme, je les reçois, je les analyse et j’y perçois toute votre détresse. J’y lis votre incapacité de percevoir le Divin en toute chose, votre coupure avec le Monde et, derrière tout cela, votre crainte héréditaire de devoir relativiser votre propre image, votre importance devant l’immensité de la Création.

Qu’est-ce qu’une araignée ? Dites-vous. Mais, un peu de tous ces éléments, de toutes ces forces qui circulent en vous ! Un peu de cet Être sans nom dont vous cherchez, vies après vies, la trace lumineuse, sans trop oser même l’avouer.

Sachez-le, une araignée lit en vous plus surement que la plupart des créatures de votre monde. Elle est déchiffreuse de perceptions auditives et d’émissions psychiques.

En cet instant, amis, je perçois une foule d’interrogations qui déferlent en vous, mais surtout, surtout cette lancinante question qui traîne encore chez les hommes. L’intelligence animale… Y en a-t-il vraiment une ? Ne se limite-t-elle pas à la simple reproduction de quelques schémas ?

Mais, dites-moi, vous, ce qu’est l’Intelligence ! Savez-vous réellement qu’elle peut ne pas avoir visage humain, que vous pouvez ne pas en être la juste et éternelle mesure ?

Il n’y a pas une intelligence, mais des intelligences… Certains de vos frères, dans d’autres mondes, ne perçoivent pas sept couleurs dans l’arc-en-ciel mais bien plus, d’autres captent les parfums et en font des sculptures, d’autres encore jouent avec le temps et s’y déplacent comme sur une route ! Tous n’ont pas votre apparence, loin s’en faut. De la même façon, nous autres, dévas et frères animaux bâtissons à l’intérieur même de votre monde, des sphères de conscience et d’intelligence dont vous ne pouvez avoir la moindre idée. Nous y développons des civilisations… oui, je dis bien des civilisations… mais autour de concepts qu’aucun mot ne saurait traduire. Des civilisations d’images mentales, des civilisations édifiées à partir de reliefs vivants (1) issus de notre conscience, des univers complets, parfaits dans leurs rouages… et où l’intelligence, la sensibilité, la logique divines déploient l’une de leurs myriades de facettes. Oui, il y a plusieurs terres qui s’entrecroisent au cœur même de cette terre… et, sachez-le, seule l’Intelligence des intelligences, celle qu’affine un cœur pur, permet de se déplacer de l’un de ces univers à l’autre, de l’univers de l’homme à ceux qui ne le sont plus ou pas encore.

Une telle vision de la part de l’âme arachnoïde vous surprend, n’est-ce pas, frères humains ?

Mais l’histoire et le rôle de ceux que vous appelez dévas, voyez-vous, c’est l’histoire de la Présence divine qui s’expanse à tout instant… sans autre raison que celui de l’Unité. »

Unité… ce mot est resté gravé en nous alors que la « vision » vient soudain de s’estomper. Il y résonne encore comme pour nous faire savourer la multitude des promesses dont il est chargé et qu’il faut transmettre.

Puis, peu à peu, tandis que l’image de Tomy somnolant et du vieux mas s’est éloignée, notre temps d’homme et de femme a repris ses droits et sa densité.

A trois mètres au-dessous de nous, deux corps de chair ankylosés attendent… notre retour !

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(1) = note des auteurs : Reliefs vivant : sans doute peut-on assimiler cela à des hologrammes.

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(Extrait du livre « Le Peuple Animal » écrit par Anne Givaudan et Daniel Meurois)

(Notes entre parenthèses et retranscription : Delta de la Lyre)

Anne Givaudan Et Daniel Meurois