Confucius était désireux d’aller vers l’Ouest pour déposer ses écrits à la bibliothèque des Zhou. Zilu* lui dit :
« On m’a parlé d’un certain Lao Dan (Lao Tseu), bibliothécaire des Zhou. Il s’est démis de ses fonctions et vit retiré. Puisque vous projetez de déposer vos écrits, pourquoi ne pas lui demander son aide ?
-Soit ! » répondit Confucius.
Il alla trouver Lao Dan, mais celui-ci refusa de l’aider.
Alors Confucius tenta de le convaincre en lui exposant le contenu des « Douze classiques ». Lao Dan l’interrompit et dit :
« Trop long et fastidieux. Allez à l’essentiel !
-L’essentiel réside dans la bienveillance et la justice, répondit Confucius.
-Permettez-moi de vous demander si bienveillance et justice sont le fond de la nature humaine.
-Assurément ! L’homme de bien ne peut atteindre la perfection sans bienveillance ni vivre sans justice. Bienveillance et justice sont, en vérité, le fond de la nature de l’homme. Que pourrait-il faire sans elles ?
-Permettez-moi de vous demander ce que vous entendez par bienveillance et justice.
-Vouloir le bonheur des hommes et aimer tous les hommes avec altruisme, telle est l’essence de la bienveillance et de la justice.
-Malheureux ! Vos derniers propos représentent un vrai danger ! Parler d’amour universel est excessif. L’altruisme conduit à l’égoïsme. Souhaitez-vous que le monde entier perde sa nature propre ? Le ciel et la terre suivent leur course, le soleil et la lune ont leur lumière, les étoiles et les astres ont leur ordonnance, les oiseaux et les animaux vivent en groupes, les arbres et les végétaux croissent vers le haut. Agissez en suivant votre propre vertu, suivez le Dao, et vous atteindrez la perfection. Pourquoi voulez-vous promouvoir la bienveillance et la justice en vous comportant comme un père à la recherche de son fils égaré ?
Malheureux ! Vous n’apportez que confusion dans la nature humaine ! »

*Un des disciples de Confucius

Tchouang Tseu