Actuellement, nos relations se désintègrent sous toutes les coutures. Qui, parmi nous, n'a pas connu la détresse, n'a pas eu le coeur brisé, n'a pas vécu les affres du divorce ou n'a pas subi l'angoisse d'une nuit blanche sur un divan glacial ? La vie a fait voler en éclats le mythe que nous appelions une « vraie relation ». Du fond de notre douloureuse expérience, nous savons que les relations ne constituent pas une panacée. Mais nous continuons pourtant à les rechercher sans relâche, à les désirer, dans l'espoir qu'elles nous combleront, qu'elles nous révéleront à nous-mêmes. L'échec des relations dans leur forme actuelle est partout manifeste. Récemment, sur une période de quelques mois, j'en ai rencontré de nombreux exemples. Jugez plutôt. La mère d'un enfant en bas âge, prétendument heureuse en mariage, a pris deux amants pour combler ses besoins affectifs. Une femme ayant connu deux alliances malheureuses, puis une troisième débordant de romantisme et de loyauté, fait face à une nouvelle rupture après dix ans de ce « mariage parfait ». Une divorcée entretient une relation platonique avec un homme marié vivant à des centaines de kilomètres de chez elle, mais fréquente en même temps deux amants dans sa propre ville et explore de nouvelles formes de relation au sein d'un collectif très engagé et très sérieux qui se réunit une fois par mois. Un homme dans la force de l'âge, marié deux fois et père de trois jeunes garçons, vient d'envoyer sa troisième flamme passer une année sabbatique en Europe après qu'elle eut fini ses études de premier cycle, en lui disant : « Tout homme qui est ton amant en mon absence est mon frère. » La mère célibataire d'une fillette de neuf ans a, depuis vingtcinq ans, une liaison avec un homme marié qui n'est pas le père de sa fille. La mère célibataire d'un jeune garçon n'a pas de relations sexuelles, mais entretient depuis dix ans une intimité émotionnelle durable avec un homme qu'elle tient pour son « mari affectif ». Une femme dans la quarantaine, jamais mariée, passe toutes ses fins de semaine depuis sept ans avec un homosexuel, qui a un amant de son côté. Une veuve, mère de famille, a épousé en secondes noces le père de deux enfants, pour se retrouver avec quatre orphelins à sa charge après le décès de ce deuxième mari. Un homme dans la quarantaine, jamais marié, évolue au milieu d'un essaim de jolies femmes, dont certaines Le futur de l’amour sont ses amantes et d'autres non, et qui, à elles toutes, comblent ses besoins affectifs et sexuels. Un homme entrant dans la trentaine a une liaison avec une femme entrant dans la cinquantaine et envisage de l'épouser. Une femme dans la fin de la quarantaine, jamais mariée et considérée comme célibataire, n'a cependant jamais passé plus de trois semaines en dehors d'une relation de couple. Aussi extraordinaire que puisse en paraître la forme, ces relations démontrent que, fondamentalement, nous sommes des êtres relationnels. Nous ne vivons pas en solitaires : nos vies entières se développent dans un réseau de relations. Nous naissons dans des relations et nous passons toute notre vie dans des relations. De fait, c'est grâce à la multitude d'expériences que nous vivons au sein de relations, en tant qu'êtres humains, que nos personnalités acquièrent leur forme et leur couleur uniques. Quelle qu'en soit la forme, toute relation est un agencement de liens. Elle est le creuset dans lequel nous nous fondons aux autres, le contenant dans lequel, avec les autres, nous occupons une certaine place. Notre expérience existentielle tout entière s'inscrit dans les relations, relations avec nous-mêmes, avec nos parents et nos enfants, avec nos maisons et nos emplois, avec la nature, avec l'histoire, avec les planètes et les étoiles, avec le temps qu'il fait et son contrecoup sur notre humeur, avec les sons et l'effet qu'ils ont sur nous, avec le ciel, la musique, l'art, la magie, avec notre passé et notre avenir, avec la vie et la mort. Cependant, quand nous parlons d'une « relation », nous modifions ou nous amplifions ce concept générique pour désigner des façons bien précises d'entrer en contact les uns avec les autres. C'est ainsi que nous parlons « d'être amoureux », d'avoir une « relation intime », d'entretenir une « liaison charnelle », de connaître une « idylle » ou d'être unis dans un « mariage ». Il reste qu'une relation, quel que soit le nom qu'on lui attribue, est toujours une manière d'entrer en contact avec un autre être humain. Un contact qui définit non seulement à quel point nous avons choisi d'être proche ou distant de cette personne, mais encore à quel point elle nous est chère ou précieuse et ce que nous souhaitons vivre avec elle. Ce rapport indique aussi quelles sont nos chances de bonheur ou de malheur dans cette position particulière, ce schéma unique de contacts qu'est la relation établie avec autrui.

