21/02/2002
Congo Brazzaville (République du Congo)
Election présidentielle au Congo Brazzaville : Un processus électoral contesté par l’opposition

(MFI) Après une période de transition de près de quatre ans et demi, marquée par une nouvelle flambée de violence en 1998-1999, le Congo Brazzaville renoue avec un processus électoral démocratique qui reste toutefois contesté aussi bien par l’opposition de l’intérieur que les anciens dirigeants qui ont fui à l’étranger.

Le président Denis Sassou Nguesso, revenu au pouvoir par les armes en octobre 1997 à la suite d’une guerre civile déclenchée par son prédécesseur Pascal Lissouba (qui vit à présent à Londres), a toutes les chances de gagner la prochaine élection présidentielle dont le premier tour est prévu pour le 10 mars. Un deuxième tour aura lieu le 7 avril, si aucun des candidats ne recueille au moins 50 % des voix. Sassou Nguesso qui avait déjà dirigé le Congo de 1979 à 1992, à la tête d’un parti unique PCT (Parti Congolais du Travail), qui est au cœur de l’alliance au pouvoir est confronté à une opposition profondément divisée qui rejette tout le processus électoral mais qui a quand même présenté onze candidats. Deux d’entre eux ont été invalidés par la cour suprême faute de paiement du dépôt requis.
Sa candidature est officiellement soutenue par une cinquantaine de partis et 250 associations dans un pays qui compte 250 partis pour une population de près de 3 millions d’habitants et 1,6 million d’électeurs inscrits. L’opposition dénonce tout le processus électoral, y compris le référendum sur le projet de la nouvelle constitution approuvé par les électeurs à 84,5 % des suffrages exprimés le 20 janvier dernier.
Aussi bien Pascal Lissouba, premier président démocratiquement élu de la République du Congo au début des années 90, que son premier ministre de 1997 Bernard Kolelas, réfugiés à l’étranger depuis la victoire de Sassou Nguesso, ont appelé au boycottage du référendum et des élections présidentielles, ce qui n’a pas été suivi d’effet. Les deux hommes ont été condamnés à mort par contumace et l’actuel président a toujours refusé leur retour malgré le dialogue « sans exclusive » qu’il a lancé l’année dernière sous la pression notamment des bailleurs de fonds.
L’ouverture du dialogue a toutefois permis le retour de la plupart des autres opposants et leur participation au processus électoral. Le président sortant mise sur la soif de paix de la population déchirée et décimée par un conflit civil qui a détruit la plupart des infrastructures du pays, à l’exception de la région côtière de Pointe Noire, la capitale économique du pays qui sert de base pour l’activité pétrolière offshore.
Seuls deux des candidats de l’opposition, André Milongo et Martin Mberi, sont considérés comme des poids lourds politiques. Milongo, ancien président de l’assemblée nationale sous Lissouba est un modéré soutenu par une alliance d’une dizaine de petits partis politiques. Martin Mberi, qui fut ministre de l’intérieur sous Lissouba et qui a rejoint le gouvernement de transition de Sassou Nguesso après la guerre civile, bénéficie quant à lui du soutien d’une faction du parti UPADS (l’Union Panafricaine pour la démocratie sociale) fondée par Pascal Lissouba.
Sassou Nguesso est un Mbochi, ethnie minoritaire du Nord. « Il représente toutefois un espoir de paix même pour ceux qui ne l’aiment pas et lui reprochent de ne pas avoir fait assez pour réconcilier les Congolais et lutter contre la corruption du régime en place », souligne en privé un membre influent de l’opposition.
Le Congo avait bénéficié d’une assistance post-conflit du FMI et de la Banque Mondiale après la guerre civile de 1997. Mais la reprise des combats fin 1998 avait interrompu ces programmes. L’aide a repris en novembre 2000 à la faveur de l’engagement du président Sassou Nguesso d’entreprendre des réformes économiques et de lancer le dialogue politique. L’Union européenne a elle aussi fini par reprendre son aide après l’avoir suspendue en 1997 sous la pression des pays du nord de l’Europe et des Verts qui accusaient Sassou Nguesso d’avoir renversé un président démocratiquement élu dont le mandat était toutefois arrivé à expiration.
Le président congolais avait bénéficié du soutien militaire des dirigeants de l’Angola voisin qui avaient partagé son passé marxiste. Mais il a aussi tiré avantage du souhait des grandes puissances de voir le retour d’une certaine stabilité dans un pays voisin de la RDC – Brazzaville est situé en face de Kinshasa, sur le fleuve Congo – toujours empêtré dans le chaos de la guerre civile déclenchée en août 1998.
L’Angola, avec la Namibie et le Zimbabwe, soutiennent Kinshasa alors que l’Ouganda et le Rwanda assistent la rébellion. Sassou Nguesso, soucieux aussi de préserver la paix au Nord, à la frontière avec la République centrafricaine, et d’éviter l’afflux supplémentaire de réfugiés, a su garder une certaine neutralité dans cette affaire et a même tenté des missions de médiation.

