Rupert Sheldrake est un des biologistes les plus contestés de notre temps. Son livre «Mémoire de l’univers» et la théorie des «champs morphogénétiques» qu’il développe ont déclenché une controverse de grande envergure dans les années 80 et le journal scientifique «Nature» l’a désigné comme le «meilleur candidat du siècle à l’autodafé de ses livres».

Aujourd’hui, des cercles de plus en plus étendus s’intéressent aux théories de Sheldrake, en particulier au sujet de la conscience. Il fait partie des quelques savants qui ne cessent d’explorer des phénomènes qui sont laissés de côté par la science officielle, par exemple la télépathie avec les animaux, les douleurs fantômes, la puissance de la prière, la liaison télépathique entre la mère et son enfant, la sensation que quelqu’un nous observe dans notre dos, ou la transmission de pensée. Ces phénomènes quotidiens que chacun a éprouvés au moins une fois et qu’en principe, à la réflexion, on devrait explorer, sont pour le chercheur d’un intérêt tout particulier.

Le Dr Jens Rohrbeck a rencontré le chercheur dans sa maison de Hampstead, à Londres.

Jens Rohrbeck

Science et paranormal


MDG : Beaucoup de gens sont fascinés par les phénomènes paranormaux. Comment se fait-il que la science s’y intéresse si peu ?

Rupert Sheldrake : Pour répondre il faut remonter à la fin du 18e siècle. Pour les intellectuels, le progrès passait alors par la science et la raison. C’était le Siècle des Lumières et ils luttaient contre ce qui était pour eux de la superstition, dans laquelle ils incluaient la religion et les croyances populaires au sujet de la magie et de la sorcellerie, c’est-à-dire ce que nous appelons maintenant le paranormal. Le système éducatif actuel découle pour l’essentiel du projet des Lumières. Donc, toute personne instruite sait qu’elle ne doit pas croire dans ces superstitions et dans le paranormal. Le paranormal est un sujet énormément exploité à la télévision et dans les journaux populaires. Les journaux sérieux n’abordent pas ce sujet ou, s’ils le font, c’est tout de suite pour lui opposer le scepticisme et pour le traiter d’inepties.

Les programmes sérieux de la BBC, télévision ou radio, ont toujours un sceptique pour se justifier d’aborder le sujet. Certains gagnent leur vie en exerçant le « métier » de sceptique auprès des média… C’est un cas classique de tabou. Et le tabou est défendu par les membres d’un groupe d’autodéfense scientifique, des sceptiques dont le but est d’empêcher que ces sujets soient discutés sérieusement dans les médias réputés sérieux ou dans des institutions éducatives. C’est presque une sorte d’inquisition s’opposant à l’hérésie.

MDG : C’est presque une guerre de clan entre les matérialistes et ceux qui ont des idées différentes.

Rupert Sheldrake : Oui, c’est une guerre d’opinion. En ce moment les matérialistes se sentent menacés. Je pense que c’est la raison pour laquelle nous avons ces dernières années une telle augmentation de l’athéisme radical et la parution de tous ces livres. Nous assistons ainsi à une sorte de croisade de la part de ces matérialistes pour récupérer les classes instruites, et empêcher la chute de l’adhésion à leurs propres idées, parce qu’ils sont inquiets du nombre croissant de personnes s’intéressant au paranormal, à la médecine holistique et à une façon de vivre plus épanouie. Ils supposaient que la religion disparaîtrait mais ce n’est pas le cas.

MDG : Pensez-vous qu’en profondeur, il y a un changement d’orientation ?

Rupert Sheldrake : Je pense que cela concerne plutôt ce que l’on peut dire en public. En réalité, si vous faites des enquêtes auprès de docteurs, de scientifiques ou d’universitaires, un grand nombre d’entre eux est convaincu que des choses comme la télépathie existent, que la médecine holistique peut être utile, etc. Chaque fois que je fais des conférences dans des institutions scientifiques, les gens viennent les uns après les autres me dire après : C’est très intéressant ce que vous dites. J’ai aussi vécu ces expériences mais je ne peux pas en parler à mes collègues. Je réponds alors: Pourquoi n’annoncez-vous pas la couleur ? Vous vous amuseriez beaucoup plus.