Les relations évoluent constamment

Nous avons tendance à croire que les relations sont statiques, comme s'il suffisait de s'y engager, d'y prendre position et de rester ainsi, sans bouger ou presque, pour l'éternité. Or, les relations sont fluides, vives, fantasques, en perpétuel changement. La relation que vous avez avec votre fille, par exemple, change du tout au tout entre le moment où elle vient au monde et sa puberté. Il en va de même entre le moment où elle est adolescente et celui où elle atteint la quarantaine et prend soin de ses propres enfants. Autre exemple, vous tombez amoureuse L’éveil de la conscience spirituelle d'un voisin - pianiste prometteur revenu passer ses vacances dans votre quartier -, mais sa carrière florissante l'appelle peu après en Afrique du Sud. Vous lui dites au revoir pour huit mois et vous l'épousez à son retour, pour découvrir qu'il a en poche une offre d'emploi à Los Angeles. Vous faites vos valises pour l'y rejoindre et vous vivez là pendant trois ans. Quand la pollution, les autoroutes et le surmenage finissent par ébranler votre relation, vous tenez une conférence au sommet et décidez finalement tous deux de déménager au Vermont. Nous amorçons nos relations à un moment prédestiné - qu'il s'agisse de tomber follement amoureux, de créer un touchant lien d'amitié à l'école ou de nous griser d'une aventure de vacances -, puis l'heure tourne, la magie s'estompe, la nature du lien se transforme et, d'une façon ou d'une autre, nous passons à autre chose. Nous passons à autre chose à l'intérieur de la relation, ou nous passons à d'autres relations. Nos relations se transforment, évoluent et se redéfinissent sans cesse. Comme enfants, nous quittons nos maisons et nos familles. Comme amants, nous nous séparons en changeant de quartier ou en allant étudier ailleurs. Comme conjoints, nous nous séparons à cause de désaccords inconciliables ou en mourant. Ou bien, avec le temps, nous évoluons ensemble, en toute simplicité et en toute beauté, en suivant le chemin que nous trace l'amour. Le travail, les circonstances, le passage du temps, tout cela modifie en profondeur nos relations. Il en va de même de nos émotions. La fraîcheur satinée du premier amour peut se flétrir comme la rose du poème, au fil du temps: « Avant, tu étais comme ceci... » ou « Dans le temps, nous étions comme cela... ». Cependant, contredisant de façon touchante le thème de l'inéluctable et naturel déclin des sentiments, de nombreuses relations prennent au contraire avec l'âge de la profondeur, de l'expansion, pour s'épanouir tant et plus. Les deux membres d'un couple de ma connaissance - elle, bibliothécaire dans une université, lui, scaphandrier - avaient été présentés par des amis. A leur première rencontre, ils trouvèrent qu'ils n'avaient vraiment rien en commun. Malgré tout, pour atténuer leur solitude respective, ils continuèrent à « se fréquenter ». Ces fréquentations étaient réduites à la plus simple expression, c est-à-dire à de rares activités qu'ils pouvaient partager tout à leur aise : un film de temps en temps, une promenade au jardin botanique le dimanche après-midi. Ils appréciaient tous deux la digression agréable que ces sorties apportaient dans des vies exigeantes et relativement esseulées. Le temps passa, leurs promenades dominicales se poursuivirent et, graduellement, leurs conversations devinrent plus sérieuses. Ils découvrirent qu'ils avaient en commun beaucoup de valeurs : la protection de l'environnement, le partage de leur avoir avec les moins fortunés, une vision simple mais profondément spirituelle du monde, un sens de l'intégrité très développé. Petit à petit, ils apprirent à se connaître. Sans s'en rendre compte, ils se prirent à s'aimer. À leur