Le Capitaine Paul Watson avait écrit un article remarquable sur la question: les cétacés sont-ils plus intelligents que l’homme? Voici quelques extraits de l’article qu’il avait passé dans le magazine Ocean Realm en automne 1997.

Tandis que le cerveau humain se divise en trois parties comme tous les autres mammifères, le cerveau des cétacés diffère par sa physiologie. Les humains possèdent le rhinique, limbique, et supralimbique, avec le néocortex recouvrant la surface du supralimbique. Les cétacés possède un quatrième segment: il s’agit d’un quatrième lobe cortical, donnant lieu à un quadruple repli qui représente morphologiquement la différenciation la plus significative entre les cétacés et tous les autres mammifères évolués au niveau cranien. Aucune autre espèce n’a jamais eu quatre lobes corticaux séparés.

Cette formation bien développée prise entre les lobes limbique et supralimbique se nomme le paralimbique. Ce lobe est une prolongation des zones sensorielles et motrices se situant dans le lobe supralimbique des humains. Chez les humains, les régions de projection pour les différents sens sont bien séparées l’une de l’autre, et l’aire motrice est adjacente à l’aire du toucher. La perception intégrée de la vue, l’ouïe et le toucher doivent emprunter un long parcours, le long d’un système de fibres avec beaucoup de déperdition de temps et d’information. Le système paralimbique des cétacés rend possible la formation très rapide de perceptions intégrées avec une richesse d’information inimaginable.

Le ratio du cerveau par rapport au corps n’est pas une indication d’intelligence. Si tel était le cas, l’oiseau-mouche serait l’animal le plus intelligent du monde. La taille du cerveau est toutefois importante, et les cerveaux les plus gros jamais développés sur cette planète sont ceux des baleines. Le plus important est la qualité tissulaire du cerveau. Avec ses quatre lobes, les circonvolutions de son néocortex les plus marquées et sa supériorité en taille, la suprématie du cerveau du cachalot avec ses 9000 cm3 ou celle du cerveau de l’orque avec 6000 cm3 sont des modèles d’évolution du cerveau sur terre. Le cerveau humain fait 1300 cm3, celui de l’homme de Néanderthal faisait en moyenne 1500 cm3.

L’idée d’une espèce terrestre plus intelligente que nous est difficile à avaler. Nous mesurons l’intelligence en termes humains, sur la base de ces capacités dans lesquelles nous excellons en tant qu’espèce. Ainsi, nous considérons la coordination main-vision comme un grand signe d’intelligence. Nous construisons des outils et des armes, fabriquons des véhicules, et des édifices. Les baleines ne peuvent ou ne font aucune des choses que nous espérerions de créatures intelligentes. Elles ne construisent ni voitures ni vaisseau spatial, et ne gèrent pas non plus de portefeuilles de placements!

Mais les cétacés ont des aptitudes innées comme le sonar à côté duquel notre sonar électronique est ridicule. Les cachalots ont même développé un rayon de type laser sonique, leur permettant d’assommer une proie grâce à une huile contenue dans leur tête qui amplifie et projette un souffle sonique. Pour nous, la technologie est signe d’intelligence. L’intelligence ne peut être une créature nue, nageant librement, mangeant du poisson, et chantant dans la mer!

La baleine est un sous-marin naturel: elle est, elle-même, un navire vivant submersible. Toute sa technologie est interne et naturelle. Et cela, nous ne l’acceptons pas car la compréhension humaine de l’intelligence est matérielle. Pourtant l’intelligence est relative; elle évolue pour remplir les besoins d’évolution d’une espèce. Toutes les espèces accomplies sont intelligentes conformément à leur situation écologique. Dans cette optique, l’intelligence d’un crocodile ou d’une baleine, d’un éléphant ou d’un humain est incomparable.

Admettons que le score d’un cerveau humain moyen est égal à 100. C’est le nombre que nous considérons comme moyen pour les tests de quotient d’intelligence humaine. En se basant sur les aptitudes associatives telles que définies par la structure physiologique des cerveaux comparés, nous trouvons qu’un chien atteint un score d’environ quinze, et un chimpanzé autour de trente-cinq. Ce sont là des scores qui se situent dans la limite de notre compréhension de l’intelligence.