MDG : Les conceptions matérialistes d’aujourd’hui affirment que nous n’avons vraiment pas besoin d’une force créatrice pour expliquer les miracles du monde. Qu’en pensez-vous ? La croyance en une force créatrice, donnant la vie, est-elle une illusion ?

Rupert Sheldrake : Je pense que ce n’est pas une illusion. Le processus évolutionniste révèle une créativité à tous les niveaux. Nous avons maintenant une vue d’ensemble de l’évolution cosmique, pas seulement de l’évolution de la vie biologique, mais du cosmos entier depuis le Big Bang. Nous avons un vaste processus évolutionniste pour l’expliquer, c’est suivant ce processus que les atomes, molécules, étoiles, galaxies, planètes et la vie elle-même sur notre planète se sont tous développés. Cela signifie que l’univers ressemble plus à un organisme qui se développe ou à un gigantesque embryon, qu’à une machine, ce qui était l’ancien modèle. C’est un processus véritablement créateur dans le sens où de nouvelles choses qui n’étaient pas là avant se sont développées.

Les matérialistes disent que c’est simplement un coup de chance. Mais le hasard veut dire qu’il n’y a aucune explication, que tout arrive comme ça. Dans la biologie, nous pouvons dire que les mutations de l’ADN sont le point de départ du développement, mais pour la formation des étoiles, des galaxies, des planètes et de tout le reste du cosmos, l’ADN ne peut pas être une explication. Dire que c’est uniquement le hasard est à mon avis une bien piètre explication.

Un ou plusieurs univers ?

MDG : Comment jugez-vous la théorie affirmant qu’il n’y aurait pas un univers mais une infinité ?

Rupert Sheldrake : Cette théorie athée dit qu’en réalité il n’y a pas qu’un univers, mais un trillion ou un quadrillion d’univers. Notre univers est celui où il se trouve que nous vivons, mais tous les autres existent effectivement. Et il n’y a donc aucun besoin d’un Dieu qui a dans ses moindres détails réglé le nôtre. Toutes les possibilités existent dans cet univers, mais nous ne pouvons connaître que celui dans lequel nous vivons.

Maintenant, si nous nous demandons quelle preuve nous avons de l’existence de ces millions d’univers, il n’y en a aucune. Mais certains disent que c’est la meilleure hypothèse, car de cette façon, nous n’avons aucun besoin de Dieu ! Donc, pour se débarrasser de lui ils ont inventé un nombre incroyable d’univers encore à découvrir.

MDG : Êtes-vous d’accord avec l’idée que dès le début de la création réglée avec précision par le Créateur le monde où nous vivons devait se développer de cette manière ?

Rupert Sheldrake : Non, parce que cela cantonne toute la créativité dans l’étape initiale où tout est préétabli et où tout arrive automatiquement. Au contraire, selon ma théorie que je trouve bien meilleure, la créativité se développe à travers tout le processus d’évolution. L’évolution entière implique un processus créateur qui se perpétue. Dans toute la nature la créativité ne s’est pas seulement produite il y a 50 billions d’années, mais elle continue à se dérouler actuellement. Elle s’exprime dans l’évolution biologique mais aussi dans les inventions de l’esprit humain.
La télépathie MDG : Parlons des expériences télépathiques. Avons-nous tous la faculté de pouvoir lire les pensées des autres ?

Rupert Sheldrake : La plupart des gens sont probablement télépathes dans une certaine mesure. J’ai étudié la forme la plus commune de télépathie dans le monde moderne, qui se produit avec le téléphone. Vous pensez à quelqu’un et cette personne vous appelle : «C’est amusant, je pensais à toi». Environ 80% des personnes ont fait cette expérience. Mais aucune possibilité humaine ne permet d’atteindre les 100%. Je pense que la télépathie est une faculté normale, et non paranormale, naturelle et non surnaturelle, et qu’elle est un moyen de communication courant parmi les animaux. Mon travail avec les animaux consistant en particulier à étudier les chiens ou les chats qui savent quand leur maître va rentrer à la maison ou les chats qui ne veulent pas aller chez le vétérinaire, et qui disparaissent toujours lorsque leur maître veut les y emmener, ou d’autres comportements télépathiques de ce genre.