grande surprise, ils s'avérèrent d'excellent amants. Le futur de l’amour Chose incroyable, ils se marièrent. Et, don du ciel, avec le temps, leur respect et leur amour ne cessent de grandir. Voici ce qu'ils disent de ce cheminement à deux : « Nous formons le couple le plus improbable, le plus mal assorti que nous connaissions. Nos amis ont eu l'audace de nous présenter, mais c'est notre volonté de laisser la relation s'épanouir un instant à la fois, une semaine à la fois, qui nous a amenés au point où nous en sommes aujourd'hui. » Quelles que soient la stabilité, la solidité, l'immobilité ou la tranquillité que nous souhaitions trouver dans nos relations, le passage du temps, les imprévus qui surgissent de nulle part ou qui tombent du ciel - comme les six millions de dollars hérités d'une vieille tante que l'on pensait tout juste à l'aise, le cancer qu'on vous diagnostique au retour de votre voyage de noces, l'enfant dont vous avez la garde quand l'ex-conjointe de votre mari décide de partir en safari -, tout cela bouscule nos relations pour révéler leur véritable nature, celle de voyages initiatiques. La vie nous traverse autant que nous la traversons, et nos relations n'en sortent jamais indemnes. Loin d'être rigides, les relations constituent un processus miraculeusement organique. Nos liens intimes ont un rythme aussi organique que la respiration, qui alterne entre une inspiration et une expiration. Il y a dans la respiration un mouvement rythmique, un aller et un retour, une arrivée et un départ. Et, entre ces deux phases, un exquis moment de silence où transpire l'essence même de la vie. Comme changent la respiration, les marées, les saisons, ainsi changent nos relations. Comme l'air entre dans les poumons et en sort, l'énergie entre dans toutes nos relations intimes et en sort. L’essence même de la relation est le mouvement. Les relations se recréent continuellement Les relations, cependant, ne se limitent pas à ce mouvement organique : elles sont aussi une démarche de création de soi. En d'autres mots, nous sommes constamment en train de nous créer et de nous recréer à travers elles. Nous découvrons qui nous sommes, nous nous rapprochons de nous-mêmes, nous allons mieux ou plus mal, nous grossissons ou nous maigrissons, nous nous éveillons spirituellement ou, au contraire, nous nous enfonçons dans l'aveuglement. C'est par nos contacts avec les autres que nous cheminons à la rencontre de nous-mêmes et, avec le temps, que nous nous épanouissons pleinement. Vous pourriez dire : « je suis une soeur, parce que je fais partie d'une famille de cinq enfants », ou « je suis une amante, parce que je fais l'amour avec mon bien-aimé », ou encore « je suis une mère, parce que j'ai donné le jour à un enfant ». Toutes ces façons de nous identifier découlent de la position particulière que nous occupons, c'est-à-dire du rôle que nous jouons, les uns par rapport aux autres. Et si cette position ou ce rôle nous définit, ce qui est encore plus mystérieux et magnifique, c'est que nous devenons différents, que nous nous rapprochons plus ou moins de ce que nous sommes, précisément en raison de ces liens. Voilà pourquoi vous pouvez non seulement découvrir votre L’éveil de la conscience spirituelle intelligence en côtoyant une amie intelligente, mais aussi devenir plus intelligent grâce à cette amitié. C'est que la simple proximité - c'est-à-dire la relation - fait en sorte que l'autre « déteint » sur vous. Voilà pourquoi nous réussissons non seulement à découvrir qui nous sommes - soeur, amant, mère, ami -, mais encore à nous transformer grâce à la proximité que la relation procure. Les relations nous changent sans cesse parce que nous sommes en constante évolution sur les plans psychologique