Dix questions embarrassantes

Un des meilleurs moyens de penser et d’évoquer le point de vue astrologique est de tirer les conséquences logiques de certaines de ses assertions. Voici dix questions à poser aux charlatans du ciel et plus encore à ses disciples les plus férus :

Quelle est la probabilité pour qu’un douzième de la population mondiale ait le même type de journée ?

Les adhérents à la thèse astrologique, et notamment ceux des horoscopes de journaux, affirment que vous pouvez apprendre quelque chose de votre journée à venir rien qu’en lisant un des 12 paragraphes astrologiques du journal du matin. Une simple division montre que cela signifierait que 500 millions de personnes dans le monde auraient une journée identique à la vôtre, ou à celle de leur signe, et ceci chaque jour. Il est clair que pour pouvoir toucher un maximum de gens, il est nécessaire et vital pour ceux qui en vivent, que chaque prédiction soit la plus vague possible et soit exprimée dans un langage le plus général possible, c’est d’ailleurs ce qui se passe; à chaque lecteur ensuite de s’approprier chaque affirmation et de se la façonner en fonction de sa situation et de ses aspirations, technique bien connue sous le nom d’effet Barnum ou Forer.

Pourquoi le moment de la naissance est-il le plus décisif pour l’astrologie, plutôt que celui de la conception ?

L’astrologie semble scientifique pour beaucoup de monde parce que l’horoscope repose sur une date exacte : la date et l’heure de naissance du sujet. Lorsque l’astrologie est née il y a longtemps (à l’époque chaldéenne), le moment de la naissance était considéré comme le point magique du début de la vie. Mais de nos jours, nous savons que la naissance n’est que l’aboutissement d’un processus, d’une période de neuf mois, d’un développement utérin. En effet, les scientifiques savent maintenant que certains aspect de la personnalité d’un enfant peuvent avoir été décidés avant la naissance.

La raison pour laquelle les astrologues adhèrent toujours à ces conceptions d’un autre âge ont évidemment un rapport avec la théorie astrologique elle-même. Presque tout le monde sait quand il (ou elle) est né, mais il est difficile (voire embarrassant) d’identifier le moment de sa conception. Afin de rendre leurs prédictions les plus personnelles possibles, les astrologues prennent en compte la date la plus facilement déterminable par tout un chacun.

Si l’utérus de la mère est capable de protéger un foetus hors des influences célestes jusqu’à la naissance, peut-on en faire de même dans une pièce dont les murs seraient de viande ?

Si des forces si puissantes émanent du ciel, pourquoi sont-elles bloquées avant la naissance par la faute d’un mince écran de muscles, de chair et de peau ? Et si l’horoscope potentiel d’un nouveau-né est insatisfaisant, peut-on dans ce cas le mettre immédiatement, dès sorti du ventre de sa mère, dans un espace confiné dont les parois seraient de même nature jusqu’à ce que les dispositions planétaires soient plus favorables ?

Si les astrologues sont aussi doués qu’ils le prétendent, pourquoi ne sont-ils pas tous milliardaires ?

Certains astrologues répondront qu’ils ne peuvent pas prédire d’évènements trop spécifiques mais seulement viser une tendance. D’autres déclarent avoir le pouvoir de prévoir de grands évènements, mais pas de petits. Quoi qu’il en soit, les astrologues devraient être en mesure d’amasser des millions d’euros en prévoyant le comportement des marchés financiers, taux et actions voire des matières premières, et parier sur les options, ainsi pourraient-ils même se passer totalement de clientèle plus préoccupée par ses petits bobos et ses amours, ou bien être des consultants de premier ordre. Combien ont prédit le Lundi Noir de 1987 et ont prévenu leurs clients de vendre avant ? Ce qui est sûr en tout cas c’est que les astrologues ne sont manifestement pas des humanistes (et ne semblent pas travailler gratuitement pour le bien de leurs semblables) car aucun d’entre eux n’a pu faire bénéficier l’Humanité de ses pouvoirs fabuleux afin d’éviter à des millions d’habitants, à travers le monde, de mourir lors d’un tremblement de terre, de tsunami, d’actes de terrorisme ou autre catastrophe naturelle qui auraient pu être identifiés grâce (paraît-il) aux planètes.

