« Ici on ne parle pas d’éveil. On laisse l’éveil aux malheureux qui en ont besoin pour s’habiller.
L’éveil, c’est la séparation.
Laissons les éveillés à leur éveil.
Il n’ y a pas d’éveillés, mais des gens qui ont peur.
Qu’est-ce qui éloigne ? Qu’est-ce qui agite ? Qu’est-ce qui créé la confusion ? La peur. La peur de ne rien être.
Tous les savoirs, les certitudes, les directions, ne sont que cette peur en marche.
Tant que je veux suivre un enseignement, une direction, un gourou, je demeure à l’extrême de la confusion.
L’élève veut trouver un maître parce qu’il cherche son papa. A un moment donné on ne cherche plus son papa et il n’y a plus de maître possible.
Il faut laisser les malheureux – ceux qui sont à la retraite, qui s’ennuient ou qui ont des problèmes financiers – être éveillés ; c’est une forme de manifestation dégénérée très significative de notre époque.
On n’a pas besoin d’être éveillé : on a besoin de rien.

Quittez toute voie spirituelle. Restez chez vous. Jetez vos tofus et votre prétention à la paix par l’alimentation, le yoga ou le taî-chi-chuan. Regardez. Ressentez. Regardez combien vous vous enfuyez de la réalité quotidienne. Pas de recette, d’exercice, d’attitude à observer. Être lucide. Sentez la peine, la tristesse, la peur. C’est Dieu en activité. C’est votre chance.
Que pourrait-on enseigner ? Sa propre nullité ? Cela, vous l’avez déjà. C’est ce que nous avons tous en commun.
Il ne peut rien y avoir de plus grand que ce qui est là dans l’instant.
Le reste est fantaisie.

Une démarche spirituelle, c’est vivre avec ce qui est là; ce n’est pas chercher à transformer, à changer, à se libérer.
Le spirituel s’est s’immerger dans l’évidence de l’instant sans vouloir le manipuler ou l’utiliser
Je n’ai besoin de rien pour pressentir ce qui est primordial. Inutile de changer quoi que ce soit en moi.
Il faut vivre la médiocrité : elle révèle l’ultime en nous. Quand je refuse la médiocrité, quand j’imagine, que je projette un supérieur ou un inférieur, des choses spirituelles qui devraient me libérer de la vie quotidienne, là, je suis dans un imaginaire. C’est une forme de psychose.
On veut toujours se libérer de l’agitation : c’est cela l’agitation, c’est cela le manque de respect.
Nous n’avons pas à changer notre vie.

Dans les prétendues voies spirituelles, il y a une espèce de fantasme de perfectionnement, le fantasme de s’épurer, de comprendre, de s’améliorer, de se changer, une espèce de moralisation pathologique qui vient de psychismes déséquilibrés.
Ce qui est fascinant, merveilleux, absolument satisfaisant, c’est ce qui se présente dans l’instant. Il n’y a rien d’autre et il n’y aura jamais rien d’autre. Il n’y a pas une vérité cachée derrière des apparences.
Je n’ai pas besoin de changer quoi que ce soit en moi : mes peurs, mon arrogance, mes prétentions, mes limites, tout cela m’est nécessaire pour pressentir le sans-limite.

Dans la tranquillité, il n’y a nulle part où aller.
Ce que je peux trouver à l’extérieur, je peux le perdre.
Alors je ne vais nulle part, je reste ici, présent.
Le bonheur est ici lorsque je ne prétends plus qu’il est ailleurs. Ce que je veux, c’est ce que j’ai. Si je dois bouger d’un millimètre, ça ne m’intéresse pas.
Penser qu’il y a plus là-bas qu’ici est un fantasme.
Ce qui est là n’est pas quelque chose à enlever afin de trouver la vérité ; cela se révèle être la vérité elle-même, la vérité qui se cherche. Ce qui m’arrive est donc la vérité, quelle que soit sont expression.

Comprendre qu’il n’y a rien à comprendre, rien à acquérir.

Ce qui est sombre, c’est la recherche spirituelle moderne – la prétendue recherche spirituelle. C’est cette espèce de fuite de l’instant.

Par contre, ce qui est merveilleux, ce qui est «auspicieux», c’est la guerre qui s’approche, ce sont les cataclysmes qui viennent, parce qu’ils remettent profondément en question l’être humain, lui font poser de véritables questions. Tout le reste le fait dormir.

La spiritualité est un concept.

La spiritualité est une fantaisie, une psychopathie.
La spiritualité, c’est uniquement ce qui est là dans l’instant.

Le son de la pluie est plus épuré et plus direct que toute formulation métaphysique ou spirituelle. »

Eric Baret