Chaque jour, chacun d’entre nous produit 1 kg d’ordures ménagères. A l’échelle de notre pays, cela représente 900 millions de tonnes par an. Et c’est deux fois plus qu’il y a 40 ans. Si l’on sait leur coût économique mais aussi environnemental, il nous est encore difficile de les réduire effectivement. Pourquoi ? Peut-être parce que notre rapport aux déchets est réellement paradoxal. Le décryptage de notre journaliste.

Les déchets et nous : un rapport paradoxal

Nous entretenons avec nos déchets plus que troublant : d’un côté, nous n’en avons jamais autant produit – ce qui est normal : nous n’avons jamais autant consommé, il faut bien que cela laisse des traces – mais d’un autre côté, par lien de cause à effet, nous n’avons jamais été autant soucieux de recycler, de moins jeter, etc. Ce qui paradoxal : la logique voudrait que, pour satisfaire cette volonté de produire moins de déchets, on consomme moins, tout simplement !

Ce paradoxe est assez symptomatique de notre époque, marquée à la fois par un individualisme triomphant : d’abord je pense à moi, à mon plaisir. Mais aussi, marquée par un souci, une conscience du monde, de l’écologie au sens le plus large. Au risque de passer du plaisir (de la consommation), à la culpabilité (de trop produire de déchets).
Des déchets « sales »

Reste qu’aujourd’hui, si l’on n’aime pas produire trop de déchets, c’est à cause de notre conscience écologique, mais c’est aussi parce que, de manière plus prosaïque, nous n’aimons pas les déchets !

Ce rapport paradoxal aux déchets est loin d’être nouveau. Il est même très primaire : pour le comprendre, il faut revenir au premier déchet avec lequel on est en contact. C’est quoi ? C’est le déchet organique, ce déchet qui vient de nous, que le bébé produit d’abord sans le vouloir. Et il est très heureux et fier de ce déchet. Quand, plus tard, sa mère le met sur le pot et qu’il lui fait l’honneur de répondre à sa demande, c’est un cadeau qu’il lui fait. Sauf que l’éducation intervient et ce déchet devient, lui dit-on, sale : on ne joue pas avec, on ne le montre pas. Il devient, d’une certaine façon, entaché de honte. A l’excès, parfois !

Pour la psychanalyse, nos tendances obsessionnelles à l’ordre, au rangement… les manies hygiénistes de certains qui peuvent tourner aux troubles obsessionnels compulsifs, les TOC, s’enracinent dans cette phase dite « anale » du développement de l’enfant.

Anne-laure Gannac