21/03/2011 | Chris Salzberg
traduit par Claire Ulrich and Global Voices Online.

Une semaine après le séisme et le tsunami d’une ampleur jamais vue dans l’histoire de ce pays qui ont dévasté le Japon, une nouvelle menace, fabriquée par l’homme, vole l’attention à la catastrophe naturelle et a provoqué des vagues de panique partout autour du monde.

Dans la centrale de Fukushima Daiichi, dans la préfecture de Fukushima, un groupe d’hommes héroïques, surnommés les Fukushima 50 (les 50 de Fukushima) sont seuls pour contenir une crise nucléaire gravissime.


Des soldats japonais, comme l’est @kir_imperial, arrivent sur les lieux du tsunami au Japon
cosmobot

Un soldat des Ground Self-Defence Force (SDF) (Ndt: l’armée japonaise), utilisateur de Twitter sous le pseudonyme @kir_imperial, est l’une des personnes sur zone à Fukushima et tweete depuis la centrale nucléaire. Les tweets de @kir_imperial ont été rassemblés sur un fil unique par inumash sur le site d’agrégation d’informations Togetter.

Le fil Twitter, intitulé “Tweets d’un officier engagé dans les opérations de secours sur le lieu de la catastrophe”, commence par cette présentation :

« Ceci est une sélection de tweets envoyés par @kir_imperial, qui est entré sur la zone le jour après la catastrophe, en tant qu’officiel des forces terrestres et qui participe aux opérations de secours. Les tweets ont été envoyés quand il se déplaçait d’un lieu à l’autre, durant les pauses, ou pendant l’évacuation.

Je transmets l’expression de ma plus profonde admiration aux membres des forces japonaises de défense, aux policiers, aux pompiers, aux équipes étrangères d’aide, aux fonctionnaires et aux volontaires qui travaillent au milieu de répliques incessantes pour sauver et aider les victimes de la catastrophe.

Les deux premiers tweets de @kir_imperial repris par ce fil ont tous deux été publiés le 11 mars 2011 :

« Mobilisation d’urgence »

« Prêt à partir. Ordre de marche, c’est quand tu veux. »

Le jour suivant, @kir_imperial était déjà à Fukushima :

« A Fukushima. Ne sais pas si nos opérations de secours seront basées ici ou si nous serons déployés ailleurs, mais j’ai hâte de recevoir les ordres. »

Plus tard le même jour, @kir_imperial ajoute :

« Le camion à eau d’un autre régiment a apparemment été vidé de son eau durant la nuit. Je comprends votre situation, mais arrêtez. Nous sommes déjà à court de bras et épuisés. N’alourdissez pas notre travail …! »

Puis :

« Suis de garde de nuit. Qui aurait cru que je serai envoyé en mission obligatoire au Japon pour surveiller l’eau et l’empêcher d’être volée… »

Les tweets du jour suivant, le 13 mars, commencent avec une description des ravages causés par le tsunami :

« Aujourd’hui, pour la première fois, je suis allé dans les zones ravagées par le tsunami. C’était incroyable. Tout a été balayé et a été détruit, il ne reste plus trace de la ville qu’il y avait. »

« Même dans les pires cas, les dégâts à l’intérieur des terres ne dépassent pas des murs effondrés ou des toits en tuiles emportés. Cela a confirmé une fois de plus à quel point les constructions japonaises sont résistantes aux séismes — mais même ces constructions japonaises, cependant, n’ont pas résisté au tsunami. »

« Une construction en bois a été emportée sur plusieurs dizaines de mètres, tout ce qui en restait étaient les fondations, une ombre de ce qu’elle fut. D’une construction en béton armé, il ne restait que les structures du premier étage, le second étage était percé par des voitures et des arbres emportées par les eaux. »

@kir_imperial a ensuite participé aux opérations de recherche de la zone :

« Avec des incendies qui couvaient toujours et de la fumée dans l’air, j’ai commencé à chercher les disparus avec les pompiers. »

« Moins d’une heure après le début des recherches, une personne est retrouvée, décédée. Beaucoup d’autres ont suivi. Alors qu’on travaillaient, une alerte au séisme est arrivée par téléphone mobile, suivie d’une alerte au tsunami à la radio. Nous arrêtons tous notre travail et évacuons les lieux pour nous réfugier devant un mausolée, sur une colline. »

« Les recherches reprennent après le signal de la fin d’alerte. Nous avons continué jusqu’au coucher du soleil puis nous sommes revenus à notre camp. Le trajet s’est déroulé en silence. Nous étions tous assommés par l’épuisement et par les destructions, qui dépassaient de beaucoup ce que nous avions imaginé. »

