Dans la Grèce antique, il n’y avait pas un mais deux temps. Le monde moderne ne connaît que le temps Chronos : mesurable, linéaire, successif et répétitif, en un mot, quantitatif, avec pour critère, la durée. Or les Grecs vivaient aussi selon le temps Kairos : temps incommensurable, sphérique, holistique et unique, en un mot, qualitatif, et avec l’intensité pour critère. Une distinction qui recèle des implications immenses, aux points de vue épistémologique et ontologique, voire initiatique.

.

(Ce texte a paru dans le numéro 5 de la revue Temps. Il est aussi le dernier à être publié sur ce blogue, qui entre en sommeil à partir de dorénavant.)

.

Hésiode disait que le Kairos est « tout ce qu’il y a de mieux » et Euripide qu’il « est le meilleur des guides dans toutes entreprises humaines ». Gilbert Romeyer-Dherbey, commentateur de Pindare, a pu souligner le caractère transcendant et l’origine supra-humaine (divine) de Kairos 1. « Le kairos, écrit-il, est un don, et le don est un kairos ; l’intervention du dieu dans le sort des mortels en modifie la temporalité, et l’on comprend dès lors que l’un des sens de kairos ait désigné le moment fugace où tout se décide, où la durée prend un cours favorable à nos voeux. (…) L’irruption soudaine du kairos, c’est-à-dire d’un temps visité par le dieu, se marque en général chez Pindare, par l’apparition de la lumière. (…) Lorsque l’orage a bien enténébré la terre, soudain le vent faiblit, la pluie s’arrête, la nue s’entrouvre – et c’est l’embellie, une clairière de lumière soudain, dans un lieu de désolation. L’homme a senti le passage du dieu, et tel est le kairos. » L’idée antique et traditionnelle selon laquelle « le kairos est une seconde d’éternité » peut également se comprendre, nous allons le voir, du point de vue de la science et de la philosophie modernes, dans ce qu’elles ont pu produire de meilleur : la physique quantique d’une part, la phénoménologie de Raymond Abellio d’autre part.

.

Chronos et Kairos : deux paradigmes existentiels et ontologiques

La distinction entre Chronos et Kairos a été mise à profit, dernièrement, par le biologiste suédois Carl Johan Calleman, dans Cosmologie maya et théorie quantique (Alphée, 2010), ouvrage qui mobilise les acquis de la physique quantique pour décrire le fonctionnement et l’évolution de l’Univers, du Big Bang à nos jours, selon la conception des Mayas (telle du moins qu’il l’a comprise et interprétée).

« Pour comprendre le temps, constate ainsi Calleman, nous pourrions d’abord considérer le fait que les anciens Grecs reconnaissaient deux aspects du temps, Chronos et Kairos : Chronos signifiait le temps mesurable quantitatif et Kairos était le »bon moment » qualitativement parlant. Chronos pouvait être mesuré en faisant des comparaisons avec des appareils mécaniques et des cycles astronomiques, alors que Kairos était uniquement perçu en certaines occasions cruciales comme une opportunité ou une crise, comme si un processus évolutionnaire essayait de se manifester de force à ce moment précis dans le temps. Celui-ci était alors considéré comme le »bon » moment. Kairos exprime ainsi ce qui est »dans l’air » et sur le point d’arriver, et si on ne comprend pas sa relation à l’évolution, il est souvent vécu comme un aspect magique, ou du moins subjectif du temps. Kairos, ou »temps évolutionnaire », est cependant l’aspect du temps qui nous octroie la véritable expérience du temps comme quelque chose qui est plus qu’une série de moments discrets et sans rapport. » Calleman évoque ici, sans s’y attarder, le caractère aléatoire, et partant absurde, du temps Chronos : simple succession de durées relatives et circonstancielles (à commencer par la rotation des planètes autour du Soleil, qui n’a rien d’un phénomène perpétuel ou inaliénable), il ne répond à aucune autre raison que de segmenter notre propre durée de vie humaine, dans un but d’encadrement social et d’organisation économique. Norbert Elias, l’un des rares sociologues à s’être penché sur la question du temps, avait déjà souligné le caractère purement social et conventionnel du temps Chronos, et partant, sa dimension aliénante. Le temps Chronos est tendanciellement artificiel, en décalage voire en opposition avec les rythmes naturels – à commencer par nos propres rythmes biologiques (le rythme circadien) : il a donc un aspect potentiellement malsain, au sens propre et physiologique de ce mot.

