Maharaj : Comprenez donc que ce que vous êtes, tant que le corps est là, est cette présence consciente. Une fois votre corps disparu, et avec lui le souffle vital, la conscience aussi s’en ira. Seul ce qui existait avant l’apparition de ce corps-avec-conscience, l’Absolu, le présent-à-jamais, est votre véritable identité. C’est cela que nous sommes tous réellement. C’est cela la réalité. Elle est ici et maintenant. Où est-il question de quelqu’un atteignant cette réalité ?

Qu’étiez-vous avant votre « naissance » ? Dans cet état, y avait-il le moindre besoin, le moindre manque, le moindre désir – y compris l’aspiration à la réalité, ou à la liberté, ou à être libéré ? En fait, c’est cela votre état originel, votre état ou nature véritable – un état de complétude, de divinité, de présence absolue et d’absence relative. La conscience, ou le sens d’être, ou l’Etre, est une réflexion de cet état, mais la réflexion du soleil n’est pas le soleil. Cette Présence Consciente, voilà ce que vous êtes, et non le corps qui ne constitue qu’une résidence de la conscience dans sa manifestation. Lorsque le corps « meurt », la conscience est libérée du corps et vous n’êtes même plus présence consciente, car alors il n’y a plus aucune présence relative. Vous êtes alors dans la Conscience Absolue originelle. Absence relative signifie Présence Absolue, sans conscience d’être présent.

Le désir de liberté, qui naît dans le cœur du chercheur au début du chemin, disparaît peu à peu lorsque celui-ci réalise qu’il est lui-même ce qu’il cherchait. La persistance de ce désir implique deux « blocs ». Tout d’abord, cela présuppose l’existence et la continuité d’une entité désirant la « liberté », alors qu’il ne peut être question de liberté pour un objet manifesté puisqu’un objet ne possède aucune existence en propre. En second lieu, ce désire repose sur le désir de se saisir intellectuellement de la réalité ; cela signifie essayer de capturer le non-connu et non-connaissable au sein des paramètres du connu ! Cela ne se peut.

Question : Quelle sâdhana pratiquer, alors ?

M : Là encore, pratiquer une sâdhana signifie présumer de l’existence d’un fantôme. Qui va pratiquer la sâdhana, et dans quel but ? Ne suffit-il pas, devant le faux, de voir sa nature de faux ? L’entité que vous pensez être est factice, est le faux. Vous êtes la réalité.

Une fois que l’on a compris, ou plutôt a-perçu, intuitivement, que l’entité ne constitue qu’une notion conceptuelle, ce qu’il reste est tout simplement une ré-intégration – Yoga – dans l’universalité. Il ne reste rien à accomplir parce qu’il n’y a personne pour le faire et, plus important encore, personne non plus pour s’abstenir de le faire ! Ce qu’il reste, c’est « être vécu » de façon purement non-volitive, parce que relativement nous ne sommes que des marionnettes dans un monde-rêve, des marionnettes mises en mouvement dans le rêve originel. C’est au rêveur individuel de se réveiller de son rêve personnel. Et cette aperception elle-même constitue l’éveil !

Ramesh Balsekar, Les Orients de l’être, Ed. du Relié

Sri Nisargadatta Maharaj