LE PROJET

DE

LA SOCIETE INITIATIQUE

MAATOCRATIQUE

Qu’est ce que la MAAT ? Telle est donc la question qui de nos jours tourmente le microcosme des intellectuels Kamites. Certains, incapables d’y répondre correctement, sont allés jusqu’à commettre le crime infâme de blasphémer, ignorant que Maât était Dieu Lui Même. Mais la réponse à cette question est en réalité la plus simple qui soit. Car la MAAT, est la Nature Divine en soi. La Reine Hasheptsout en prenant comme nom de règne: MAAT KA RE, répondait de façon pertinente à cette question en se servant du savoir héliopolitain. Maât est la Force Vitale de Dieu. Autrement dit, elle est la véritable Nature de Dieu. Pourquoi faire intervenir cette notion de Nature Divine au lieu de se contenter du nom générique de Dieu ? C’est pour faire clairement ressortir ce qui qualifie et distingue cette Nature Divine. En effet, elle s’oppose à la nature humaine. Ainsi, en tant qu’essence de Dieu, la MAAT concentre toutes les qualités divines. Elle est en quelque sorte la définition opératoire de la notion de Dieu, qui permet son utilisation à des fins pratiques. On cite d’habitude, les qualités de Justice, Vérité, Harmonie, et d’ordre, comme les traits caractéristiques de la Maât. Mais en réalité les qualités divines sont infinies. Dans un effort d’axiomatisation, les Initiés ont ramené toutes ces qualités à une seule: le DÉSINTÉRESSEMENT, qui renferme toutes les autres. Alors que la nature humaine se définit par l’inverse: l’EGOCENTRISME: l’archétype de tous les défauts. La Maât renvoie donc aux principes primordiaux qui fondent l’être même du Cosmos. Mais, elle est aussi l’Etre Suprême Lui même. Donc une entité pensante et agissante. Nous allons voir, que cet Etre ayant émané une Création, Il a programmé celle-ci pourse séparer de Lui. Puis après un cycle complet, que les Serviteurs de la Maât appellent évolution spirituelle, cette Création doit réintégrer sa matrice originelle. Ce processus donne lieu à un travail de reconquête de soi que les Initiés ont appelé: science initiatique, et cette science, c’est encore la Maât elle même, se psychanalysant. La MAAT est donc à la fois, la Nature Divine, puis l’effort développé par la Création pour réintégrer cette Nature Divine. C’est cette plasticité de la pensée africaine, qui est polysémique, qui exprime à la fois en une chose plusieurs idées en même temps, qui déroute les savants occidentaux, dont le mode de pensée manque de densité symbolique. Mais ils ne sont pas encore au bout de leur peine.

Levons maintenant une ambiguïté qui tient au dilettantisme de ceux qui s’attaquent à la notion de MAAT, l’idéologie Africaine; pour assouvir une ambition de Scribe au service d’on ne sait quelle organisation ténébreuse. C’est la volonté de séparer la MAAT de l’Initiation. Puis de construire des peusdo-philosophies à partir des radicaux ainsi obtenus. Or la MAAT et l’Initiation ne sont qu’une seule et même chose. Pourquoi? D’abord il faut rappeler que la MAAT est le nom donné par les habitants de la vallée du Nil dès la haute Antiquité à la version de leur pratique de l’Initiation, de même les autres peuples kamites ont donné au même phénomène un nom différent: Kimpasi chez les anciens Kongo, le Koré chez les Mandingues, le Mbog chez les Bassa etc. Rappelons aussi que le terme INITIATION est un mot occidental qui qualifie vaguement le phénomène qu’il observe.

Ajoutons que ce phénomène est rigoureusement le même dans son essence, quel que soit le degré d’organisation de la société africaine considérée, où elle est observée. Au total, la MAAT et l’Initiation ne sont qu’une seule et même chose, à part le fait que l’Initiation peut apparaître sous plusieurs formes. Dans son expression la plus simple, elle apparaît comme un rite de passage. Elle peut aussi s’exprimer à travers des cérémonies de plus en plus complexes et élaborées jusqu’à donner naissance à des écoles spécialisées. C’est uniquement dans ce sens, que la MAAT apparaît alors, comme la forme la plus élaborée de l’Initiation en Egypte pharaonique. Mais le principe de base de toutes ces pratiques demeure la volonté de domestiquer la nature humaine, pour la remplacer par la Nature Supérieure ou Divine de l’Homme. Et l’Initiation ou MAAT, dans sa définition essentielle, ne veut vraiment rien dire d’autre.

Souvent aveuglés par l’aliénation, certains Nègres contemporains reproduisent fidèlement le conditionnement qu’ils ont hérités de l’esclavage et de la Société Coloniale, qui les oblige à ridiculiser volontairement ou non la nature de la culture africaine. Ainsi, l’argument que l’on oppose à la Maât aujourd’hui, comme un dernier rempart contre la mise en oeuvre d’une Renaissance Africaine viable et crédible est systématiquement, que les Africains à 89 ou 99% ne connaissent pas la Maât, et qu’il leur faudrait des siècles pour la redécouvrir puis, la maîtriser à nouveau. Sans parler du temps qu’il faudra pour la metttre en oeuvre.

Voilà une objection qui nous oblige à nous livrer à une méditation transcendantale. Quelle est la crédibilité d’une telle affirmation? Autrement dit quelles sont: sa validité et sa Vérité?