.

Kairos, une action objective et transcendante

« Mais puisque le monde moderne ne reconnaît que l’aspect mesurable du temps, reprend Calleman, chaque fois que nous prenons part à des coïncidences remarquables, nous avons tendance à les considérer comme mystérieuses. » Et encore : à quel point peut-on aussi avoir tendance à ignorer ces coïncidences, les considérant comme de fugaces et innocentes absurdités ? Alors qu’« en fait, de telles coïncidences remarquables s’avèrent être les moments déterminants de la vie, qui servent à lui donner sa future direction ». Les événements coïncidents et synchroniques n’ont l’apparence du hasard que pour mieux défier nos repères et bousculer nos habitudes – ébranler sur ses bases notre rationalité ordinaire – et jeter, comme une torche dans une cave obscure, une clarté aussi soudaine qu’inattendue sur la situation.

Ce sont là, typiquement, les synchronicités étudiées par Carl Gustav Jung : des expériences qui transcendent l’aspect linéaire et successif du temps au profit de sa tendance sphérique ou holiste et intégrative. L’expérience de Kairos, en effet, a ceci d’essentiel qu’elle donne du sens : elle implique l’individu dans un état de plénitude et du même coup explique le sens, objectivement, de l’expérience vécue subjectivement. Kairos exprime ainsi, nous dit Calleman, « le timing » du cosmos, et il est clair que chaque fois que nous en faisons partie, nous avons des raisons d’admettre que nous faisons partie d’un dessein supérieur ». Calleman adhère en effet à la théorie du « dessein intelligent » (Intelligent Design) selon laquelle l’Univers a un but, une intention, et qu’il se manifeste, fonctionne et s’organise, avec une invraisemblable intelligence, en rapport avec ce but 2. « Même si Kairos a toujours été perçu comme un facteur subjectif, ou même magique», relève justement Calleman (à la suite de Jung), « on peut aussi voir cet aspect du temps comme une expression du rythme évolutionnaire global de l’Univers à tout moment donné. Le « moment juste » serait alors celui où telle opportunité s’impose, même si cela peut être vécu très subjectivement », alors qu’en fait, « la raison pour laquelle de telles opportunités évolutionnaires se présentent en premier lieu est qu’un facteur objectif », et donc transcendant, « les pousse à se manifester au « bon moment » », c’est-à-dire au moment où cette manifestation aura – et donnera – le plus de sens et de valeur, de pertinence et de cohérence à celle ou celui qui en aura été l’objet. Ce « bon moment », chez Calleman (qui n’est pas biologiste pour rien), a pour critère la qualité évolutionnaire : c’est un saut qualitatif améliorant les capacités cognitives et le niveau de conscience, l’autonomie et la complexité des organismes.

« On peut prendre comme exemple de ce « timing cosmique » d’opportunités évolutionnaires, poursuit Calleman, un phénomène assez fréquent, à savoir les découvertes indépendantes et simultanées » dans les sciences et les techniques, « comme celle du calcul par Leibniz et Newton ou du téléphone par Bell et Gray. Si nous ne voulons pas considérer de telles synchronicités comme de simples curiosités, nous devons conclure qu’il existe un facteur qui sert à synchroniser les événements dans l’Univers et qui a un réel pouvoir sur nos vies. » Un facteur objectif et transcendant, qui donne du sens en exerçant une influence aussi bien verticale que radicale sur notre existence – et par-dessus le marché, de manière purement intérieure, sans aucun phénomène extérieur à observer, mesurer ni reproduire pour essayer d’y comprendre quelque chose : il n’en faut pas tant pour faire voler en éclats le dogme matérialiste et empiriste dans lequel la science moderne continue à piétiner 3.

Raison de plus pour prêter attention à Kairos. Du moins pour Calleman est-il nécessaire d’intégrer cette dimension qualitative du temps si l’on veut améliorer notre compréhension du monde. Le Tzolkin des Mayas, comme il le montre bien, est un calendrier éminemment  » kairologique « , si l’on peut dire, et « c’est parce qu’ils retraçaient l’évolution de cet  » autre  » aspect du temps que je crois qu’il faut inclure le système calendérique maya dans toute tentative de développer une nouvelle et plus juste théorie de l’évolution de l’univers ». Ne pouvant pas insister ici sur le calendrier maya – en dépit des impressionnantes implications qu’il recèle 4 –, il s’agira plutôt d’envisager à quel point la prise en compte de Kairos peut effectivement permettre d’élaborer une meilleure « théorie de l’évolution de l’univers », ainsi qu’une meilleure théorie de la connaissance de manière générale – à commencer par la seule qui vaille vraiment, la connaissance de soi.

