Le tigre saisit sa proie. Rien ne peut la lui faire lâcher. La proie est absorbée. Le tigre et la proie sont un.

Le sentiment de séparation initie la saisie. Le tigre-sujet et sa proie-objet s’imaginent séparés. Dans cette fusion douloureuse pour l’un et joyeuse pour l’autre, le deux est un.

Le regard qui contemple le moi et sa tendance à saisir est innocent. Il est regard. Sa nature est libre de vouloir. Sa force est de contenir le monde qu’il perçoit.

Lorsque le bonheur désiré est saisi, il disparaît, comme l’eau que la main fermée ne peut retenir.

Saisie et lâcher sont les deux facettes d’un même mouvement, qui tend à réunir les séparés et à ouvrir les fermés.

Être ne peut être saisi. Il vous saisit. Dans ce saisissement, vous est Il.

Le corps souffre des contractions qui saisissent. Il se réjouit dans la détente. La détente est le réjouissement.

Voir la tendance est déjà en être libre. Comment pourrions-nous voir ce que nous sommes ? Nous ne pouvons voir que ce que nous ne sommes pas, mental, sensation, émotion.

Inspir et expir sont deux reflets de la prise et du lâcher-prise. L’affirmation de l’inspir est création, l’affirmation de l’expir est abandon.

Vouloir lâcher est une saisie déguisée. Le lâcher se fait, sans vouloir. Il est l’expression de la soumission, la soumission du moi à la toute-puissance du Soi. Il est humilité.

Prise et lâcher-prise sont deux expressions de la grâce qui se cherche. Dans le premier, elle se cherche au loin, dans le second, elle se trouve au près.

Le silence est hors d’atteinte du mouvement. Il est sans mouvement, et pourtant, tous les mouvements en sont issus. Il est le fil invisible qui unit les mille objets du monde, sans qu’il ne puisse être trouvé dans aucun.

Être est sans prise. L’espace peut-il être saisi par la bouteille qui le cherche ? La bouteille se brise, mais non l’espace. Ce n’est pas la bouteille qui contient l’espace, mais l’espace qui la contient.

Jean-Marc Mantel

Jean-marc Mantel