et spirituel. Voilà la quête de l'humanité. Voilà ce que nous faisons sur terre. Nos relations nous orientent, nous forment, nous changent et nous « ré-forment » non seulement avec le temps, mais aussi grâce à l'évolution des personnes qui cheminent à nos côtés. Quand j'étais en première année d'université, j'étais curieusement intriguée par la question classique que l'on soumet aux aspirants philosophes : si un arbre tombe dans la forêt, mais que personne ne le voit tomber, tombe-t-il vraiment ? À l'époque, ce problème représentait une simple colle intellectuelle, mais contenait le germe d'une vérité que nous découvrons tous aujourd'hui : chaque élément de la création influence tous les autres et existe en relation avec eux. La physique nous apprend que le monde de l'énergie et de la matière est un monde relationnel, que chaque particule n'existe et ne peut être identifiée qu'en fonction d'autres particules. Nous reconnaissons la ville de New York à ce qui la distingue de Paris, la ville de Decatur (Illinois) à la distance qui la sépare de Columbus (Ohio). Il en va de même pour chacun de nous et pour chacune de nos relations. C'est par leur prisme que nous découvrons qui nous sommes : Jeanne est différente de Richard, son mari. Plus encore, nous devenons davantage qui nous sommes : Jeanne est plus belle, maintenant qu'elle est mariée à Richard. Peut-être Jeanne devient-elle plus belle parce que Richard la regarde. Peut-être l'arbre tombe-t-il allègrement dans la forêt parce que quelqu'un est là, témoin de sa chute. Nous pouvons voir qui nous sommes grâce aux personnes qui évoluent à nos côtés ; nous devenons qui nous sommes grâce aux personnes qui nous aiment. Nous gagnons en force ou en beauté, en tendresse ou en grandeur. Les relations nous changent et nous façonnent. L'omniprésence des relations Pour beaucoup d'entre nous, la « relation intime » se résume à l'union unique qu'on connaît depuis toujours sous le nom de mariage. En réalité, nous sommes constamment modelés par toutes sortes de rencontres. Vous êtes lié au conducteur qui fait une embardée et réussit ainsi à vous éviter de justesse dans une ruelle, à la serveuse qui vous apporte votre verre de vin et à l'anesthésiste qui s'occupe vous. Même si ces rencontres ne représentent que l'aspect embryonnaire d'une relation, elles ne vous en influencent pas moins, elles vous changent et vous façonnent tout autant. Le futur de l’amour Comme moi, vous avez sûrement vécu l'expérience suivante: vous marchez sur le trottoir et vous remarquez une belle femme qui vient dans votre direction. Malgré la distance, vous avez l'impression que l'intensité de votre attention l'attire inéluctablement vers vous. Quelques instants plus tard, au moment de vous croiser, sans ralentir le moins du monde, vous échangez un sourire de connivence. À ce moment précis, vous sortez du rôle de l'observateur : vous venez d'établir une relation. Cette femme, qui n'était qu'une inconnue un moment plus tôt, a réagi à l'expression de votre énergie. Elle est entrée dans votre monde et vous a fait réagir, elle aussi. Vous avez été touchées toutes les deux. Quelle que soit l'issue de votre rencontre - aussi simple qu'un sourire, aussi grandiose qu'une histoire d'amour -, vous avez établi une relation. En fait, voilà ce qu'est une relation : c'est la façon dont nous nous touchons les uns les autres par le pouvoir de la proximité et par l'énergie de la conscience. Nous ne sommes donc pas immobiles, dans une position fixe par rapport à l'autre, et nous ne nous contentons pas non plus d'observer les changements de position de l'autre, qu'il s'agisse d'une personne, d'un arbre ou d'un objet. Non, nous changeons véritablement cette personne, cette créature ou cette