L’esprit d’audace et de démesure

On pourrait dire que l’humour, comme l’amour — comme la conscience, comme l’être, comme la haute sensibilité ou poésie vécue, comme tout ce qui justifie de l’épithète divin —, ça ne s’analyse pas, ça se pratique.
 
Et qu’il n’est de pratique saine, loyale que dans une transe d’amusement : j’ai nommé la passion et son feu, l’esprit d’audace et de démesure. 

Sus à l’idée toute faite ! Sus au sentiment appris ! 
Au feu, tous ces beaux atours que notre être intime chérit tant ! 
En matière d’intériorité, il n’est de vérité que dans la nudité. Comment mettre à nu ce qui, au sortir de l’enfance, s’entête tant à se vêtir, à rouiller, à s’oxyder ? 

Eh bien, il faut se trouver un décapant. Pas besoin de chercher très loin ! Le décapant est en nous, sous une double forme : conscience et… humour. 

Accomplir un acte de conscience est très, très difficile. Se moquer de soi est aisé.

Je ne connais guère que des chercheurs spirituels malchanceux. 
Il est vrai qu’ils avancent vers l’ultime prise de conscience du pas consciencieux et laborieux de nos laboureurs d’autrefois… 

Je leur fais cette suggestion : qu’ils renoncent à cette pesante allu­re, s’accordent une pause dans la lente ascension de leur calvaire, et se mettent à sautiller comme des enfants, EN RIANT D’EUX MÊMES. 

Oh, ça ne marchera pas à tous les coups, mais au moins ils connaîtront une minute, une heure peut-être, de vie vivante, d’ingénui­té — et sait-on jamais, cela pourrait titiller les Dieux… 

Les Dieux aiment à rire, et comme chacun le sait ou devrait le savoir, ce sont eux les passeurs d’âmes, les faiseurs d’éveil, et jamais, au grand jamais, cet ado­rable petit trou du cul d’enfant divin qu’en français, jadis, on nommait Ma Pomme.

Stephen Jourdan