Par Swami Sai Shivananda, Ph.D.
Président de la Fédération Francophone de Yoga Sankara
Membre du World Council of Yoga

Savoir Intellectuel ou Connaissance de l’ Ultime ‘ Jnana ‘ signifie sagesse, discernement ou Connaissance. Termes en soi
différents qui désignent en fait un cheminement afin d’appréhender la Réalité. Les Upanishads nous disent ‘ Connaître Brahman, c’ est être Brahman. ‘’

Shri Swami Sivananda disait du Jnana yoga : « Le Jnana Yoga n’est pas que connaissance intellectuelle. Ce n’est ni entendre, ni reconnaître. Ce n’est pas seulement un consentement intellectuel. C’est la réalisation directe de son unicité en Unité avec l’Être Suprême. C’est Paravidya (la Sagesse Suprême). La conviction intellectuelle ne conduira pas à Brahma-Jnâna. » Le terme Connaissance demande des explications. Il est d’ abord nécessaire de le distinguer du savoir, de la réflexion intellectuelle, le mot par lui-même nous dit :’ Co-naître ‘ donc naître avec soi, naître à soi-même. Nous voyons donc que nous retrouvons le sens de toute démarche spirituelle: la ré-unification de soi qui nous amènera à l’ Unité .
Les écritures en relation avec le Jnana – Yoga sont essentiellement : le Yoga Vasistha ( 9 iéme siècle ) – les Upanishad ( 770 a.v.JC ) et les Védas ( mot sanscrit qui se traduit souvent aussi par connaissance – 1800 a.v. JC ).

Le Jnanin veut connaître Brahman : l’ esprit universel et l’ Atman: l’ âme individuelle et réaliser leur lien. Ainsi que les Upnasishad le lui indiquent : ‘ Tat twam asi ‘ : ‘ tu es Cela ‘. Le Jnani veut ainsi mettre fin à l’ ignorance qui lui empêche de comprendre la nature non-dualiste de l’ univers. Bien sur nous pourrions considérer cette nature double matière – esprit comme le monisme prôné par Hegel et Berkeley. Mais le Jnani ne pense pas atteindre l’ éveil spirituel seulement en étudiant les textes anciens, il s’ étudie lui-même. Nous pourrions dire que la connaissance des aspects de la nature humaine relève de la psychologie ou de la psychanalyse, d’ une certaine façon, mais le but en est totalement différent, il n’ est pas thérapeutique. Nous pourrions parler de connaissance transcendante ou même d’ une philosophie trans-personnelle. Mais cela ne serait pas suffisant le Jnani veut vivre en Dieu et pas seulement étudier Dieu, il n’ est pas un métaphysicien.
Le Yoga Vasistha et le Brahma Sutra dans les Upanishad sont essentiellement consacrés à définir la réalité de la Conscience mais les textes sont très mystiques et souvent hermétiques, ce qui nécessite les commentaires et explications d’ un guide expérimenté. Le Jnana Yoga se retrouve aussi dans l’ advaita Yoga ou Yoga non dualiste , dans le Mahayana et le Zen ou prajna ( la sagesse ) remplace jnana.

Le Jnana-Yoguin , de même que le bouddhiste, pensent que la cause de nos douleurs réside dans l’ ignorance. Ignorance de ce qu’ il est réellement : un être de nature divine. Cette ignorance le fait vivre dans l’ illusion ( Maya ), car identifié à son corps, ses émotions, ses pensées. Le jnani cherche donc des moyens de découvrir sa nature totale sans s’ identifier à une partie de lui-même seulement. L’ état de Jnanin est en fait un état de conscience éveillée ( de Bodhicitta ) , de perception et de compréhension globale . Pour cela il développe le discernement ( viveka ) . Ce discernement ne peut cependant pas être présent sans développer la vigilance. Seul la conscience témoin peut nous permettre de ne pas nous identifier sans cesse aux pensées, aux émotions, aux situations de vie, aux souffrances même pour se prouver à soi-même son existence. Paradoxe puisque nos identifications inconscientes et constantes essaient de nous démontrer que nous existons bien alors que ces mêmes identifications sont illusion de notre nature véritable. Bien évidemment le Jnani ne portera aucun jugement sur ses propres identifications.
Le développement de notre attention vigilante et de notre conscience témoin nécessite des moyens, des outils que le jnani découvre dans sa pratique de méditation.
Le Jnani anhile donc la distinction entre le sujet et l’ objet, il devient unifié avec chaque aspect de la vie. Mais qui prendra conscience du témoin lui-même ? Personne. Le Yogi comprendra alors que l’ ego n’ existe pas par lui-même, que l’ ego n’ est qu’ une manifestation de Brahman et que tout est Brahman sans séparation. En fait c’ est seulement cette notion de séparation qui aura disparue. Cette séparativité qui nous isole des autres, de nous et de la Réalité nous l’ avons créée pour nous protéger au départ, nous devons ensuite apprendre à nous en défaire.