chose par le pouvoir de notre proximité - tout comme sa proximité nous change d'une manière ou d'une autre. Dans chaque rencontre, nous apportons la totalité de ce que nous sommes, et chaque personne avec qui nous établissons une relation, aussi brève soit-elle, ressent notre énergie et notre conscience. Elle ressent en fait tout notre être et y réagit. Les autres évoluent, changent et se rapprochent d'eux-mêmes grâce à vous, alors que vous vous rapprochez de vous-même grâce à eux. Votre personnalité agit ainsi sans cesse en résonance sur les autres. Nous ne sommes jamais au point mort. En réalité, nous sommes toujours en train de nous toucher les uns les autres. En un mot, nous sommes toujours en relation. Et l'expérience de cette relation n'est ni fortuite ni négligeable. Au contraire, elle est toujours bouleversante et profonde.

Les relations amoureuses

Nos relations amoureuses, quant à elles, représentent une forme beaucoup plus intense de cette expérience. Jusqu'ici, nous avons défini ce qu'il est convenu d'appeler une « relation amoureuse » en fonction d'un certain consensus social. Il s'agissait d'habitude d'une union entre deux personnes, normalement un homme et une femme (mais aussi, depuis quelques années, deux hommes ou deux femmes), marquée par la commodité et la vie domestique. Ces caractéristiques nous donnaient l'impression que nous pouvions vraiment y trouver du réconfort. Nos « amours », comme nous les appelions affectueusement, étaient des liaisons ancrées dans le quotidien et basées sur un lien sexuel. Elles avaient des murs solides et un bon toit. Ces unions étaient exclusives et devaient durer la vie entière. Nous trouvions une personne à aimer et à qui rester fidèle, et nous nous jurions de nous aimer à jamais.

Aujourd'hui, pourtant, ces mêmes relations ne fonctionnent plus ainsi. Elles prennent fin, elles ne ressemblent plus à l'image que nous avions d'elles, elles ne respectent plus le modèle. Elles nous brisent le coeur et se désintègrent sous tous les angles. La moitié de nos mariages débouchent sur un divorce, et qui sait combien de nos amours à l'essai et de nos amours à temps partiel finissent aussi par se briser devant les écueils de la vie ? De nos jours, plus personne ne sort indemne du labyrinthe de l'amour (NDT : allusion à une attraction foraine) et, alors que le siècle tire à sa fin, une partie de notre être meurt tandis qu'une autre entre dans l'âge adulte sur le plan amoureux. L'éveil de la conscience spirituelle Nous vivons une époque absolument fascinante et stimulante de l'histoire humaine où l'on voit éclore la conscience spirituelle. Dans la culture occidentale, cela signifie que nous cessons de nous considérer comme des personnalités pour nous définir peu à peu comme des êtres spirituels. Graduellement, nous prenons conscience que nous ne sommes pas de simples humains dont la vie se résume aux situations et aux éléments qui composent ce qu'on appelle ordinairement « la réalité », mais des esprits éternels incarnés dans l'histoire humaine. Cette révélation s'impose de tout côté. Même si nous avons vécu un siècle exceptionnel sur le plan technique, fascinés par nos propres réalisations, par notre capacité à gagner et à dépenser, à conquérir et à inventer, à créer des machines qui défient les dieux et qui unissent - ou terrorisent - nos frères humains, nous sommes arrivés au point où ces activités ne suffisent plus à nous satisfaire. Il en va de même de nos relations. Nous en avons tout espéré, nous avons compté sur elles pour tout nous donner, pour être l'alpha et l'oméga de notre existence, pour résoudre tous nos problèmes, pour faire en sorte que la vie vaille la peine d'être vécue, pour nous révéler à nous-mêmes. Mais elles