« La relation maître-disciple est une forme de romantisme. Evidemment, cela existe dans l’enseignement du yoga, dans l’enseignement de la musique ou de la peinture. Dans l’art du yoga, il y a transmission. On transmet de l’information, des coups de main, une énergie, une capacité. Pour l’apprentissage du piano, de la poésie, de la peinture un maître transmet des conseils.
En ce qui concerne notre être profond, il n’y a rien à transmettre parce que ce n’est pas à l’extérieur. La relation maître-disciple est donc impossible à ce niveau-là. Le maître est celui qui à cette conviction profonde qu’il n’est rien, qu’il ne sait rien et qu’il ne veut rien. Quand une personne vient le voir avec son cortège de projections, le maître va petit à petit éclairer du point de vue de la non-référence les différents étages de la vie du disciple. Le disciple se référera ainsi de moins en moins à sa propre opinion, à sa propre compréhension. Une situation surgit et se réfère à la totalité. Ce que le disciple attend du maître, c’est lui-même. Donc rien ne peut lui être transmis. Cela n’a donc rien à voir avec tout le romantisme, toutes les émotions, les pleurs, tous les balbutiements que l’on rencontre dans l’Inde pseudo-traditionnelle. L’enseignant souligne chez l’élève l’autonomie, la non-différence, le silence entre les perceptions, entre les pensées, entre les états. L’élève devient à ce moment-là conscient qu’il n’est pas le corps, l’esprit ou la sensorialité. L’enseignant va lui rappeler que le corps, l’esprit, vivent dans la conscience, dans l’espace. Voilà pourquoi un véritable élève ne peut se présenter comme l’élève d’un maître.
Un véritable élève ne sait pas qu’il est l’élève d’un maître ; s’il le sait, c’est qu’il n’est pas un véritable élève ; il y a encore une référence. Un véritable maître n’a pas d’élève parce qu’il ne se prend pas pour un maître. Un maître qui a des élèves, un élève qui a un maître, c’est encore le cirque. Cela a une valeur dans l’art, dans le yoga ou dans l’enseignement de la musique mais pas dans la recherche fondamentale. »

Eric Baret