En psychologie, on explique diversement le mal de vivre, qui s’exprime par une perte du goût de vivre. Soit qu’on ait perdu le contact avec ses désirs, ses goûts, ses affinités; qu’on ait émoussé ses sentiments par les fru…strations et les culpabilités; qu’on ait toujours donné plus qu’on aurait dû et qu’on se soit vidé d’énergie; qu’on ait du mal à recevoir par crainte d’un retour indésirable ou d’une déception; qu’on mène une vie routinière, ennuyante, monotone, recluse, casanière, solitaire; ou, enfin qu’on persiste à faire ce qu’on n’aime pas ou n’aime plus et qu’on s’empêche de faire ce qu’on aime.

Dans un pareil contexte, il faut d’abord se demander : notre monde est-il devenu si déprimant et exigeant qu’on ne puisse plus y trouver de raison de vivre? Les désadaptations actuelles ne proviendraient-elles pas du fait que, ayant été élevé dans la ouate et n’ayant plus de valeurs, on a grandement abaissé son seuil de la douleur personnel? Car, de nos jours, l’expérience de la vie ayant largement perdu son sens et son prix, on répugne facilement à l’effort et on abdique rapidement dans la douleur. En outre, on ne trouve plus dans son milieu, comme autrefois, l’aide dont on a besoin, le cas échéant, devant compter sur les gouvernements et les organismes publics. En outre, dans la société contemporaine, la culture de l’égoïsme et de l’individualisme peuvent laisser l’impression d’être seul au monde à pouvoir se comprendre et s’aider.

À notre époque, le mal de vivre est notamment amplifié par une perte de sens, une disparition des valeurs anciennes, l’impression de ne pas détenir de contrôle sur sa vie, la peur de l’engagement, les difficultés à se forger une identité, le manque d’estime de soi, pour ne rappeler que quelques-unes de ses causes dans les différentes couches de la population. Malgré une situation de bien-être accru, qui fournit à peu près tout ce qu’il faut pour être heureux, beaucoup cachent mal leurs malaises, ce qui amène les individus à passer leur vie à retrouver une certaine cohérence entre leurs actions quotidiennes et l’idéal qu’ils portent. Plus la distance entre les deux s’affirme, plus leur stabilité, autant physique qu’émotionnelle, risque de devenir chancelante.

Dans le monde moderne, les êtres confrontent de nombreux défis, parfois ponctués de petites et de grandes épreuves, qui les obligent à puiser au plus profond d’eux pour trouver l’énergie nécessaire à les surmonter. Et, puisqu’ils se sentent désespérément seuls, leur capacité d’exprimer leurs sentiments et leurs émotions, la croyance qu’il n’existe personne qui puisse les comprendre et qu’ils sont seuls à vivre une situation semblable à la leur, limite les chances de trouver l’aide dont ils ont besoin. On a oublié que, si chaque être est unique, à titre de membre de la même espèce, il partage quand même des sentiments analogues, d’une partie du monde à l’autre. L’isolement dans lequel les individus se retrouvent les conforte dans l’idée que personne d’autre ne vit et ne supporte ce qu’ils vivent. Voilà qui explique largement la montée des suicides, surtout chez les jeunes, les hommes et les personnes âgées.

À travers leur mal de vivre, les gens s’anesthésient dans la drogue, se découvrent ou s’inventent des passions puissantes, se cherchent des divertissements extrêmes, car c’est à travers les émotions intenses qu’ils se sentent davantage vivre. On peut même croire que certaines peuvent aller jusqu’à engendrer, consciemment ou inconsciemment, des relations interpersonnelles difficultueuses dans lesquelles se complaire pour leur rappeler, dans la souffrance, qu’ils existent bel et bien toujours.

Ajouté à cette difficulté profonde qu’ont plusieurs à donner un sens à leu vie, certains se mettent en quête de certaines alternatives douteuses : consommation à outrance, sexualité débridée, recours à l’alcool ou à la drogue, choix de la violence et de la délinquance. Comme ils ne cherchent pas à comprendre que leur mal-être résulte d’une série de besoins non comblés ou de valeurs non actualisées, ils assurent la survivance de divers moyens artificiels, souvent destructeurs, qui leur permettent de masquer temporairement les causes et les symptômes de leur déchéance.

Et cela, d’autant plus que, par leurs comportements, plusieurs contribuent de façon consciente ou inconsciente à perpétuer longtemps leur situation car, dans leur peur de l’inconnu ou du changement, ils trouvent une plus grande raison d’accepter leur vie de la manière monotone et prévisible qu’elle se présente. Ce n’est plus qu’à travers des éléments et des facteurs négatifs qu’ils trouvent un sens à leur vie puisqu’ils sont convaincus que, grâce à l’abolition des émotions, la vie perd tout son sens si elle n’implique pas de souffrance.