Sur le plan de la forme d’abord. Peut-on prétendre que les Africains actuels ignorent totalement la Maât (l’Initiation)? Difficile d’ajouter foi à cette affirmation car les pratiques initiatiques fourmillent dans toutes les sociétés africaines actuelles, que nous soyons dans un contexte traditionnel, ou dans un contexte pseudo-moderne. Le désir d’entrer en contact avec une école initiatique, est parfois si ardent chez certains Africains contemporains qui recherchent désespérément la lumière, qu’ils sont parfois obligés de se jeter à leur corps défendant dans des pièges que leur tendent les sectes occidentales ou venus d’ailleurs. Car la mentalité du Nègre est structurée de telle façon que chez lui, il n’ya aucune rupture entre le monde physique et le monde invisible. Il tient nécessairement cette tournure d’esprit de son adhésion à une conception précise du monde: la croyance en la Force Vitale. Or nous savons que celle-ci n’est qu’un mode d’existence de la Maât. Ainsi depuis les couches sociales les plus élevées, jusqu’aux catégories sociales les plus humbles, l’attitude du Nègre face à la Force Vitale, (le KA des anciens Egyptiens) reste rigoureusement la même.

Sur le plan de la signification profonde de cette ouverture sur le monde invisible, il faut y voir, une permanence de la conception vitaliste africaine du monde que rien n’a pu totalement détruire. Certes elle a subi d’une façon générale des agressions profondes, elle s’est même retrouvée pétrifiée. Mais la présence au monde des Africains, leur rapport aux ancêtres, au monde invisible, et leur volonté intacte de vouloir manipuler et instrumentaliser la Force Vitale, prouve qu’ils restent des Kamites, et aspirent à devenir des Serviteurs de la Maât. Certes il manque à cette attitude globale un travail d’élaboration et de systématisation qui aurait pu parfaitement se faire, si des handicaps historiques térribles n’étaient pas venus contrarier le développement culturel de l’Afrique, et que nous avons l’obligation de réaliser aujourd’hui, pour redonner à la pensée officielle de l’Afrique le statut qui a toujours été le sien au sein de la société africaine: son rôle dirigeant.

Donc, affirmer, que les Africains actuels ignorent la Maât, c’est rigoureusement raisonner selon son bon plaisir. Car la Maât est justement le coeur, le noyau même de la culture africaine, quelle que soit la société africaine considérée. Or nous savons que sans sa présence et sans son action, aucune société africaine, ne peut ni se former, ni se transformer, ni se développer. Conscients des dommages subis par cette idéologie africaine au cours de l’Histoire récente chaotique et traumatique de l’Afrique, notre travail (celui de la génération actuelle des Kamites) doit donc être de réparer son moteur pour qu’il retrouve le bon régime. Afin, de lui permettre d’exercer à nouveau pleinement son rôle au sein de la société africaine.

Ce moteur une fois réparé, l’Initiation pourra en effet délivrer de nouveau son efficacité catharsique. Car pour construire la nouvelle société africaine, nous devons d’abord agir sur la communauté africaine actuelle, pour la soigner et la délivrer de son aliénation, de sa médiocrité et de son irrationalité, qui sont des dommages collatéraux de la Traite et de la Colonisation. La Maât possède précisémment cette expertise et cette puissance. Son rôle au sein de la culture africaine est d’agir sur la structure sociale pour la guérir de ses pathologies puis de provoquer sa transformation et son développement par la suite. En regardant de près ce mécanisme nous observons qu’avant d’atteindre l’organisation sociale, l’action normative de la Maât transite d’abord par la structure psychique de l’Homme. C’est cette dernière qui par la suite transmet ou prolonge l’effet qu’elle a reçu de la Maât sur la structure sociale elle même. Autrement dit, sous son action, l’homme se développe d’abord, puis utilise les capaciétés ainsi acquises pour transformer son environnement. D’où la notion de double polarité du développement que nous avions déjà expsosée dans le Tome I de la Théorie de la Révolution Africaine.

Autrement dit, sur le plan analytique, la Société Initiatique se place au bout du développement du système communautaire, mais ne clôture pas le développement de la société africaine elle même. Le schéma conceptuel de développement du système communautaire que nous avions découvert, puis dévoilé, expose ce cheminement. Mais à l’époque contemporaine, l’édification de la société initiatique qui demeure la réponse la plus efficace et la plus fonctionnelle à l’aberration sociétale postcoloniale, et à l’impasse néolibérale, se fera par le désir de répondre de façon volontariste à la crise africaine, qui est on l’a déjà dit une crise de la personnalité africaine. Pour répondre à la crise de la société néolibérale moderne, il faudra s’attaquer à son idéologie: l’individualisme, afin de transformer la société elle même. Mais laissons de côté pour l’instant la société néolibérale qui représente la civilisation mondiale, pour nous concentrer sur la communauté africaine.

Donc la construction de la Société Initiatique contemporaine, commence par l’identification de la nature réelle de la crise africaine, puis passe par la volonté de répondre à cette crise. Or, lorsqu’on a découvert que cette crise résulte du dysfonctionnement de la structure mentale du Nègre, la réponse à celle-ci s’impose d’elle même. Il n’ya que la pratique de la Maât qui peut en même temps reconstruire la personnalité et l’identité africaine, car elle est elle même la synthèse de la civilisation africaine. C’est donc en répondant concrètement à la crise de la personnalité africaine que l’on est conduit nécessairement à construire la société initiatique.

Jean Pierre Kaya