« La méthode authentique consiste à ne rien faire de spécial. »
Tao-hsin

« Fermer la bouche et les yeux est le geste même du recueillement mystique . »

La sieste est l’heure du repos. Du repos, c’est-à-dire de la quiétude (du latin quies, « repos »).
Dans sa mise en œuvre, la sieste est une pratique très proche, pour ne pas dire identique, de la contemplation. Il est requis de se tenir coi (toujours du latin quies). Coi, c’est-à-dire muet, qui vient de la racine indo-européenne –mu qui symbolise un son inarticulé, et qui a donné en grec muein, « avoir la bouche ou les yeux fermés ». On a là accès au grand mystère (de –mu). Fermer la bouche et les yeux est le geste même du recueillement mystique (de –mu aussi).
Pour les taoïstes, tso wang, « être assis et oublier », est la pratique correspondant au plus haut stade de recueillement.
Le méditant ne recourt à aucune méthode pour axer sa méditation, il laisse son esprit errer à sa guise, spontanément, accordé au cours des choses. C’est là pure contemplation. A contempler ainsi le monde, à s’imprégner de la réalité immédiate et évidente dans la plénitude de l’instant présent, à refléter, réfléchir le monde, se révèle l’harmonie spontanée du cours des choses. On réalise alors l’identité de notre nature profonde et de l’univers.
Nous sommes là au seul endroit où nous avons à nous rendre : ici, maintenant. D’où venons-nous, où allons-nous ? Ici, maintenant.

La sieste et la quiétude contemplative sont par définition du domaine de la vacance. De la vacance de l’esprit où se manifeste l’évidence du monde. Faire le vide pour voir l’évidence.
En même temps que recul philosophique, la contemplation est communion poétique avec le monde, adhésion parfaite au monde de par la disponibilité des sens qu’elle requiert. Dans cette ouverture des sens se révèle le sens : la saveur (le savoir) de l’ainsité du monde dans l’éternité de l’instant présent. L’ainsité, en d’autres termes l’essence de choses. L’essence, c’est-à-dire, étymologiquement, l’ « étant » des choses ( de essens, participe présent du latin esse, « être »). Dans cette ainsité des choses résident toute l’épaisseur de l’instant présent, son éternité, son extraordinaire présence. Quand on perçoit, bien plus que le sens, l’harmonie des choses, leur impeccable coïncidence.

Nous sommes tous plus ou moins, animés par la quête de l’absolu, de la vérité, de l’éveil, de l’illumination, de la compréhension ultime, etc. pour s’apercevoir, au bout du compte (si l’on y arrive), qu’il n’y a rien. « Fondamentalement rien », comme disait le maître ch’an chinois Fengkan (IXe s.). Loin d’être un constat d’échec, c’est là un sentiment et une expérience merveilleusement libérateurs. Merveilleux car extraordinairement simple, évident. L’illumination, ou l’éveil, est la révélation non pas tant de la vérité que de la réalité, hic et nunc, dans son évidence absolue. Que de chemin à parcourir avant de se rendre à l’évidence. Ce qu’on cherche, la vérité, le sens, est exactement là, à l’endroit même où l’on cherche, dans une totale et tacite évidence. Il n’y a plus alors qu’à lâcher philosophiquement prise et à s’accorder au cours des choses.


Hervé COLLET et Cheng Wing Fun

« Originellement ce que les gens appelent préceptes étaient destinés aux moines médiocres qui enfreignaient les règles. Mais pour celui qui réside dans l’esprit originel inné, nul besoin de préceptes. Quand vous résidez dans l’esprit originel inné, vous êtes un vivant éveillé ici aujourd’hui, et ce vivant éveillé ne va certainement pas s’employer à suivre des préceptes, car li n’a aucuns préceptes à suivre. »

Bankei


je me suis installé en dehors du monde
de poussière
en mouvement ou au repos, je vis à ma guise
ma grue blanche à ma place accueille les visiteurs
le vent printanier pour moi tourne les pages
du livre

Yuan Mei

Mila