n'ont pas vraiment répondu à cette attente. Chose intéressante, si nous avons accordé ce pouvoir quasi divin à nos relations, c'est que nous nous définissons uniquement comme des personnalités, comme la somme de toutes les qualités et de toutes les expériences accumulées pendant la durée d'une vie. En tant que personnalités, nous avons voulu faire l'expérience de l'amour, car l'amour nous comble. Quand nous aimons, nous sommes le plus proche de nous-mêmes. Voilà pourquoi, en tant que personnalités, nous avons attendu de nos relations – et habituellement d’une seule relation – qu’elles nous fassent vivre une expérience d’amour total. La personnalité prend toute la place parce que nous vivons dans une culture axée sur la psychologie. En d'autres mots, nous sommes préoccupés par l'individu : son bien-être, son histoire, ses désirs, ses besoins et ses accomplissements. Depuis le tout début du siècle, c'est-à-dire depuis que Freud a découvert le soi, le moi et l'inconscient, nous avons étudié et développé la dimension psychologique de notre être. C'est une bénédiction et une chance d'avoir pu en apprendre autant sur nos personnalités, de savoir que notre ex

périence est à la fois consciente et inconsciente et que nous sommes motivés par des mobiles cachés autant que par des raisons évidentes. Nous avons exploré avec délices et avec passion ces couches mystérieuses de notre être, dans un élan qui, dans notre culture, avait tout de la ferveur religieuse. Si le siècle qui s'achève a dévoilé la magnifique complexité de notre personnalité, le siècle qui s'annonce marque le passage à un autre niveau de conscience. Des possibilités nouvelles d'harmonie et d'éveil se présentent tout autour de nous, et nous préparent à prendre conscience de notre véritable nature, celle d'êtres humains spirituels. S'agit-il vraiment d'une révélation ? Rares sont les humains qui n'ont jamais connu un moment d'éveil spirituel au cours de leur vie, que ce soit en écoutant une musique si ravissante qu'elle leur tire les larmes aux yeux, en rencontrant, au hasard d'une promenade dans une ville inconnue, quelqu'un qu'ils ont perdu de vue depuis des décennies, en se sentant tout à coup emportés avec les nuages, couchés dans l'herbe les yeux au ciel, ou en percevant une voix venue de nulle part prononcer une vérité qu'ils avaient besoin d'entendre. Voilà autant de manifestations de l'Esprit parmi nous. Maintenant, nous osons aussi parler des anges. Maintenant, nous osons parler de l'âme. Nos émotions elles-mêmes - le flot incessant de nos sentiments - nous indiquent que la conscience inscrite dans notre corps celle que nous connaissons sous les formes de la colère ou du ravissement, de la tristesse et de l'apitoiement, est loin de constituer une simple couche psychologique. Elle est une énergie incarnée, un souffle de conscience divine animant notre être mortel et essayant de nous faire comprendre que nous ne sommes pas seulement des corps dotés d'intelligence, mais des âmes qui se sont donné une enveloppe charnelle, dans cette aventure de l'évolution humaine que nous appelons la réalité. Notre monde a commencé à changer, et nous changeons avec lui. Devant toute cette métamorphose, nous avons été à peu près aussi loin qu'il était possible d'aller dans nos relations. Nous avons obtenu presque tout ce que nous pouvions raisonnablement en attendre sur le plan de la personnalité. Nous nous sommes noyés dans les ouvrages de vulgarisation psychologique, dans les ateliers de réconciliation conjugale et dans les séminaires de communication - toutes choses utiles -, mais nos relations ne sont toujours pas parfaites. Nous commençons à comprendre qu'elles ne le seront peut-être jamais. Nous avons cru qu'elles étaient