Pour la première fois, le risque est officiellement reconnu. Le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), dépendant de l’OMS, vient de classer la pilule contraceptive parmi les produits cancérigènes du «groupe 1», ceux dont l’action est «certaine». Une donnée à prendre désormais en compte, sans oublier pour autant les autres causes des cancers, connues, et méconnues.

Certains médecins et cancérologues le disaient depuis longtemps, l’OMS vient de rendre publiques les conclusions d’un groupe de 21 chercheurs venus de 8 pays « après un examen complet de la littérature scientifique publiée» : la pilule « diminue le risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire », mais elle « augmente celui du cancer du sein, du col utérin et du foie ». Globalement, et surtout en Occident, tous ces cancers sont en augmentation. En Europe, celui du sein est de loin le plus fréquent, avec 27,4% de tous les cas, et c’est le tueur numéro un avec presque 130 000 décès par an. Il frappe des femmes de plus en plus jeunes. Les chiffres sont comparables aux États-Unis : en trente ans, ce cancer a augmenté de 130% – contre 27% pour les cancers non hormono-dépendants.

Dans le monde, plus de 100 millions de femmes prennent la pilule, soit près de 10% de celles en âge de procréer (en moyenne : 16% dans les pays développés, 6% dans les pays en développement). Et l’usage de ces oestro-progestatifs de synthèse (le plus souvent sous forme de pilule, mais aussi de patch, anneau vaginal ou injection) est en hausse. L’augmentation du risque est qualifiée par le Circ de « légère » pour le cancer du sein ; des études ont montré que l’utilisation de cette forme de contraception accroît la prolifération des cellules épithéliales du sein. Celle du cancer du col « augmente avec la durée d’utilisation » : cela est d’autant plus problématique dans le Tiers monde, où ce cancer lié le plus souvent du Papillomavirus est fréquent, et où le dépistage n’est pas systématique. Quant au risque accru de cancer du foie, il avait été rendu public par le Circ dès 1999.

Des tissus surexposés aux hormones
Pourquoi la prise d’hormones de synthèse augmente-t-elle les risques ? D’abord, parce que les tissus-cibles, c’est-à-dire les cellules qui possèdent des récepteurs à ces hormones, dans le sein par exemple, y sont exposées pendant trois semaines sur quatre chaque mois, au lieu de dix à quatorze jours pour la progestérone sécrétée naturellement par l’ovaire. Mais aussi parce que leur concentration est beaucoup plus forte que celle des hormones naturelles. Le risque est d’autant plus grand que la prise est précoce, dès l’adolescence, et qu’elle s’étale sur des décennies. Ce n’est pas tout. Ce qui rend probablement la situation d’autant plus grave, c’est que les tissus « hormono-sensibles » (sein, ovaire, prostate, etc.) des êtres vivants sont, dans le monde moderne, soumis à des stimulations dangereuses et cumulées : des scientifiques nous alertent depuis un bon quart de siècle sur les pesticides, par exemple, ainsi que sur de nombreux autres dérivés chimiques qui, une fois dans le corps humain, se comportent comme des hormones. Ils ont appelé ces substances les « xéno-oestrogènes ».
Le Pr Samuel Epstein, aux États-Unis, met de plus l’accent sur un troisième facteur important de risque : les hormones de croissance administrées aux animaux d’élevage industriel, ingérées ensuite par les humains sous forme de viande ou de produits laitiers – dont la consommation a explosé au cours des dernières décennies. Les cancers du sein, de la prostate mais aussi du colon (en forte augmentation également) pourraient être ainsi induits et aggravés.

Tous les risques se cumulent
D’autres facteurs de risque viennent encore s’ajouter aux précédents : ces cancers sont plus fréquents, on l’a constaté, chez les personnes en surpoids – et moins fréquents chez les anorexiques. Selon l’European Cancer Prévention, « l’obésité n’est pas une simple accumulation de tissu adipeux. Elle implique des aspects endocriniens et induit une augmentation du risque de cancer de l’endomètre, du sein et du colon ». Les cancers du sein sont aussi plus fréquents  chez les fumeuses, près des centrales nucléaires et chez des femmes ayant subi de nombreuses mammographies…

Pour en revenir à la pilule, le Dr Elen Grant, qui avait contribué en Grande-Bretagne au développement des contraceptifs chimiques au début des années 60, a par la suite écrit un livre intitulé Amère pilule pour en dénoncer les dangers (accident vasculaire, surcharge hépatique entre autres). Dans la préface de l’édition française, le Pr Lucien Israël, célèbre cancérologue français, notait : « Les deux mérites essentiels de ce livre sont à mes yeux de souligner les dangers réels de la pilule, et d’autre part de montrer, indirectement, que le bouleversement des équilibres naturels comporte toujours obligatoirement un prix à payer… » D’autres cancérologues comme les Pr Joyeux ou Belpomme lui font écho aujourd’hui. Ce danger, on l’a vu à propos du traitement hormonal de la ménopause – dont le Circ souligne également le danger –  est minimisé par les gynécologues. « Chaque femme qui utilise ces produits, conseille le Circ, devrait en discuter les risques et les bénéfices globaux avec son médecin ». Oui, mais lequel ?

par Henriette SARRASECA

Article publié le 07/08/2005 Dernière mise à jour le 08/08/2005 à 09:31 TU

Henriette Sarraseca