Tous les horoscopes réalisés avant la découverte des planètes les plus extérieures sont-il faux ?

Certains astrologues affirment que les signes astrologiques du Soleil (la localisation du Soleil dans le zodiaque au moment de la naissance), que la plupart des horoscopes de journaux utilisent exclusivement, sont un guide insuffisant pour les effets du cosmos. Ces praticiens « sérieux » (généralement ceux qui ont loupé leur vocation et le business rentable des colonnes des périodiques) insistent sur le fait que l’influence de tous les corps du système solaire doit être prise en compte, y compris celle des planètes les plus éloignées et leurs satellites découverts tardivement (Neptune a été découverte en 1846, Pluton en 1930).

Dans ce cas, que se passe-t-il pour ce qui est des déclarations et prédictions astrologiques faites pendant des siècles avant ces découvertes ? Tous les horoscopes d’avant 1930, date de la découverte de Pluton, sont-il totalement faux ? Et pourquoi les inexactitudes des horoscopes d’avant la découverte des trois planètes les plus éloignées de la Terre (Uranus, Neptune et Pluton) n’ont-elles pas conduit les astrologues de l’époque à déduire l’existence de ces planètes (comme ce fut le cas scientifiquement pour un astronome comme Le Verrier) avant les astronomes ? En novembre 2003 une planète plus grande que Pluton, Xena, a été découverte aux frontières du système solaire, l’influence de celle-ci (et de bien autres encore non découvertes mais appartenant à la ceinture de Kuiper ou au nuage de Oort) rend-il toutes les prédictions antérieures caduques et fausses ? Depuis que Pluton a perdu son statut de planète, faut-il dès lors jeter tous les graphiques astrologiques à la poubelle ?

Ne devrions-nous pas rejeter l’astrologie comme toute forme de bigoterie ?

Dans une société civilisée nous déplorons tout système qui juge les individus sur leur sexe, leur couleur de peau, leur religion, leurs origines ou sur d’autres accidents de naissance. Pourtant, les astrologues se vantent de pouvoir évaluer les gens en se basant sur un autre « accident » de naissance : les positions des objets célestes. Refuser de sortir avec un Lion ou d’embaucher une Vierge n’est-il pas aussi mal et stupide que de refuser de rencontrer un catholique ou d’engager un Noir ?

Pourquoi différentes écoles d’astrologie sont-elles tant en désaccord entre elles ?

Les astrologues semblent être en désaccord les uns avec les autres sur la plupart des points fondamentaux de leur discipline : qu’il s’agisse de l’explication de la précession des équinoxes, du nombre de planètes ou d’objets célestes inclus dans les prédictions et thèmes astraux et, le plus important, quels traits de personnalité sont à rapprocher de quel phénomène cosmique. Il suffit de lire dix rubriques astrologiques différentes dans dix journaux et magazines différents, ou consulter dix astrologues différents, et vous aurez probablement dix interprétations différentes sans aucun rapport l’une l’autre.

Si l’astrologie était réellement une science (ce qu’essayent de faire croire tous ceux qui en vivent), pourquoi les praticiens ne convergent-ils pas vers une théorie consensuelle unique, surtout après plusieurs millénaires de collecte d’informations, de données qui auraient dû permettre d’affiner leurs positions et les différentes interprétations ? Les idées scientifiques convergent généralement avec le temps, en même temps qu’elles sont testées en laboratoire et confrontées à d’autres preuves ou théories. A l’opposé, les systèmes reposant sur la superstition et les croyances tendent à diverger et à créer autant de « théories » différentes et contradictoires qu’il y a de théoriciens (l’ésotérisme en est un bon exemple) dont le but est avant tout la reconnaissance, l’argent, le prestige ou le pouvoir de celui qui l’émet.