perfectibles, qu'elles pouvaient nous combler totalement. Mais elles ne le peuvent pas. Elles ne l'on jamais pu et ne le pourront jamais, parce que notre être ne se résume pas à notre personnalité. Ce qui arrive aujourd'hui dans le monde des relations, c'est l'émergence de notre totalité. Nos personnalités veulent sortir de l'adolescence. Elles en ont assez de lutter. Elles désirent quelque chose de meilleur, de plus beau, de plus simple. Comme l'enfant qui finit par en avoir assez de ramper à quatre pattes, nos personnalités aspirent à un niveau de conscience supérieur, à la consL’éveil de la conscience spirituelle cience du fait que nous sommes des êtres spirituels dont la seule vocation véritable est l'amour. Ce n'est pas seulement parce que nous en avons assez de ramper que nous arrivons à ce tournant aujourd'hui. C'est aussi parce que, comme l'enfant qui finit par apprendre à marcher avec délices, il s'agit d'une évolution naturelle. Nous voulons faire mûrir notre amour, être capables d'aimer davantage: aimer plus de personnes, de plusieurs manières, plus simplement et avec plus de joie. Mais nous voulons aussi le faire parce qu'une force en nous et autour de nous suggère ou, plutôt, nous presse, de mûrir pour atteindre cette pleine conscience de nous-mêmes. À chaque époque, l'humanité franchit un seuil d'éveil : nous sommes devant le nôtre. Tout comme nous avons cessé de croire que la Terre était plate pour comprendre qu'elle était ronde, tout comme nous avons fait la découverte époustouflante que notre galaxie n'est pas seule dans l'univers, mais se perd parmi des milliards d'autres, cette force - l'amour, Dieu, l'âme, appelez-la comme vous voulez - secoue notre coeur pour l'éveiller à la véritable magnificence des êtres humains spirituels que nous sommes. « Pourquoi maintenant ? » demanderez-vous. Parce que le moment est venu. Et que nous sommes prêts. Dieu, cette force, cet amour, cette énergie d'une beauté profonde qui nous a donné la vie et qui nous berce en son sein, nous invite à cette conscience qui, jusqu'ici, n'était que l'écho de la cloche enchantée du souvenir. Cette cloche carillonne chaque fois que nous tombons amoureux, chaque fois que nous nous dépassons, chaque fois que nous faisons confiance, que nous lâchons prise ou que nous pardonnons, chaque fois que nous vivons dans la vérité, chaque fois que la compassion fleurit en nous. Nous sommes maintenant appelés à inscrire toute cette beauté dans nos relations. C'est très simple. Dieu veut que nous nous réveillions maintenant. Dieu veut que nous nous voyions les uns les autres comme des esprits autant que comme des personnalités. Il veut que nous embrassions notre vie comme l'exquis cheminement spirituel qu'elle est. Il veut nous délivrer de l'épreuve fastidieuse, frustrante et en somme décevante que deviennent nos relations quand nous les vivons uniquement sur le plan de la personnalité. Un jour, dans mon enfance, on m'a amenée au musée d'histoire naturelle. Là, sous des lampes incandescentes, j'ai pu observer une douzaine d'adorables poussins casser leur coquille à petits coups de bec. J'avais toujours cru que c'était facile, que la seule pensée d'entrer dans un monde éclatant de lumière, couvert d'herbe et d'arbres verdoyants, suffisait pour attirer le poussin hors de sa coquille. J'ai assisté au contraire à une entreprise affreusement laborieuse. Ce jour-là, j'ai aussi appris que les poussins sortent de leur coquille parce qu'ils meurent littéralement d'envie de naître. Au moment où ils se lancent dans cet épuisant exercice de picotage, en effet, l'intérieur de la coquille est tellement contaminé que, s'ils ne s'en évadaient pas de force, l'environnement qui les protégeait si bien jusque-là les tuerait alors.