Marie Joannidis

Encadré : dix candidats retenus

Douze candidatures ont été présentées pour l’élection présidentielle du 10 mars prochain au Congo Brazzaville. La cour suprême du Congo agissant en tant que juge constitutionnel a toutefois invalidé deux d’entre elles, celles d’Antoine Miété et de Pierre Mounkala, tous les deux peu connus, pour défaut d’un dépôt de cautionnement de cinq millions de francs CFA, exigé pour chaque candidat.
Outre le président sortant Denis Sassou Nguesso, les candidats admis sont Bonaventure Mizidy du Parti républicain libéral, Joseph Kignoumbi Kia Mboungou de l’Union Panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS de l’ancien président Pascal Lissouba), André Milongo de l’Union pour la démocratie et la république (UDR), Luc Adamo Matéta de la Convention pour la démocratie et la république, Martin Mbéri, ancien ministre de l’urbanisme, Anselme Makoumbou Nkouka, indépendant, Côme Manckassa de l’Union congolaise des républicains (UCR), d’Angèle Bandou du Parti des pauvres, Jean Félix Demba Ntélo, indépendant. Ni Martin Mberi ni Kignoumbi Kia Mboungou n’ont reçu l’aval de Lissouba qui se considère toujours comme le chef de l’UPADS.
Quant au parti de Bernard Kolelas, le dernier premier ministre de l’ex-président Lissouba, le MCDDI (Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral), il a été repris en main par Michel Mampouya, contre le gré de son fondateur en exil. Michel Mampouya qui fait partie du gouvernement de transition de Sassou Nguesso vient de conclure une alliance avec le PCT (Parti congolais du travail) du chef de l’Etat. Le MCDDI a un poids considérable dans le Pool, la région qui entoure Brazzaville. Face au président sortant, seuls Martin Mberi, soutenu par une faction de l’UPADS, et André Milongo ont un certain poids politique. Mais les jeux paraissent déjà faits.

M. J.

Encadré : les chiffres-clés

Le Congo Brazzaville a une population de trois millions et le produit national brut par habitant s’élève à 550 dollars, plaçant le pays dans la catégorie des pays à faible revenu malgré ses ressources pétrolières. Le Congo est en effet le quatrième producteur de brut de l’Afrique sub-saharienne derrière le Nigeria, l’Angola et le Gabon. Le pétrole fournissant quelque 60 % des revenus du gouvernement, l’économie est tributaire des fluctuations des cours de pétrole mondiaux. La croissance qui avait repris en 1998 avec un taux de 3,7 % après la guerre civile de 1997 a connu une contraction en 1999 à la suite de la nouvelle flambée de violence mais a atteint 4,2 % en 2001 et devrait s’accélérer à quelque 4,5 % en 2002.
Dette et privatisations : la dette extérieure est estimée à un peu plus de 5 milliards de dollars, le taux d’inflation étant parmi les plus bas en Afrique à 3 %. Les revenus d’exportation – essentiellement du pétrole brut et des bois tropicaux – pourraient dépasser 2,6 milliards de dollars cette année, selon les dernières prévisions. Le Congo mise sur un allègement de sa dette une fois qu’il aura achevé un programme de stabilisation et de réformes économiques sous la surveillance du FMI. Ce programme prévoit notamment la privatisation des grandes entreprises d’Etat comme le chemin de fer qui relie Brazzaville à Pointe Noire. Le pays bénéficie notamment de l’aide de la Banque Mondiale et de bailleurs de fonds bilatéraux pour la reconstruction ainsi que la démobilisation et la réintégration d’anciens combattants des guerres civiles de ces dernières années. Ces conflits avaient entraîné une chute de 20 % de la production des secteurs non-pétroliers de l’économie mais avaient épargné les activités du secteur pétrolier off-shore.

M. J.

M J