Avant de fermer son mobile pour la nuit, @kir_imperial a écrit :

« Demain, la recherche des disparus continue au même endroit. Beaucoup n’ont pas été retrouvés, mais nous les trouverons ! »

Il ajoute :

« J’ai fait les recherches avec les sapeur-pompiers, et wahou, c’est quelque chose ! Ils sont habitués aux catastrophes, dans le bon sens. Ils ont certainement du très bon équipement, ils retrouvent une personne après l’autre. Impressionnant. »

@taba_jp a répondu à ce dernier tweet :

« Pour le dire autrement, ils sont entrainés uniquement à cela. Les équipes de secours sont utiles sur une zone limitée. Mais pour des opérations nécessitant de la main d’œuvre et des gros équipements, c’est le job des SDF [Forces d’auto-défense]. C’est vrai pour la distribution de vivres, pour les sanitaires, et pour la sécurité. »

Le jour suivant, le 14 mars, les tweets continuent, décrivant les opérations près de la centrale de Fukushima Daiichi :

« Ouaip, l’équipe près de la centrale est maintenant totalement munie de combinaisons de protection et de masques à gaz. Pour ce qui est de la distance, on est toujours ok. »

Plus tard le même jour, @kir_imperial répond à un conseil reçu via Twitter…

@kir_imperial:
« Les gens nous disent de nous réfugier à l’intérieur. Mais où ? Il n’y a plus de bâtiments où se cacher. »

… puis il se demande :

@kir_imperial:
« Est-ce que l’assurance couvre l’exposition aux radiations ? Hmm… »

Puis, il se rend face au destin :

@kir_imperial:
« Eh bien, nous n’avons pas d’équipements, et les constructions sont endommagées par le tsunami, on ne peut pas se mettre à couvert. Je suppose que ce qui doit arriver arrivera. »

@kir_imperial:
« Mais pour ce qui est de la distance, je ne pense pas que le danger soit si élevé. »

Plus tard dans la journée, un bâtiment de repli a été trouvé :

@kir_imperial:
« On a fini par s’abriter dans une école primaire. On attend les ordres. »

Un repas leur est servi, comme on peut le voir sur cette photo :

Le diner sophistiqué d’aujourd’hui : du riz avec du shiitake, des légumes marinés, et un hamburger épicé. Rien ne manque, pour une fois.


Photo of @kir_imperial’s dinner
Kir Imperial

@kir_imperial signale à un moment donné :

@kir_imperial:
« Whoa… notre équipe a fini par recevoir des combinaisons de protection contre les produits chimiques…Bon. »

Il explique ensuite que les produits chimiques ne sont pas le plus grand danger :

« En ce moment, la plus grande menace pour notre équipe est probablement le rhume des foins. C’est peut-être parce que la saison du rhume des foins n’avait pas atteint son pic sur la côte Ouest du Japon, mais depuis qu’on est ici [cote nord-est] tout le monde a le nez qui coule et éternue. »

« Les soldats attirent beaucoup l’attention durant les grandes catastrophes comme celle-ci, mais les pompiers et les policiers travaillent eux aussi très dur ! L’équipe de recherches, particulièrement, est beaucoup plus compétente en recherches et sauvetages. Et les chiens sauveteurs sont adorables ! »

@kir_imperial avertit aussi les volontaires qui souhaitent venir aider (voir ce billet antérieur sur Global Voices):

« Ceux qui souhaitent venir pour aider devraient attendre un petit peu. Les autoroutes et les routes sont bloquées à de nombreux endroits, ils doivent être très attentifs chaque jour aux risques de tsunami et aux répliques, et beaucoup de zones n’ont toujours pas de gaz, d’eau, d’électricité. Après ça, s’ils veulent toujours venir, il vaut mieux qu’ils aient de quoi survivre par leurs propres moyens pendant au moins une semaine, sinon, ils vont avoir de sérieux problèmes. »

Et enfin :

« La photo d’un chien sur Twitter me rappelle quelque chose : aujourd’hui, je travaillais pour récupérer un corps dans une maison écrasée par le tsunami. Pendant tout ce temps-là, un chien, qui était sans doute le chien de cette famille, m’a suivi, et il a léché le visage de la personne décédée, et il la tirait par la manche. J’ai du quitter le lieu pour faire autre chose, mais je me demande ce qui est arrivé à ce chien. »

@kir_imperial continue a tweeter (en japonais), vous pouvez suivre ses tweets ici.

Chris Salzberg