Si les influences astrologiques sont transmises par une force inconnue, pourquoi les planètes dominent-elles ?

Si les effets de l’astrologie peuvent être attribués à la gravité, aux forces marémotrices ou au magnétisme (chacune de ces causes étant invoquée par différentes écoles astrologiques), même un étudiant en première année de physique devrait être en mesure de faire les calculs nécessaires pour voir ses effets réels sur un nouveau-né. Comme on peut le voir sur le tableau ici, un obstétricien qui met un bébé au monde exerce une force gravitationnelle sur l’enfant égale (voire supérieure) à celle de la planète Mars et une force marémotrice 80 milliards de fois plus importante que Mars. Le médecin est bien entendu beaucoup moins massif que la planète rouge mais il est beaucoup plus proche du nouveau-né et aura donc une influence beaucoup plus importante sur sa destinée si les prétentions de l’astrologie étaient exactes.

Si l’influence astrologique est transmise par une force inconnue, mais pourquoi est-elle indépendante de la distance ?

Toutes les forces de l’univers que nous connaissons qui agissent à distance perdent de leur intensité et sont d’autant plus faibles que les objets s’éloignent les uns des autres. Mais comme on peut s’y attendre d’un système géocentrique (où la Terre est considérée comme le centre de l’univers) vieux de milliers d’années, les influences astrologiques ne dépendent pas du tout de la distance. L’importance de Mars dans votre horoscope est identique, que la planète soit sur la même ligne et du même côté du Soleil que la Terre ou beaucoup plus éloignée de l’autre côté. Une force qui ne dépendrait pas de la distance serait une découverte ô combien révolutionnaire pour la science, changeant de nombreuses notions fondamentales, elle vaudrait largement un Prix Nobel !

Si les influences astrologiques ne dépendent pas de la distance, pourquoi n’y a-t-il pas d’astrologie issue des étoiles, des galaxies et des quasars ?

Pourquoi limiter l’influence céleste aux planètes les plus proches puisque rien ne vient limiter l’influence d’un objet céleste et surtout pas sa distance ? Il faut donc y intégrer les étoiles, les quasars, les satellites, les millions de petits objets célestes qui devraient ajouter leur influence à celle de la Lune, du Soleil et des planètes du système solaire. Si un astrologue oubliait de prendre en compte les effets de Bételgeuse et de Rigel dans la constellation d’Orion ou de la galaxie d’Andromède, toutes ses prédictions seraient donc faussées.

Même si nous laissons aux astrologues le bénéfice du doute sur toutes ces questions, acceptant que les influences astrologiques puisse exister hors de notre compréhension actuelle de l’univers, il y a un point destructeur final. Pour le dire simplement : l’astrologie ne marche pas ! Plusieurs tests, sérieusement conduits, ont été réalisés qui ont montré qu’en dépit de toutes leurs déclarations, les astrologues sont incapables de prédire quoi que ce soit.

Après tout, nous n’avons pas besoin de savoir comment ça marche pour voir si cela marche effectivement. Pendant les dernières décennies, tandis que les astrologues étaient bien trop occupés à gruger des gogos pour conduire des tests statistiquement valides de leur travail, des scientifiques l’ont fait pour eux.

Le psychologue Bernard Silverman, de l’Université du Michigan, a étudié les dates de naissance de 2978 couples mariés et de 478 qui étaient divorcés dans l’état du Michigan. La plupart des astrologues affirment être en mesure de prédire quel signe astrologique est compatible ou incompatible avec quel autre pour ce qui est des relations personnelles. Silverman a comparé ces prédictions aux données qu’il avait collecté auparavant sur les mariages et les divorces et ne trouva aucune corrélation. Par exemple les hommes et femmes de « signes incompatibles » étaient tout autant mariés ensemble que ceux de « signes compatibles ».

