27 novembre 2016 ·
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Chris Antoine Walembeaud : « Du temps où j’étais à ses côtés, Ntoumi était arrimé à la paix »
Chris Antoine Walembeaud a été directeur de cabinet de Frédéric Ntoumi Bintsamou et secrétaire général de son parti (Le CNR). Des divergences sur le référendum constitutionnel d’octobre 2015 a décidé Walembaud de quitter le navire CNR. Il est aujourd’hui à la tête du Codéma. La situation sécuritaire dans le pool et les violences auxquelles se livrent les partisans de Ntoumi obligent son ancien protégé à livrer au public ce qu’il sait de l’homme. Mais surtout, il appuie l’appel du président de la République à isoler Frédéric Bintsamou alias Ntoumi. Intérrogé sur l’issue de la situation, Chris Antoine Walembaud reste convaincu qu’elle sera « tragique ou judicaire, mais surtout pas politique. »
Comment vivez-vous la déchirure imposée au Pool par Ntoumi et sa milice ?
Avec beaucoup de tristesse. Le Pool n’avait pas besoin de ça. Cette situation fausse l’agenda du gouvernement de la République qui avait prévu de bitumer la route nationale 1, entre Kinkala et Gambari ou le lancement d’autres projets au profit des jeunes désœuvrés, des femmes et des enfants. Cela suscite en moi une réelle colère. Je ne peux pas le cacher.
Directeur de cabinet Ntoumi et secrétaire général de son parti à l’époque, n’avez-vous pas essayé de convaincre Frédéric Bintsamou sur la tournure qu’allaient prendre les événements au cas où il s’aventurait dans la lutte armée ?
Cette question revient souvent. J’ai été directeur de cabinet de Ntoumi et secrétaire général de son parti. Je suis à l’aise par rapport à cette question, puisque du temps où j’étais à ses côtés, Ntoumi était arrimé à la paix. Je n’acceptais pas n’importe quoi. Mon arrivée dans son dispositif avait eu un impact positif pour le pays. Lorsque je suis me rendu compte que le révérend pasteur Ntoumi était encore tenté par le démon de l’aventure, je l’en ai dissuadé avec beaucoup de force. Hélas ! on a beau chasser le naturel, il revient au galop. Alors : je l’ai quitté ave d’autres cadres comme Euloge Libota, Bernadin Boukangou et Arsène Mbizi pour créer le Codéma. Je ne peux pas regretter d’avoir été aux côtés du pasteur Ntoumi dans la mesure où tout le monde reconnaît que notre présence dans ce milieu a fait du bien au pays. Notre départ a révélé le vrai comportement de Ntoumi.
Avez-vous une responsabilité dans la situation du Pool, car Ntoumi n’aurait pas recouru aux armes si vous étiez restés à ses côtés ?
Les autorités de ce pays m’avaient prié de rester dans ce dispositif quand elles ont compris que quelque chose clochait. Mais Ntoumi avait atteint un point de non-retour. Si j’étais resté, je serais mêlé au chaos auquel on assiste dans le Pool. Ma volonté de continuer à défendre la paix ne suffisait plus. Certains acteurs qui avaient un autre agenda et des propositions beaucoup plus alléchantes et ne pouvaient accepter conseils. Ma responsabilité est de n’avoir pas été suffisamment convainquant ou très persuasif. On ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un sans son propre consentement. En plus, j’avais des rapports de subordination vis-à-vis de Ntoumi, mon chef. Mon influence sur ses décisions était limitée (…) Et mon approche était mal perçue.
Quelle démarche vous paraît réaliste pour ramener et pérenniser la paix dans le Pool ?
Le pays est gouverné et je ne peux être plus royaliste que le roi. On ne peut me demander de trouver la solution à une situation politique aussi grave. Force reste à la loi parce qu’il y a des actes répréhensibles posés par les Ninjas nsiloulou dans le Pool. En plus, je ne vois pas de rapport entre les actes inciviques posés par les ninjas dans le Pool et l’élection présidentielle. Même les opposants qui sont favorables à Ntoumi reconnaissent qu’il n’était pas candidat. Il n’a donc pas de suffrages à revendiquer.
D’aucuns évoquent le dialogue…
Ils ne connaissent pas Ntoumi. Rien ne dit qu’il viendrait à Brazzaville si par extraordinaire il était réhabilité ou s’il y avait un dialogue.

Vous rejoignez donc le point de vue du président de la République ?
Absolument et totalement. Il faut qu’il y ait un casus belli. Voilà quelqu’un qui était au gouvernement et qui a décidé d’aller organiser une rébellion dans la forêt. On va négocier quoi ? Je pose la question à ceux qui m’appellent accidentellement pour connaître leur revendication. Ils sont incapables de me répondre.
En tant que maillon essentiel du dispositif Ntoumi à l’époque, confirmez-vous qu’il a des hordes de gens qui lui sont totalement soumis spirituellement ou politiquement?
Il y a des adeptes qui considèrent que Ntoumi est certainement le messie. Ntoumi a des fanatiques qui croient qu’il est descendant de Salomon. Certains le prennent pour Jésus Christ. Comme dans toute approche messianique, il y a l’obscurantisme et le manque de discernement. Mais certains pensent que Ntoumi a un projet politique qu’il va mettre en œuvre et, s’il réussit, leur situation sociale va changer. D’autres sont avec lui par calcul et pour des intérêts. Sinon, à quoi s’attendent ceux qui le soutiennent de l’extérieur ? Ceux-là rêvent de la victoire de Ntoumi pour revenir ou accéder aux affaires. En effet, il y a des adeptes autour de Ntoumi qui lui obéissent aveuglement. Des gens pensent que Ntoumi a des alliés dans l’armée et au gouvernement et que le moment venu ils vont s’affirmer et jouer un rôle.
Vous sentez-vous menacés par vos anciens camarades actuellement en forêt ?
Ces menaces ne m’ont jamais été rapportées ou exprimées. Les gens pensent que pour ce que j’ai été dans le dispositif et pour ce que je suis devenu, je ne suis pas à l’abri des représailles. J’en tiens compte dans mon comportement. Je suis un homme engagé et je ne me tairai jamais face aux exactions en cours dans le Pool. Mais n’oubliez pas que 80% des combattants qui sont avec Ntoumi sont de Mindouli dont je suis originaire. J’ai géré ce dispositif pendant cinq ans au plan politique et administratif. Et Ntoumi n’était pas souvent là. Donc, il ne faut pas penser que je n’ai que des ennemis dans ce dispositif. Parmi eux, certains me reconnaissent comme deuxième père et ne peuvent pas accepter que mon intégrité physique soit menacée.
Quelle issue pour cette situation du Pool ?
Tragique ou judiciaire ? Je ne saurai vous dire. Mais je reste convaincu qu’elle aura une issue. Le Congo a déjà connu des situations pareilles et, à la fin, l’Etat a toujours été gagnant.

Kimia