Le But du Jnana – Yoga est d’ être Réel

Dans la tradition, le Jnana Yoga utilise quatre moyens de salut ( enseignés notamment par Sankarâchârya ) :
· Viveka : la discrimination,
· Vairagya : le non-attachement , être libre de ce qui n’ est pas lui-même,
· Shad-sampat : les vertus de : tranquillité / de maîtrise du mental / de simplicité / de patience / de foi / de concentration,
· Mumukshutva : aspiration à la libération.
Pour échapper à l’ illusion du monde et devenir ce que l’on est deux voies classiques sont présentent :

· la Voie de la négation : le fameux:’ Neti, Neti,…’ : Je ne suis pas ce corps…Je ne suis pas les émotions, je ne suis pas la pensée,…mais plus que cela et tout cela . Cette voie mal comprise peut engendrer un rejet de la personnalité. Ce qui ramènerait le jnani a un monde de lutte entre la matière et l’ esprit, un monde dualiste. Le mot ‘ Nirvana ‘ signifie ‘ extinction ‘ , mais instinction de quoi ? De l’ illusion, c’ est à dire la fin non du monde de la matière, mais de la séparation entre la matière et l’ esprit : la non séparativité.

· La voie de L’ ‘affirmation : Le Jnani affirme que ‘ Tout est Brahman ‘ . Le Jnana-Yoga nous explique comment l’ Atman est au-delà de ce qui caractérise la multiplicité. Le temps, l’espace, les causes sont créations mentales, donc irréelles, illusoires. Dès lors, il nous appartient de contempler l’immortel Atman.
La réflexion et la discrimination font intervenir la logique et la raison, mais cette dimension intellectuelle ne suffit pas pour réaliser l’ Atman et Brahman. La méditation, la perception directe et intérieure, le discernement font eux partie de notre cerveau de droit, notre cerveau créatif. Nous pourrions même dire que notre cerveau logique ( celui de gauche ) est celui qui s’ identifie par insécurité, tandis que notre cerveau de droite lui nous permet de vivre notre vastitude , notre infinité.

La question essentielle du Jnani est toujours : ‘ Qui suis-je ? ‘, Question comme un koan Zen qui me permet d’ approfondir à chaque instant ma qualité de présence et d’ intelligence. Car être intelligent est le but du Jnana Yoga: Intelligent signifiant : ‘ inte – lligere ‘ : ‘ faire des liens ‘ .

Nisargadatta , dont l’ ouvrage essentiel est ‘ Je Suis ‘ a réalisé ce cheminement et il écrit :  » Qui peut être conscient d’être conscient si ce n’est la conscience elle-même ? Existe-t-il une autre entité ? La conscience est là, elle est toujours consciente d’elle-même, le seul ennui est que cette conscience se soit identifiée au corps! « 

Ramana


Ramana Maha rishi considéré comme un des plus grand
Jnani enseigne une pratique de conscience incluant
respiration et attention, intégrant les voies de négation
et d’ affirmation : Ko Ham – Qui suis je ? – En Inspirant So Ham – Je suis Cela – Rétention Na Aham : Je ne suis pas cela – En expirant

Prajanapad

Swami Prajnanpad pose la question : Quelle est la vraie racine de l’ illusion ? et il répond : Le désir.

Le non désir ne devant cependant pas être vécu comme une anhilation de soi, mais comme un état sans demande , c’est à dire la liberté. Un état sans demande, c’ est un état guidé par le Soi au lieu d’ être guidé par la seule personnalité. Ce que l’ on appelle le ‘ non-agissant ‘.

Socrate

Socrate qui pratiquait la maïeutique et amene ces élèves à
se poser des questions et à trouver la réponse par eux même pratiquait une forme de Jnana – Yoga.

Le but ultime du Jnani est de vivre le Samadhi, d’ être unifié au Tout , d’ être guidé par l’ Esprit tout en étant dans le monde. Le Yoga de la Connaissance nous mène à la libération parce que l’ on devient libre de ce que l’ on connaît. C’ est toujours l’ inconnu qui nous limite, nous apeure et nous insécurise. En étudiant et en intégrant l’ Atman et le Brahman, mon âme retrouve ses liens universelles : Tat Twam Asi.

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Swami Sai Shivananda, Ph.d.