.

« Point d’inflexion » évolutionnaire et »saut quantique » de la conscience : Kairos peut-il avoir valeur initiatique ?

« Le kairos, nous dit Wikipédia, est le temps de l’occasion opportune. Il qualifie un moment ; en mathématiques, on pourrait dire un point d’inflexion, comme en physique, un moment de rupture dans un sens ou dans un autre ». C’est là une idée cruciale, déjà évoquée par Calleman (le temps Kairos est discontinu tandis que Chronos est continu), et qui renvoie évidemment à la granularité de l’espace-temps : le milieu spatio-temporel n’est lisse et continu qu’en apparence, il est en fait granulaire et discontinu. La raison en est simple. Le temps Chronos, qui sert à mesurer des durées, consiste essentiellement (Guénon l’avait rappelé) en événements : et par « événement », on pourra entendre tout ce qui sert de borne – point de départ et point d’arrivée, début et fin – à une durée quelconque. Le temps, ainsi envisagé, n’est pas autre chose qu’une succession d’événements – de quelque nature, ampleur et intensité que ce soit – entre lesquels existent des durées que nous pouvons mesurer. Or un événement, quel qu’il soit, va autant, voire surtout, s’appréhender en termes qualitatifs (quelle est la qualité, le contenu, l’enseignement, le sens de cet événement) plutôt qu’en termes quantitatifs (de quelle durée cela est-il). La notion d’événement suffit, à elle seule, à faire comprendre l’importance de l’aspect Kairos du temps ; si les événements qui emplissent la vie et l’Univers n’étaient que de simples repères temporels, nous serions dans l’absurdité la plus épaisse (à quoi ça sert ?…). Or leur aspect qualitatif va bien évidemment primer sur leur aspect chronologique : c’est leur sens qui importe, c’est leur contenu symbolique, psychique (mental, moral, émotionnel, mémoriel) et aussi socioculturel, qui leur confère toute leur valeur – qu’il appartient à chacun de réaliser, de comprendre et d’assumer, selon sa volonté, ses moyens et sa disponibilité. (On pourra aussi noter au passage la quasi homophonie – qui n’a évidemment rien de fortuit – entre « événement » et « avènement », suggérant le caractère proprement  » épiphanique  » de tout événement considéré du point de vue  » kairologique  » : une épiphanie en effet, au sens étymologique, est la « manifestation d’une réalité cachée ». Là réside bien le principe de Kairos, qui est de dévoiler un sens ou une direction au travers d’événements dont l’apparence aléatoire ou absurde ne peut jamais être qu’illusoire 5.)

.

Le « quantum de temps » : l’instant absolu ?

Raymond Abellio a pu tirer de substantiels développements de cette discontinuité temporelle fondamentale. Dans La Structure absolue 6, il introduit la notion de « quantum de temps », et lui attribue un rôle décisif dans notre façon d’expérimenter et de comprendre le temps. A cette échelle, qui est celle de Planck (les ultimes et plus infimes mesures atteintes par le calcul), l’aspect quantitatif du temps perd sa raison d’être : une durée de 10-34 seconde, ça ne veut effectivement rien dire et ça ne sert à rien. Mais à suivre Abellio – et comme disent les physiciens –, tout se passe comme si ce quantum de temps n’était pas autre chose que l’« instant éternel », cet « éternel présent » dont parlent les traditions et les doctrines initiatiques, ou pour le dire autrement, l’infinitésimale étincelle de temps qui, au nom du principe holographique et fractal qui régit l’Univers, contient la totalité des événements possibles et potentiels qui auraient pu, pourraient ou pourront advenir dans l’Univers (de même que ceux qui sont advenus, adviennent et adviendront), dans un état de simultanéité que la science moderne a commencé à approcher (Erwin Schrödinger et à sa suite, John Bell, Alain Aspect, Nicolas Gisin) mais dont elle peine encore à tirer les implications.

.

