Avec l’annonce faite par le président de la République lors de la deuxième conférence environnementale concernant la fin progressive des tarifs d’achat bonifiés de l’électricité, l’industrie photovoltaïque est en ébullition et est à la recherche de nouveaux modèles économiques et énergétiques.

De nombreuses consultations ont été lancées, et l’autoconsommation photovoltaïque est souvent au cœur des projets, car elle promet d’être rentable à l’avenir. Nous en parlons d’ailleurs souvent sur Monecoprojet. Cependant, de nombreux points restent à éclaircir, notamment le modèle économique.

La problématique de l’autoconsommation photovoltaïque

Selon une étude allemande de l’Institut de recherche en économie écologique de Berlin (IÖW), datant de 2011, les ménages de deux à quatre personnes équipés d’installations produisant de 800 à 1000 kWh/an et ne possédant pas de système de stockage atteignent une consommation de 20 % de l’énergie produite.

Certaines optimisations (pilotage de la consommation) permettent d’atteindre 40 % de l’énergie produite sans système de stockage, en utilisant des minuteurs afin de faire coïncider la mise en fonction de différents appareils et installations (eau chaude sanitaire, lavage, froid…) avec les pics journaliers de production photovoltaïque.

La concordance entre la production et la consommation :

Un autre défi pour l’autoconsommation photovoltaïque concerne la recherche de la concordance optimale entre la production photovoltaïque diurne et la consommation. Ainsi dans le secteur tertiaire et les commerces, la coïncidence des horaires d’activité avec les horaires de production a permis de développer ou de lancer des projets de grandes surfaces utilisant l’autoconsommation.

Chez nos voisins italiens, Elexia a porté un projet de développement dans cinq grandes surfaces, qui ont atteint un taux d’autoconsommation très élevé. En France, un projet identique porté par des entreprises régionales a été lancé du côté de Perpignan et est en cours de développement. En outre avec la suppression à la fin 2015 des tarifs jaunes, le mouvement vers l’autoconsommation devrait s’amplifier et devenir plus naturel dans le secteur tertiaire.

Le problème du secteur résidentiel :

Dans le secteur résidentiel, l’amortissement de l’investissement est difficile, car le taux d’autoconsommation est faible.

En effet dans les résidences, la plus grande partie de la consommation se produit hors période de production solaire. Des solutions existent ou sont à l’étude, avec notamment de nombreux projets mettant l’accent sur le pilotage de la consommation. Des solutions de stockage de l’électricité sont également envisagées, mais à l’heure actuelle, elles sont encore trop onéreuses.

Bien qu’aujourd’hui en France, l’autoconsommation ne soit pas encore performante économiquement, Enerplan (syndicat des professionnels de l’énergie solaire) annonce que le secteur est tout de même prêt à relever les défis de l’autoconsommation, même avec l’arrêt annoncé du système subventionné.

La fin annoncée des achats bonifiés pour l’énergie solaire :

Quelques mois après que la Cour des comptes avait jugé chère et peu efficace la politique de soutien aux énergies renouvelables, le président de la République a annoncé l’arrêt prochain des tarifs d’achat bonifiés. Son annonce a été suivie par celui du gouvernement, qui envisage une concertation concernant les dispositifs publics de soutien aux énergies renouvelables, le but étant de remplacer les « tarifs d’achat », très critiqués, par de nouveaux mécanismes.

En plus de l’arrêt progressif du soutien des tarifs d’achat dans la filière photovoltaïque, la Cour des comptes préconise la remise en compte du soutien au photovoltaïque intégré au bâti et de réorienter les soutiens financiers dans la recherche.

Depuis, les colloques, les conférences et les études se sont multipliés, afin d’approfondir le concept de l’autoconsommation photovoltaïque et de sélectionner les solutions les plus rentables énergiquement et financièrement.

Parallèlement, Enerplan (syndicat des professionnels de l’énergie solaire) pose des conditions destinées à faciliter et améliorer la transition vers un système plus compétitif. Afin d’amorcer la transition dans les meilleures conditions, Enerplan demande :

* qu’un cadre réglementaire, destiné à favoriser l’autoconsommation et à valoriser les surplus de production, soit établi dès 2014,

* que l’ancien système soit accompagné vers le nouveau par un amendement de l’arrêté tarifaire, qui permettra de figer les tarifs d’achat sans les suspendre immédiatement,

* que soit mis en place un système cohérent d’incitation fiscale, incluant un maintien en 2014 du crédit pour le développement durable prévu pour les installations destinées à l’autoconsommation.

Les modèles économiques envisagés pour l’avenir

L’idée d’une prime à l’autoconsommation fait son chemin, mais certains intervenants sont rétifs et voudraient éviter les effets pervers d’une prime à l’autoconsommation. Les réflexions sont nombreuses, et de nombreuses expérimentations vont être entreprises sur la base d’une autoconsommation sans stockage, puisque c’est le modèle qui engendre le moins de surcoûts. Outre la prime à l’autoconsommation, le modèle de « net metering » des Pays-Bas et du Danemark est également envisagé.

Bien que de nombreux acteurs restent frileux en raison des incertitudes, certains, comme la région Aquitaine, franchissent le pas. Ainsi dans le cadre de son plan climat, la région a lancé un appel à projets photovoltaïques en autoconsommation électrique, pour des installations solaires installées sur des bâtiments neufs ou existants, privés ou publics.

La puissance installée devra être comprise dans une fourchette de 10 à 250 kWc. L’électricité produite par ces installations ne devra pas être revendue, et 2/3 de l’électricité produite durant l’année devront être consommés.

Les dossiers éligibles reçoivent une aide de la région qui est calculée en fonction du niveau d’autoconsommation, de la puissance installée et du niveau de qualité économique et technique du projet. La région a décidé de soutenir les projets qui auront été sélectionnés jusqu’à ce qu’ils atteignent la parité réseau. Le projet expérimental de la région Aquitaine est un véritable succès, et de nombreux acteurs du secteur l’ont jugé brillant.

Cependant, de nombreuses pistes restent à explorer, et de nombreuses questions restent sans réponses. Par exemple, on ne sait toujours pas :

* comment l’énergie excédentaire sera valorisée,

* quels seront les statuts fiscal et juridique les mieux adaptés pour l’autoconsommateur,

* comment l’autoconsommation sera rémunérée,

* sur quels critères seront choisies les technologies,

* quels sont les limites et les risques liés aux installations d’autoconsommation.

L’autoconsommation promet d’être porteuse pour le secteur du photovoltaïque. Cependant, de nombreux acteurs attendent que toutes les incertitudes soient levées, et que le statut et la place de l’autoconsommation soient clarifiés.

Lucilem