J’ai fait des recherches avec les animaux parce que ces choses sont très banales et que beaucoup de gens les racontent, ils les ont vécues ou les ont vues chez des parents ou des amis. Je privilégie les expérimentations banales, normales, ordinaires. Dans mon approche actuelle, je fais des expériences à l’aide d’Internet, par des courriers électroniques ou des « SMS », des messages auxquels tout un chacun peut participer en s’enregistrant sur mon site Web. Je fais des expériences en ligne qui donnent des résultats très significatifs allant au-delà du facteur chance.

MDG : Si nous étions tous connectés, est-ce que nous ne finirions pas par avoir une vue du monde et de nous-mêmes complètement différente ?

Rupert Sheldrake : C’est bien pour cela qu’il y a controverse parce que les implications de ce nouveau point de vue renverseraient la vue orthodoxe classique. Et la vision classique est que notre esprit n’est rien d’autre que l’activité du cerveau et qu’il est enfermé à l’intérieur de notre tête. Si mon intention de téléphoner à quelqu’un peut provoquer qu’à des centaines de kilomètres, il ressent mes pensées avant que j’aie appelé, cela implique que mes pensées et mes intentions ne sont pas seulement confinées dans ma tête, mais qu’elles vont bien plus loin. Je pense en effet que cela signifie que notre esprit est plus grand que notre cerveau et que nous sommes bien plus reliés aux autres et à notre environnement que nous ne le supposons.

MDG : Est-il possible d’expliquer physiquement ces effets ?

Rupert Sheldrake : La télépathie ne s’amoindrit pas avec la distance. Si elle était électromagnétique, elle diminuerait probablement avec la distance. Mais les phénomènes physiques restent stables. Le plus important est l’enchevêtrement quantique. Si deux particules qui ont fait partie du même système se séparent, elles restent enchevêtrées, si bien qu’une modification de l’une des parties affecte instantanément l’autre, et cela indépendamment de la distance. Je ne dis pas que la télépathie vient de l’enchevêtrement quantique, mais qu’il y a analogie. Pour moi, elle s’explique parce que les membres de groupes sociaux sont liés ensemble par ce que j’appelle des champs morphiques. Quand les membres sortent du champ, des filaments continuent à les relier à ce champ. C’est la base de la télépathie. Maintenant il se pourrait que ce que j’appelle les champs morphiques soient très similaires aux champs quantiques, mais il se peut que non. Nous n’en savons pas assez sur la théorie des quanta et comment elle s’applique aux organismes vivants.
Où est donc conservée la mémoire ?

MDG : Dans la théorie des champs morphiques, le concept de résonance est très intéressant. Des choses de même fréquence, qui sont semblables, peuvent agir l’une sur l’autre. Les pensées semblent se comporter selon ce principe. Il semble aussi y avoir un lien ou une résonance entre des gens ayant les mêmes affinités.

Rupert Sheldrake : La résonance morphique est basée sur le principe de similitude, comme toutes les formes de résonance. Et je pense que cette sorte de résonance a lieu non seulement à travers l’espace, mais aussi à travers le temps, ce qui est le fondement de la mémoire dans la nature. C’est mon hypothèse de base.

MDG : Où est donc conservée la mémoire ?

Rupert Sheldrake : À mon avis, c’est une mauvaise question. La mémoire est en relation avec le temps, pas avec l’espace. Donc si nous disons, où est stockée la mémoire, cela demande une réponse spatiale. Or, je dis que la mémoire n’est pas un phénomène spatial, mais un phénomène temporel, c’est une relation entre le passé et le présent. Si vous demandez : Où est-elle conservée ? Je répondrai : partout. Le passé est potentiellement présent partout. La mémoire n’est pas stockée dans le cerveau. On suppose normalement que la mémoire est stockée dans notre cerveau à travers les terminaisons nerveuses, les synapses ou autre. Mais on a essayé en vain depuis longtemps de trouver la mémoire dans le cerveau et comprendre comment la mémoire travaille est encore un mystère. Je pense que c’est parce qu’elle ne se situe nullement dans le cerveau. Le cerveau est plus comparable à un téléviseur qu’à un enregistreur vidéo. Disons au passage que, si les matérialistes aiment tant l’idée que la mémoire est dans le cerveau c’est parce qu’ils pensent que tout ce qui est lié à l’esprit est dans le cerveau. Lorsque vous mourez, votre cerveau est annihilé et tous vos souvenirs sont anéantis. Dans ce cas, toutes les croyances religieuses de survie après la mort sous quelque forme que ce soit sont immédiatement réfutables.