De la mélodie à l’harmonie, de la quantité à la qualité, de l’entropie à la néguentropie

Abellio, dans La Structure absolue, en a donné l’illustration et de probants aperçus. Il évoque le temps au travers du rythme, dans sa relation dynamique avec la mélodie (équivalent entropique de la potentialité amorphe et désordonnée) et l’harmonie (équivalent néguentropique de l’actualité manifeste et ordonnée). Le rythme est ainsi conçu comme « agent opérateur de la transmutation » d’un temps plat, mécanique et aliénant (consistant à ordonner le substrat mélodique) en un temps plein, organique et épanouissant (abolissant la durée par le caractère intégratif de sa qualité harmonique). Comment opère cette fonction rythmique d’intermédiation dynamique entre la mélodie (entropique) et l’harmonie (néguentropique) ?

Par rapport à la mélodie, explique Abellio, « le rythme procède par fondation (du verbe fonder), il additionne » (en mode chronologique) ; et par rapport à l’harmonie, « il procède par fusion (du verbe fondre), il totalise » (en mode kairologique). Abellio ajoute que « la mélodie n’est rien sans le temps » et que « le temps n’est rien sans l’harmonie. Le temps fonde la mélodie, l’harmonie fond le temps, elle se passe du temps, elle l’arrête, mais c’est parce qu’elle le remplit. Le comble du temps est la fin du temps. » C’est là jolie manière de décrire le passage de Chronos à Kairos – et de fait, il y a bien des rapports entre « ce passage d’un temps vide à un temps rempli » et les modes chronologique et kairologique du temps.

« La mélodie est la victoire du temps sur l’espace anorganique, l’harmonie est la victoire de l’espace organique sur le temps, mais ce n’est évidemment plus le même temps, précise Abellio. Le premier est forme vide, sédimentation non cimentée d’intervalles tous égaux et interchangeables, et on l’appelle à bon droit temps spatial ou géométrique. Le second est plénitude de contenu, paroxysme résolu dans un seul instant insécable, et on l’appelle durée vécue, concentration et suspension de la durée, accomplissement de la vie ». Si bien qu’en fait, peut résumer Abellio, « le problème de la constitution du temps » n’est autre que « celui de l’élucidation de l’essence du rythme en tant qu’opérateur de la transmutation du temps spatial en temps vécu ». Ce qui appelle deux remarques : d’abord, cette transmutation correspond au « saut qualitatif » (évolutionnaire et intérieur) que peut constituer le passage de Chronos à Kairos, du « mode additif et quantitatif » au « mode intégratif ou qualitatif » (ce qui désigne aussi la transcendance de l’harmonie, kairologique, par rapport au rythme, chronologique). Ensuite, élucider « l’essence du rythme » implique aussi de noter son étymologie : le grec rhein, « flux ». Le temps est donc un tout indivis dont il s’agit, pour nous, de réaliser l’unité – l’harmonie. Et dans cet unique flux nous évoluons, d’événements en avènements, selon des rythmes indéfiniment variés, jusqu’à cette harmonie totale et parfaite dont tout être est appelé tôt ou tard à prendre conscience pour s’y unir.

.

« La transfiguration du monde dans l’homme »

Ce saut de Chronos à Kairos, de la quantité linéaire à la qualité sphérique et de la durée à l’intensité, « transforme donc un mouvement continu en mouvement discontinu, une potentialité en actualité, une ampleur en intensité ». Mais ce n’est pas tout : Abellio va jusqu’à attribuer une qualité initiatique à ce point de rupture, cette infime parcelle de temps à l’interaction de deux réalités – ou plutôt de deux modalités de conscience et d’être. Il prend l’exemple d’une chute le long d’une pente enneigée : tant que l’accélération du corps dans sa chute est croissante ou constante, la conscience est comme « saisie par le temps », happée, enserrée dans un défilement chronologique étourdissant et uniformisant : « la vitesse est devenue telle que (…) je suis projeté dans l’uniformité »… Mais puisque « la vie ne supporte pas l’uniformité », survient alors ce point nodal, crucial et décisif – « baptismal », écrit Abellio – qui est l’instance d’une prise de conscience d’intensité sans précédent, par laquelle « le temps est saisi par la conscience ». « Et ma conscience qui émerge dans ce changement se forme en effet instantanément son idée de la situation ou, comme on dit, en un  » clin d’œil « , le temps d’ouvrir les paupières, et elle entreprend immédiatement de ralentir et d’arrêter ma course ». Ce « point d’inflexion » peut à la fois s’apparenter à un saut quantique (libération d’énergie et d’information correspondant au changement d’orbitale de l’électron) et à un saut évolutionnaire (amélioration de la qualité d’être de l’individu en termes d’intelligence, d’autonomie et de complexité). En ce point s’actualise l’ensemble des potentialités accumulées dans le passé : et cette actualisation – qui équivaut, à un autre point de vue, au passage, chez David Bohm, de l’ « ordre implicite » à l’ « ordre explicite » – constitue « le seuil de l’initiation proprement dite », l’entrée aurorale dans une nouvelle modalité de conscience et d’être, d’une qualité à tout point de vue supérieure. Quant au point directement et immédiatement consécutif, celui où survient « son idée de la situation » et sa décision d’interrompre la dégringolade le long de la pente, « il marque la pleine constitution de la conscience nouvelle, qui est transcendantale » – tout en marquant à la fois « la  » perte  » de la conscience ancienne ». L’individu est alors changé, et même si rien n’a changé dans le monde, pour lui le monde ne sera plus jamais comme avant.