Nous aussi, nous mourons d'envie de naître. Le moment est venu de nous débarrasser des langes psychologiques du siècle qui s'achève pour entrer avec fracas dans le monde éclatant de la conscience spirituelle. Nous n'avons pas le choix. Nos âmes l'exigent parce que l'amour sur lequel nos relations sont fondées n'est plus assez vaste, ni assez riche et ni assez lumineux pour nourrir notre être dans sa dimension véritable, qui est spirituelle. Nos âmes veulent nous mettre au monde de la pleine conscience dans cette vie, sur la planète Terre, en ce moment. L'expérience accumulée par nos personnalités, la maturité acquise et même les blessures que nous avons guéries ne suffisent plus à nourrir nos âmes. Cette transformation exigera des efforts. Par moments, elle sera même douloureuse. Nous devons garder à l'esprit que la vie nous offre de trouver l'éveil spirituel grâce à nos relations, là où nous cherchons déjà l'amour et où nous en parlons déjà. Notre consolation est de chercher cet éveil dans un cadre tellement familier qu'il constitue l'une des plus grandes traditions de toute l'histoire de l'humanité. Nous sommes toujours tombés amoureux. L'amour a sans cesse éveillé nos coeurs et nous a toujours permis non seulement d'imaginer, mais de sentir vraiment dans les fibres de nos veines qu'il existe quelque chose de plus grand, de plus profond et de plus noble que tout ce que nous avons créé ou entrepris de notre seule initiative. Le moment est venu. Nous sommes invités à passer du coup de foudre à l'attachement, de l'idylle à l'amour véritable, des relations qui sont l'entreprise de la personnalité aux unions qui sont illuminées par l'âme. Nous sommes invités à mûrir pour atteindre notre réelle plénitude, celle d'êtres humains qui sont en fait des âmes éternelles et divines. Et on nous incite à le faire en relation. Le voyage que nous avons entamé en tant que personnalités, nous sommes appelés à l'achever en tant qu'âmes. Cela implique plusieurs choses. Premièrement, qu'il faut renoncer à l'idée qu'une « relation » puisse être parfaite. Deuxièmement, qu'en toute probabilité, nous aurons plus d'une relation importante au cours de notre vie. Troisièmement, que nous devrons réinventer la forme de ces relations. Quatrièmement, que nous aimerons davantage, de façons différentes, dans un esprit peut-être moins personnel et certainement moins intéressé. Et cinquièmement, que l'évolution quotidienne de nos relations sera fondée sur des principes spirituels. Nous ne réussirons tout cela que si nous comprenons à quel point nos personnalités ont eu besoin d'amour hier et à quel point nos âmes en ont besoin aujourd'hui. Comme la coquille cède sous les coups de bec du poussin, nos enveloppes se déchirent pour nous ouvrir la porte vers la liberté. Le voyage ne sera pas toujours facile. Par moment, l'épreuve nous semblera injuste. Mais nous n'avons pas le choix. Et puis, des anges sont là pour nous guider en cours de route. Le futur de l'amour est l'amour véritable, un grand et doux amour qui n’est pas douleur mais joie, qui n'est pas petit mais vaste, qui n'est pas personnel

mais spirituel. Voilà ce vers quoi nous avançons. Voilà notre vraie destination. Pour y arriver, cependant, il faut d'abord nous pencher sur le chemin parcouru. Quel est-il au juste ? Pourquoi nous fallait-il suivre ses méandres ? Que nous a-t-il apporté ? Et comment, maintenant que notre jour est arrivé, pouvons- nous sereinement tourner la page ? En regardant par où nous sommes passés - ce que nous avons manigancé, pour ainsi dire - dans nos relations, nous pouvons commencer à discerner où nous avons besoin d'aller et quel avenir magnifique nous attend au bout du chemin.

À suivre …

( extrait du livre : " le futur de l'amour " ed : ariane .

par joss