Passons maintenant à aux exercices de prânâyâma. Asseyez-vous bien droit ; le corps doit rester droit. La moelle épinière, bien qu’elle n’adhère pas à la colonne vertébrale, est pourtant à l’intérieur de celle-ci. Si vous vous asseyez de travers, vous troublez la colonne vertébrale ; laissez la libre. Toutes les fois que vous vous asseyez de travers et que vous essayez de méditer vous vous faites du mal. La poitrine, le cou et la tête doivent toujours rester dans le prolongement l’un de l’autre, en ligne droite. Vous constaterez qu’avec un peu de pratique cela vous deviendra aussi facile que de respirer. La deuxième chose à faire est de s’assurer la maîtrise de ses nerfs. Nous avons déjà dit que le centre nerveux qui régit les organes de la respiration exerce une sorte de direction sur les autres nerfs ; c’est pourquoi la respiration rythmée s’impose. La respiration telle que nous la pratiquons généralement ne mérite pas du tout son nom. Elle est très irrégulière. En outre il existe des différences naturelles entre la respiration de l’homme et celle de la femme.

La première chose à apprendre est de respirer de manière cadencée, inspiration et expiration, ce qui mettra de l’harmonie dans l’organisme. Lorsque vous aurez pratiqué cet exercice pendant un certain temps, vous ferez bien d’y adjoindre la répétition d’un mot tel que AUM ou tout autre mot sacré. Laissez ainsi le mot s’écouler rythmiquement, harmonieusement avec le souffle qui entre et qui sort, et vous constaterez que le corps acquiert un certain rythme. Vous apprendrez alors ce qu’est le repos. Lorsque vient ce repos là, les nerfs les plus épuisés se calment, et l’on s’aperçoit que jamais auparavant on avait su ce qu’est le vrais repos.

Le premier effet de ces exercices s’observe dans le changement d’expression du visage ; la dureté des traits s’atténue ; le calme de la pensée répands sur la physionomie une expression de clame. Ensuite vient la beauté de la voix. Je n’ai jamais connu de yogin à la voix rauque. Ces signes apparaissent au bout de quelques mois de pratique.

Lorsqu’on a fait cet exercice respiratoire pendant quelques jours, il faut aborder l’exercice suivant. Emplissez totalement vos poumons en faisant passer le souffle par idâ, par la narine gauche et concentrez en même temps votre esprit sur le courant nerveux. Vous envoyez en quelque sorte ce courant le long de la moelle épinière et vous en frappez violemment le dernier plexus, le lotus qui est à la base, le lotus de forme triangulaire, siège de la kundalinî. Puis, maintenez-y le courant pendant un temps. Imaginez ensuite que vous faites lentement remontrer ce courant nerveux avec le souffle, par l’autre coté, par la pingalâ, puis rejetez le lentement par la narine droite. Vous trouverez cet exercice un peu difficile. Le moyen le plus facile est de fermer la narine droite avec le pouce, puis d’aspirer lentement l’air par la narine gauche. Ensuite fermez les deux narines avec le pouce et l’index et imaginez que vous envoyez ce courant vers le bas, que vous lui faites frappez la base du de la sushummâ. Après cela écartez le pouce et faites sortir le souffle par la narine droite. Ensuite inspirez lentement par cette même narine, en continuant à fermer l’autre avec l’index, puis fermez les deux comme vous l’avez déjà fait.

La façon dont les hindous font cet exercice serait assez difficile à pratiquer dans ce pays-ci, car chez nous on s’y exerce dès l’enfance et les poumons y sont accoutumés. Il est préférable ici de commencer par 4 secondes et d’augmenter progressivement. Aspirez pendant 4 secondes, retenez l’air pendant 16 secondes et expirez en 8 secondes. Cela constitue un prânâyâma. Pensez en même temps au lotus triangulaire qui est à la base ; concentrez votre esprit sur ce centre. L’imagination peut vous être d’un grand secours.

L’exercice suivant consiste à aspirer lentement et à rejeter le souffle aussitôt., lentement également, puis à ne pas admettre d’air pendant un temps, en employant toujours les mêmes temps. La seule différence est que dans un cas, on a retenu l’air à l’intérieur et que, dans l’autre on la empêché de pénétrer. Ce dernier est le plus facile des deux. Il ne faut pas abuser de la respiration dans laquelle on retient l’air dans les poumons. Faite cela seulement quatre fois le matin et quatre fois le soir, puis vous pourrez augmenter lentement le nombre et la durée des mouvements. Vous trouverez que vous en êtes capables et que vous y prenez goût. Ainsi, avec beaucoup de prudence et de précautions, lorsque vous sentirez que vous pouvez le faire, portez le nombre des mouvements à 6 au lieu de 4. si vous faites cet exercice de façon irrégulière, cela peut vous faire du mal.

Des trois méthodes que je viens de décrire pour la purification des nerfs, la première et la troisième ne sont ni difficiles ni dangereuses. Plus vous pratiquerez la première et plus vous serez calme. Pensez simplement à AUM et vous pouvez faire cet exercice pendant même que vous êtes assis à travailler. Cela vous fera beaucoup de bien. Un jour, si vous travaillez sérieusement, la kundalini s’éveillera. Ceux qui pratiquent une ou deux fois par jour acquerront un certain calme du corps et de l’esprit, et une belle voix. Ce n’est pas que pour ceux qui vont plus loin que la kundalini s’éveille, que toute la nature commence de se transformer et que s’ouvre le livre de la connaissance dans les livres ; leur propre esprit sera devenu leur livre et contiendra une connaissance infinie.

Les yogas pratiques - Swâmi vivekânanda

Éditions Albin Michel

par prânâ