Ainsi qu’Abellio l’a encore noté dans La Fin de l’ésotérisme 7, « le problème clé de l’ésotérisme en même temps que sa fin est la transfiguration du monde dans l’homme ». « Alors naît au-delà du Moi banal prétendument distinct et autonome le sentiment puissant de la globalité et de l’unité, qui est participation de ce Moi lui-même à l’interdépendance universelle », de manière cette fois aussi consciente qu’il est possible. (A noter que la conscience de cette interdépendance universelle, selon différents auteurs, est ce qui caractérise et spécifie la spiritualité en propre.) « La participation consciente et permanente à l’interdépendance universelle, conclut Abellio, est l’achèvement en l’homme du mystère de l’incarnation. C’est par cette dernière expérience, qui est initiatique, que l’homme est introduit à un tout nouveau mode d’existence. » Elever notre niveau qualitatif d’existence, de manière aussi individuelle et particulière que générale : tel est aussi l’un des enjeux principaux de notre époque, si tant est que – comme Guénon, Abellio et Calleman ont tous, d’ailleurs, pu l’appréhender à leur point de vue – nous sommes bel et bien dans une période de transition et de transmutation (que l’on nomme, en Occident, l’Apocalypse) qui engage l’ensemble de l’humanité.

.

(1) Dans La Parole archaïque (PUF, 1999).

(2). Inutile de préciser que la cosmologie maya de même que toutes les cosmologies traditionnelles vont évidemment dans ce sens, que seule la cosmologie moderne sera restée incapable d’envisager.

(3). Il y aurait aussi beaucoup à dire sur le rapport entre d’une part, l’incroyable mauvaise foi des scientifiques modernes, niant et ignorant tout ce qui échappe à la mesure et à la reproductibilité – c’est-à-dire l’essentiel – et d’autre part, l’oubli et l’ignorance du temps Kairos à l’époque moderne : car ces deux phénomènes alimentent une même tendance (que l’on pourra légitimement considérer, à la suite de Guénon, comme satanique) qui est la soumission et l’aliénation de l’individu aux phénomènes extérieurs, et son oubli des phénomènes intérieurs, alors que – tout le monde peut en faire l’expérience et le vérifier – les premiers proviennent et dérivent rigoureusement des seconds.

(4). Implications que Carl Calleman a largement commencé à défricher dans Calendrier maya. La transformation de la conscience, Testez ! / Marco Pietteur, 2011.

(5). A cet égard s’applique la même démarche que celle appliquée à la notion de hasard par les frères Bogdanov dans leur excellent essai sur La Fin du hasard (Grasset, 2014) : nous n’attribuons au hasard que ce que nous manquons de recul pour comprendre. – Du reste, l’étymologie du mot – l’arabe al zahr, désignant les dés à jouer, voire le jeu et la chance en général (selon Averroès) – est elle-même hautement kairologique !

(6). « Essai de phénoménologie génétique », Gallimard, 1984 (première édition : 1965).

(7) Presses du Châtelet, 2014 (première édition : 1973).

.

19 mai 2015

Auteur – Alexandre Rougé

Source originelle – ChangerdEre.info

.

Sourire Intérieur, peinture de Anne-Marie Zilberman

.

Source présent article – Delta de la Lyre

Alexandre Rougé