Un rapport accablant a été publié jeudi sur l’état de la prison des Baumettes à Marseille. Insalubrité, rats, cafards, surpopulation, les conditions de détention y sont effroyables. « C’est vraiment immonde », raconte une surveillante de la prison.

L’insalubrité de la prison de Marseille épinglée.

Le rapport sur l’état de la prison des Baumettes à Marseille est accablant. Bâtiments vétustes et mal conçus, surpopulation, violences carcérales et rats… voilà le tableau dressé par Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport publié jeudi. La prison a été visitée en octobre dernier et ce contrôle a « fait apparaître, sans aucun doute, une violation grave des droits fondamentaux, notamment au regard de l’obligation incombant aux autorités publiques (…) de préserver les personnes détenues de tout traitement inhumain et dégradant » dit son rapport.
« Digne des prisons du 19e siècle »

Une situation dénoncée depuis plusieurs années par Lionel Febbraro, avocat et correspondant l’Observatoire international des prisons (OIP) : « La situation continue d’être révoltante aux Baumettes, c’est-à-dire le nettoyage notamment de la nourriture jetée par les fenêtres parce que, paraît-il, elle n’est pas mangeable, donc attire les rats avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer sur le plan sanitaire, décrit-il. S’ajoute à cela, depuis des années, une surpopulation permanente. Certains dorment par terre, l’accès aux soins est ralenti, l’accès au parloir est ralenti. Il y a des suicides de manière assez régulière. C’est à la fois dans la 2e ville de France, un des plus grands établissements pénitentiaires français qui est digne des prisons du 19e siècle ».

L’état des prisons françaises vous choque-t-il ? le débat:

« C’est vraiment immonde »

Sur place, Cathy Forni, surveillante et déléguée FO pénitentiaire aux Baumettes confirme : « C’est vraiment très vieux, très très sale, il y a énormément de rats, de cafards. Les murs tombent en lambeaux, les canalisations explosent, c’est vraiment immonde, raconte-t-elle. Il y a des rats qui courent sur les coursives, ils n’ont plus peur des humains, ils sont là constamment. La nuit les surveillants ne peuvent plus faire leurs rondes parce qu’ils ne peuvent même plus passer tellement il y en a. Ils montent par toutes les canalisations, donc bien sûr, il y a des produits pour les tuer, mais ils sont tellement habitués, tellement bien nourris par tout ce que les détenus jettent par les fenêtres qu’ils ne mangent même pas le poison. Ils les attaquent carrément, ce sont des bêtes assez énormes ».
« Les gens pètent les plombs »

Pour les détenus et leurs familles, la situation est difficile à vivre. Mounir vient de passer plusieurs mois dans une cellule des Baumettes : « A l’intérieur c’est trop sale, il y a des cafards un peu partout. Il y a des poubelles partout, la promenade est très sale, ça sent la pisse. Les gens dedans pètent les plombs, ils veulent se tuer entre eux ». Nathalie, la mère d’un homme de 29 ans actuellement en détention provisoire, raconte que son fils est au bord du suicide : « Les draps sont lavés tous les deux mois alors qu’ils doivent être lavés tous les 15 jours. Il y a des rats dans certaines cellules, certains ont eu des puces. (…) Mon fils m’a dit plusieurs fois « Je vais me pendre » ».
Taubira met en cause « l’héritage » de la droite

La ministre de la Justice, Christiane Taubira met en cause « l’héritage » de la droite pour expliquer l’Etat d’insalubrité de certaines prisons en France. « Nous avons hérité d’une façon générale d’un parc pénitentiaire en mauvais état, qui n’a pas été ni correctement renouvelé, ni suffisamment entretenue, affirme-t-elle. Pour les Baumettes, il y a déjà un projet de restructuration. Des travaux de sécurisation sont mis en place. Il faut une politique pénale qui tranche avec les politiques pénales désordonnées de ces dernières années qui ont conduit à une suroccupation carcérale ».

C’est certainement la pire prison de France. Surveillants, avocats et anciens détenus décrivent le centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille comme « un dépotoir » , d’une « pourriture crasse » où « tout s’écroule ». Ils évoquent des « conditions dignes du Moyen-Age ». Hébergement « très dégradé », activités réduites au minimum, violence: le contrôleur des prisons a d’ailleurs lancé, à travers un rapport publié jeudi 6 décembre, un cri d’alarme exceptionnel sur les conditions de détention « inhumaines » aux Baumettes, prison datant de 1936.

Il s’agit d’une « violation grave des droits fondamentaux » des détenus et des personnes qui travaillent dans cet établissement, écrit le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue. Les photos que nous publions sont une illustration à ces propos.

Des cellules exiguës et crasseuses

Si leur taille, 9 m2, est règlementaire, les cellules n’en sont pas moins dans un état déplorable. Envahies par les cafards, sans eau chaude pour une large majorité, les cellules sont également en surpopulation permanente. Avec 1 769 détenus pour 1 190 places au 1er octobre, le taux de surpopulation est de 145,80%.


Un rat gît au milieu de détritus sur le chemin de la promenade
Outre les cafards qui envahissent les cellules et les locaux, les rats pullulent. « Un surveillant attaqué par un rat a développe une phobie, il ne peut plus venir travailler », rapportent les contrôleurs des prisons qui ont visité en octobre les Baumettes. Pour faire fuir les rats, les surveillants font leurs rondes « en tapant des pieds ».

La pluie rend les conditions encore plus difficiles

Par fortes pluies, cinq centimètres d’eau s’accumulent à la sortie de la cour de promenades, remplie de détritus. Il faut traverser cette espèce de décharge à ciel ouvert pour sortir de la cour.


Des toilettes de la prison

Certains cabinets sont condamnés, d’autres n’ont pas de portes. « Certains en font des occlusions intestinales tellement ils se retiennent d’aller aux toilettes pendant des jours », raconte un ancien détenu.

Lionel Dian