Coupat : Interview

Le Monde a pu interviewer le jeune homme, toujours en détention suite à l'affaire Tarnac. Dans un texte empreint de situationnisme, il s'en prend à l'antiterrorisme, « méthode par quoi l'on produit, positivement, l'ennemi politique en tant que terroriste ».

Julien Coupat s'exprime. Le Monde a pu poser par écrit des questions au jeune homme, en détention depuis six mois malgré quatre demandes de remise en liberté rejetées, pour l'affaire des sabotages de lignes TGV.

Très construites, très argumentées, les réponses de Julien Coupat, ancien de l'Essec (École supérieure des sciences économiques et commerciales), sont clairement empreintes du situationnisme, courant de pensé issu notamment des travaux de Guy Debord, qui fustige la « Société du Spectacle ».

Lorsqu'il raconte son arrestation, fin novembre 2008, quelques jours après le sabotage de lignes SNCF à l'aide de fers tordus posés sur les caténaires dans l'Oise, l'Yonne et la Seine-et-Marne. Coupat s'amuse ainsi à dénoncer une « bande de jeunes cagoulés et armés jusqu'aux dents » qui « s'est introduite chez nous par effraction ». Et ajoute : « A ce jour, mes ravisseurs courent toujours. Certains faits divers récents attesteraient même qu'ils continuent de sévir en toute impunité. ».

- Sur les soupçons qui pèsent sur lui : Concernant les sabotages de lignes TGV dont il est accusé, Julien Coupat explique qu'au moment de son arrestation, « la police française est déjà en possession du communiqué qui revendique, outre les sabotages qu'elle voudrait nous attribuer, d'autres attaques survenues simultanément en Allemagne ».

Le blocage de trains à l'aide de métal est en effet une méthode utilisée par les écologistes allemands, notamment pour bloquer les transports de combustible nucléaire par train. Un groupe allemand avait revendiqué le sabotage pour lequel Julien Coupat et 9 autres personnes ont été arrêtés.

Selon lui, la version officielle a un défaut : elle « ne cadre pas avec la fable médiatique sur notre compte, celle du petit noyau de fanatiques portant l'attaque au cœur de l'Etat en accrochant trois bouts de fer sur des caténaires. On aura, dès lors, bien soin de ne pas trop mentionner ce communiqué, ni dans la procédure, ni dans le mensonge public. ».

Julien Coupat raconte d'ailleurs que lors de son arrestation, le policier «qui semblait être le cerveau de l'opération s'excusait vaguement de tout ce cirque expliquant que c'était de la faute des ‘ services ' là-haut, où s'agitaient toutes sortes de gens qui nous en voulaient beaucoup».

Interrogé sur le fait que la police le présente comme « le chef d'un groupe sur le point de basculer dans le terrorisme », Coupat répond simplement : « Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d'un régime sur le point de basculer dans le néant. ».

- Sur la « mouvance anarcho-autonome » : Le jeune homme s'en prend également aux qualificatifs utilisés par l'Intérieur à son encontre et à celle de son entourage, qualifié de « mouvance anarcho-autonome » et d' « ultragauche ». Selon lui, « la clique sarkozyste » renoue « avec les classiques de la réaction pure sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale ».

Contre cette « réaction », assure Coupat, la « seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c'est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires ». D'où, toujours selon Coupat, l'invention du « terrible péril que feraient peser sur toute vie sociale les « anarcho-autonomes » », une « fable ». Coupat continue en dénonçant les « cases » mentales créées dans l'esprit des Français par le pouvoir et les médias, dont celle de « de casseur, où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets ».

Dès lors, « il importe peu, finalement, qu'il ne se trouve personne en France pour se reconnaître «anarcho-autonome» ni que l'ultra-gauche soit un courant politique qui eut son heure de gloire dans les années 1920 et qui n'a, par la suite, jamais produit autre chose que d'inoffensifs volumes de marxologie ».

- Sur le terrorisme : Coupat fait un long détour historique, d'Israël à l'Algérie des années 1995, pour conclure : « L'antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n'est pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c'est la méthode par quoi l'on produit, positivement, l'ennemi politique en tant que terroriste. ». Selon lui, « Le procédé élémentaire, ici, est invariable : individuer l'ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l'exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l'humilier publiquement, inciter les plus vils à l'accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. »

Une stratégie qui, selon lui, n'a pas fonctionné en France. « Une fois n'est pas coutume, dans notre cas, l'antiterrorisme a fait un four. On n'est pas prêt, en France, à se laisser terroriser par nous. La prolongation de ma détention pour une durée «raisonnable» est une petite vengeance bien compréhensible au vu des moyens mobilisés, et de la profondeur de l'échec; comme est compréhensible l'acharnement un peu mesquin des «services».

- Sur le livre « L'insurrection qui vient » : Quant au livre « L'insurrection qui vient », dont la police le soupçonne d'être l'auteur, Coupat explique : « De mémoire française, il ne s'était pas vu depuis bien longtemps que le pouvoir prenne peur à cause d'un livre. On avait plutôt coutume de considérer que, tant que les gauchistes étaient occupés à écrire, au moins ils ne faisaient pas la révolution. Les temps changent, assurément. Le sérieux historique revient. » Avant d'expliquer, une nouvelle fois : « je ne suis pas l'auteur de L'insurrection qui vient ».

Dans la fin de l'interview, Coupat se fait plus militant. Il explique ainsi qu'il « n'y a pas d'affaire de Tarnac » pas plus que d'« affaire Coupat », ou d'« affaire Hazan » [éditeur de L'insurrection qui vient]. Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent réellement menacé. Le Prince n'a plus d'autre soutien que la peur qu'il inspire quand sa vue n'excite plus dans le peuple que la haine et le mépris. »

Et Julien Coupat de conclure : « Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu'une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de « jeunes », comme tant de « bandes », de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. »

Auteur

  • Samuel Laurent

Source

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