De nombreux astrologues insistent sur le fait que le signe d’une personne est fortement corrélé avec ses choix de profession (et donc ses aptitudes). En effet, le conseil en recrutement est une des importantes « applications » de l’astrologie moderne. Le physicien John McGervey de l’Université Case Western Reserve a étudié les biographies et les dates de naissance de quelques 6000 politiciens et 17000 scientifiques pour voir si les membres de ces professions se regroupaient en certains signes communs, comme le prédisent les astrologues charlatans. Rien de tout cela, tous les signes étaient représentés avec une distribution complètement au hasard.

Pour surmonter les objections des astrologues qui estimaient que le signe seul n’était pas suffisant pour une interprétation ou une lecture astrale, le physicien Shawn Carlson effectua une expérience ingénieuse. Des groupes de volontaires devaient donner les informations nécessaires afin de faire leur horoscope complet et ensuite remplir un questionnaire de personnalité utilisé couramment par les psychologues et donnant une description générale et large de leur personnalité, telle que celles offertes par les astrologues. Une organisation astrologique « respectable » réalisa les horoscopes des volontaires et 28 astrologues professionnels, qui avaient auparavant approuvé la procédure, ont reçu chacun un horoscope et trois profils psychologiques dont un seul correspondait à l’horoscope envoyé. Leur tâche était d’interpréter l’horoscope et de sélectionner lequel des trois profils concordait.

Bien que les astrologues aient prédit pouvoir atteindre un score de bonnes réponses supérieur à 50%, leur score sur 116 essais ne fut que de 34%, tout juste celui qui était attendu en devinant simplement et au hasard les réponses. Carlson publia ses résultats en décembre 1985 dans Nature, embarrassant par la même occasion toute la communauté astrologique.

D’autres expériences montrèrent que le plus important dans les horoscopes est l’interprétation qu’en fait le sujet qui les lit et ce d’autant plus que celui-ci croit qu’il lui est personnel et individuel. Il y a quelques années, le statisticien Michel Gauquelin envoya l’horoscope d’un des pires assassins de l’histoire de France à environ 150 personnes en leur demandant si cette description de leur personnalité leur convenait bien. 94% des sujets répondirent par l’affirmative !

Geoffrey Dean, un chercheur australien a conduit de vastes expériences sur l’astrologie, en inversant les descriptions astrologiques de 22 sujets, substituant les phrases en en mettant d’autres à l’exacte opposée de ce qui était écrit dans les horoscopes. Pourtant, les sujets de son étude affirmèrent que leur version s’appliquait parfaitement à eux comme souvent (dans 95% des cas) tout comme ceux pour qui les phrases non trafiquées avaient été données. Il semble donc que les clients des astrologues cherchent essentiellement et avant tout des conseils, toute sorte de conseils et un réconfort nécessaire.

Il y a quelque temps les astronomes Culver et Ianna relevèrent les prédictions publiées d’astrologues réputés ou d’organisations astrologiques, sur 5 ans. Plus de 3000 prédictions spécifiques (comprenant des prévisions faites sur des politiciens, des stars de cinéma et autres personnes populaires), seulement 10% des prédictions se réalisèrent. Même un journaliste expérimenté peut faire mieux rien qu’avec une bonne connaissance des personnes et des évènements.

Ainsi, si les étoiles conduisent les astrologues à de mauvaises prédictions 9 fois sur 10, elles ne sont pas très fiables non plus pour ce qui est des conseils pour la vie, les affaires, l’amour et le travail. Pourtant des millions de gens, y compris certaines personnalités politiques, continuent à ne jurer que par elles. Il est clair que ceux qui aiment l’astronomie et la science ont du mal à comprendre cet état de fait en rapport direct avec l’ignorance des astrocroyants de ce qui fait leur foi; mais comme souvent avec la foi, expression de l’irrationnel, on ne peut la contrer sur le terrain rationnel, d’autres causes sont responsables de la perpétuation de cette vieille superstition qu’est l’astrologie, la première pouvant être celle d’une société se laïcisant et trop individualisée.

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