À l’inverse, d’autres, dans leur volonté d’éviter la souffrance, perpétuent des attitudes et des comportements qui les mènent à poser des actions qui, mêmes si elles ne mènent pas au bonheur, évitent de devoir affronter l’inconnu. On endort l’émotion, faisant que la vie perd beaucoup de saveur, car, en se déconnectant de leur ressenti, ils se coupent de l’intensité et de la profondeur que la vraie vie peut leur offrir.

Comme on peut le voir, les nouvelles générations complètent rarement le processus d’accession à l’autonomie, en venant à croire, à tort, qu’en restant coi, en ne bougeant pas trop, en évitant le danger, ils accéderont à cette stabilité dont les générations antérieures vantaient tant les mérites. Mais c’est à travers cette inaction qu’elles perpétuent le mieux leurs souffrances et ces états d’âmes qui frisent la dépression et peuvent mener au désespoir. Même que, en évitant d’entreprendre tout ce qui pourrait déstabiliser leur univers, ils écartent précisément d’eux les possibilités qui leur permettraient de vivre dans un état de sécurité profonde.

Toutefois, on aura beau pérorer sur le mal de vivre, le chercheur spirituel sait fort bien qu’il procède d’autres causes. En effet, le mal de vivre peut référer à la souffrance psychique, qui finit par se somatiser, qui mène à rejeter la vie, à vouloir la fuir ou la détruire. Dans ce cas, on peut croire qu’il découle des carences affectives ressenties à l’époque de l’enfance ou depuis la naissance, impliquant un traumatisme familial, une accumulation de situations douloureuses. À travers les expériences de l’enfance, on développe des carences et des limites qui entraînent le développement de situations de dépendance affective, ce qui se signale la peur de perdre ce qui comble, mais qu’on est porté à parasiter et à épuiser en raison de son vide intime. On sait que, si une pareille dépendance n’est pas comblée, le sujet peur déprimer, chercher à se griser ou à s’annihiler. En l’occurrence, on parle à tort d’un ((mal à l’âme)), puisque l’âme est une entité parfaite et impassible.

Mais l’initié sait qu’il se cache, derrière le mal de vivre, d’abord du mal du pays ou de la nostalgie spirituelle qui traduit l’insatisfaction qui persiste dans le cœur, au contact du monde de la matière et des illusions de la dualité, et qui, derrière les voiles de l’oubli, continue d’attiser le désir latent de retourner à la Maison du Père-Mère, la Patrie originelle, le Paradis perdu. Il laisse une impression de manque ou de vide existentiel, même après la plus haute réalisation terrestre ou au milieu du plus grand bonheur.

Pour interrompre la montée du mal de vivre, il n’y a rien comme de fréquenter des enfants et de les observer pour retrouver sa spontanéité, sa simplicité, sa centration sur le moment présent, car cela permet de libérer l’enfant prisonnier en soi. On peut encore mieux se mettre à l’écoute de soi pour ressentir au plus profond de son être ce qu’on a envie de vivre et passer à l’action pour combler ses désirs légitimes, ses besoins réels, ses aspirations profondes. On peut se forcer à passer à l’action en établissant des choix nouveaux, histoire de découvrir ce qu’on aime et de quoi on est capable. On gagnerait surtout à s’enraciner dans la réalité, en choisissant de mieux vivre le moment présent.

Pour se faciliter l’existence et lui redonner de la saveur, pour un temps, on gagnerait à choisir de vivre ce qu’on a envie de vivre en toutes choses pour ensuite faire un choix parmi les expériences qu’on a vécues, de manière à rejeter ce avec quoi on n’est pas bien ou ce qui n’enrichit pas. Tôt ou tard, il faut cesser de craindre de commettre des abus, de dépasser les bornes, laissant la peur empêcher de vivre ce qu’on désire vivre.

Pour s’aider, on peut écrire quotidiennement ses expériences, précisant ce qu’on aime et ce qu’on aime moins, sous la forme d’un petit journal personnel. Lorsqu’il est rempli, on gagne à passer dehors et à le brûler, en demandant à la Source divine, aux anges, aux esprits bénéfiques et au dieu du Vent de disperser les énergies négatives dans l’espace et de faire redescendre sur soi un arc-en-ciel de lumière multicolore ou une pluie des millions de petites étoiles de bonheur.
N’empêche que, la meilleure manière de faire disparaître le mal de vivre, c’est de se lancer dans une quête évolutive afin de s’extraire de la Roue des incarnations et de réintégrer la Source suprême par le truchement de son Soi supérieur ou Centre divin. Rien ne peut mieux satisfaire l’âme que de lui permettre d’accomplir sa destinée sans lui engendrer d’obstacles.

© 2012 Bertrand Duhaime (Douraganandâ) Note : Autorisation de reproduire ce document uniquement dans son intégralité –donc sans aucune suppression, modification, transformation ou annotation, à part la correction justifiée d’éventuelles fautes d’accord ou d’orthographe et de coquilles– veillant à en donner l’auteur, Bertrand Duhaime (Douraganandâ), la source, www.facebook.com/bertrand.duhaime, ou le site www.lavoie-voixdessages.com, et d’y joindre la présente directive, en tête ou en pied de texte.

Bertrand Duhaime