Si l’on compare uniquement la structure corticale, un cachalot atteindrait un score de 2,000. La vérité est que nous ne savons absolument rien de ce qu’il se passe dans un cerveau de baleine ou de dauphin. Dans notre ignorance nous nions l’évidence physiologique et nions aussi que d’autres animaux peuvent penser ou même ressentir. Nous oublions que tous les mammifères ont grimpé l’échelle de l’évolution avec nous, et certains, comme les baleines, ont débuté leur ascension des dizaines de millions d’années avant que nous ne n’évoluions.

La baleine a évolué de différentes façons, ses aptitudes physiques naturelles n’ayant pas été influencées par le souhait de transporter un quelconque matériel. Aucune lance n’était nécessaire pour avoir de la nourriture – la baleine est un des chasseurs les plus efficaces de toute l’histoire naturelle. Les capacités de la baleine à voyager, à communiquer, à s’occuper de ses petits, et ses systèmes sociaux complexes sont tous indépendants de toute acquisition matérielle externe. Les baleines ont évolué biologiquement pour accomplir les mêmes choses que nous, choses que nous faisons grâce à la technologie. Les baleines n’ont que faire de cette technologie.

Les humains sont des manipulateurs grandement intelligents. Les cétacés et les éléphants sont grandement intelligents mais non manipulateurs. Le cerveau des hominidés est passé d’une taille de 450 cm3 à 1300 cm3 durant une période de seulement cinq millions d’années. Les cétacés avaient déjà atteint 690 cm3 quelques trente millions d’années plus tôt et avaient déjà développé leur capacité actuelle bien avant que nous n’ayons notre propre saut d’évolution concernant notre cerveau.

L’intelligence peut aussi se mesurer par la capacité à vivre dans les limites des lois de l’écologie. Est-ce que l’espèce vivant pacifiquement dans son milieu et respectant les droits des autres espèces est une espèce inférieure? Que dire d’une espèce se reproduisant au-delà de ce que son propre milieu peut supporter? Que faisons-nous d’une espèce détruisant la diversité soutenant l’écosystème qui la nourrit? Comment considérer une espèce qui infecte son eau et empoisonne sa propre nourriture? D’un autre côté, comment juger une espèce ayant vécu harmonieusement dans les limites de sa propre écologie?

En utilisant les technologies informatiques de notre espèce associées aux talents linguistiques et associatifs des cétacés, il est probable que nous puissions parler bientôt avec ces êtres. La clé réside dans la compréhension des développements évolutifs différents de deux cerveaux complètement différents et ce, uniquement à l’aide de moyens sensoriels développés.Imaginez être capable de voir dans le corps d’une autre personne, de voir le flux du sang, le fonctionnement des organes, et le flux d’air dans les poumons. Les cétacés peuvent le faire grâce à l’écho-localisation. Un dauphin peut voir une tumeur dans le corps d’un autre dauphin. Si un animal se noie, le dauphin le reconnaît par le fait de pouvoir « voir » l’eau qui emplit les poumons. Le plus étonnant, c’est que les états émotifs sont instantanément détectés. Il s’agit d’espèces incapables de tromperie.

La vue pour les humains est un sens d’orientation dans l’espace qui donne simultanément des informations complexes sous la forme d’images analogues avec peu de temps pour le discernement. Au contraire, notre ouïe n’a que peu de perception de l’espace mais un bon délai de discernement. Les langages humains consistent donc en de simples sons combinés entre eux dans des séquences temporelles élaborées. Le système auditif des cétacés est essentiellement spatial, plus comme la vue des humains, avec une grande diversité d’informations simultanées et peu de temps pour le discernement. C’est pour cette raison que le langage des dauphins consiste en des sons très complexes perçus en tant qu’ensemble. Là où les humains auraient besoin de centaines de sons alignés pour communiquer, le dauphin n’aurait besoin que d’un seul son. Pour nous comprendre, ils devraient ralentir leur perception des sons à un degré incroyablement ennuyeux.

En usant de leur don d’écho-localisation avec des images mentales détaillées de ce qu’ils « voient » au travers des canaux auditifs, les dauphins sont peut-être capables de recréer et de se transmettre des images. Alors que notre langage est analogique, celui des cétacés est numérique. Avec notre ordinateur, nous communiquons de manière numérique, serait-ce la clé pour déverrouiller les portes de la communication avec les cétacés?

Paul Watson