« Nous avons tous envie de nous fier à celui qui fait des promesses, car nous n’avons en nous nulle lumière. Mais cette lumière, personne – aucun gourou, maître ou sauveur – , personne ne peut vous la donner.
Il faut donc se défier de toute forme d’autorité spirituelle, il faut la récuser.
Personne ne peut nous donner cette lumière qui jamais ne s’éteint, jamais ne meurt.
Être un disciple, c’est imiter. Être disciple, cela suppose non seulement que l’on renonce à sa propre lucidité, à son propre questionnement, à son honnêteté, à son intégrité, mais cela sous entend aussi qu’en devenant disciple on a un mobile : être récompensé. Mais la vérité n’est pas une récompense ! Si l’on veut comprendre la vérité, il faut faire abstraction totale de toute forme de récompense ou de châtiment. L’autorité se fonde sur une peur sous-jacente, et lorsqu’on se soumet à une discipline par crainte de ne pas obtenir ce que nous promet un exploiteur au nom de la vérité ou de l’expérience, cela équivaut à renier sa propre lucidité, sa propre honnêteté. Si vous dites que vous devez méditer, que vous devez suivre un certain chemin, un certain système, de toute évidence vous vous conditionnez vous-mêmes en fonction de ce système ou de cette méthode. Vous obtiendrez peut-être le résultat que vous fait miroiter la méthode, mais cela ne vaut guère mieux qu’une poignée de cendres, car le motif implicite est la réussite, le succès – et c’est la peur qui est à la racine de tout cela.
Comprendre la vie, et la portée extraordinaire de la mort : c’est cela, la méditation, et non la quête de quelque expérience mystique intense, ni la répétition constante d’un chapelet de mots – si saints, si anciens ces mots-là soient-ils. Ce genre de pratique a pour effet non seulement de pacifier l’esprit, mais de l’émousser et de le mesmériser. On pourrait tout aussi bien prendre un tranquillisant, ce serait beaucoup plus simple. La méditation ne consiste ni à répéter des mots, ni à s’auto-hypnotiser, ni à se plier à une méthode ou à un système.
Le savoir est nécessaire pour pouvoir fonctionner, mais son action devient névrotique lorsque la quête d’un certain statut devient prééminente, autrement dit lorsque la pensée entre en jeu sous forme de « moi », de statut à atteindre. Donc, le savoir est nécessaire, mais en même temps la méditation est la découverte, la rencontre inopinée, l’observation d’une zone dans laquelle le processus de la pensée n’a pas cours. Ces deux états peuvent-ils coexister harmonieusement dans notre quotidien ? Tout le problème est là : la chose est-elle possible sans exercices respiratoires, sans postures rigides, sans mantras à répéter, sans sommes folles à débourser juste pour apprendre un pauvre petit mot que l’on va répéter jusqu’à se croire au paradis, tout cela n’étant que monumentale – que dis-je – transcendantale idiotie ! »

Krishnamurti