Les expériences de NDE ou de mort clinique


En français «Sept expériences qui peuvent changer le monde» ou «Ces chiens qui attendent leur maître» sont deux livres très accessibles.

MDG : La recherche sur les expériences de mort imminente semble indiquer que la conscience peut exister en dehors du corps et n’est pas liée au cerveau lui-même.

Rupert Sheldrake : Ces faits pourraient le suggérer. Nous savons, par les rêves, que la conscience semble exister en dehors de notre corps. Car dans nos rêves, chaque nuit, chacun de nous fait l’expérience – que nous nous le rappelions ou non – d’être en dehors de son corps physique. Celui-ci se repose dans un lit, pendant que nous faisons autre chose dans un autre corps, «le corps des rêves», qui peut aller où il veut, et faire ce que nous voulons. Je pense que les expériences de mort imminente et de sortie du corps sont très similaires.

Les matérialistes diront toujours, qu’en réalité, tout est produit à l’intérieur du cerveau, même si le cerveau est apparemment inactif pendant l’expérience de mort approchée, puisque le cœur est arrêté. Peut-être qu’il n’y a aucune activité cérébrale à ce moment-là, mais aussitôt que le cerveau redevient actif, alors il produit immédiatement cette expérience. Pour eux, tout est créé par le cerveau.

MDG : Il y a cependant des gens qui reviennent de ces expériences avec des informations qu’ils ne pouvaient pas connaître…

Rupert Sheldrake : Je suis d’accord. Oui, je pense que le centre de notre conscience peut être séparé de notre corps physique et que très probablement notre conscience survit à la mort de notre corps. Mais je ne pense pas que c’est une chose que vous puissiez prouver. L’expérience de mort clinique vous dit ce qui se passe dans les premiers stades de la mort mais ne traite pas la question de ce qui se passe dix ans après la mort.

Elle traite de ce qui arrive dans les quelques minutes où votre cerveau s’est arrêté de fonctionner et avant que vous reveniez à la vie. La survie à long terme est réellement un sujet pour lequel nous devons nous faire notre propre opinion.

Je ne pense pas que l’on puisse établir la preuve d’une chose plus que de l’autre. Les matérialistes diront que quand vous mourrez tout sera fini, et voilà tout. Ils ne peuvent pas le prouver, ils se contentent de le supposer.

MDG : Peut-on dire des choses qui sont par nature non matérielles qu’elles ne peuvent pas être prouvées avec des instruments matériels ?

Rupert Sheldrake : Bien, vous ne pouvez prouver la conscience que par la conscience.
La preuve traditionnelle de la survie à la mort physique est donnée par les désincarnés s’exprimant par l’intermédiaire des médiums. Des esprits peuvent communiquer par l’intermédiaire d’autres esprits, ils ne le font pas par l’intermédiaire de machines. Cette évidence est convaincante ou non selon votre orientation de départ. Les matérialistes diraient que les communications des esprits ne sont pas du tout probantes. Personnellement, je pense que c’est peu concluant. Parmi les chercheurs en parapsychologie, il y a eu de longs débats… Admettons que je sois médium. Vous venez me voir et je vous dis un tas de choses que je ne suis pas censé savoir normalement, y compris les noms des membres de votre famille, quand vos parents se sont mariés… Est-ce que cela prouve que j’étais en communication avec votre grand-mère décédée ? Certaines personnes diraient : oui, naturellement.
D’autres diront : non, comment savez-vous que le médium ne capte pas télépathiquement ces informations dans votre cerveau puisque, vous, vous connaissez toutes ces choses ? Cela s’appelle l’hypothèse super-psy. Le contre-argument principal à la survie est le super-psy, ces médiums sont juste télépathiquement très sensibles et ils tirent leurs informations des vivants. En télépathie, il est très courant de capter des choses chez des personnes que vous connaissez.

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Rupert Sheldrake & Jens Rohrbeck