Une petite pensée pour les femmes de Brazzaville, pour toutes les mères du Congo, à nouveau endeuillées par ce qu’il faut bien appeler une lourde faute politique. Une pensée, aussi, pour ces milliers d’enfants, qui vont devoir grandir sans leurs parents, dans un environnement national dur où, pour prendre part au banquet de la colossale manne pétrolière, il faut, au moins, graviter dans la périphérie immédiate de la galaxie du pouvoir.

Un habitué des champs de guerre, venu en renfort médical, assimile le spectacle qu’il a vu aux dégâts d’un terrible bombardement. Une semaine après, des centaines de blessés n’ont toujours pas reçu les soins appropriés, tant est grand le dénuement des hôpitaux brazzavillois.

Et voilà le peuple congolais une fois encore piégé par ses propres dirigeants. Une poudrière en plein milieu des habitations des populations civiles ! Ne nous parlez pas d’accident, non ! Si ce n’est pas délibéré, alors, c’est de l’inconscience, et c’est encore pire ! Ailleurs, le chef d’état-major de cette armée-là aurait déjà été limogé. Le ministre de la Défense aurait donné sa démission, et tous ses supérieurs seraient à genoux, en train d’implorer le pardon de la nation.

Le général Denis Sassou Nguesso est chef de l’Etat congolais depuis 1979 (tente-trois ans !). Congédié par les urnes en 1992, il a repris le pouvoir par les armes, en 1997. Quinze ans plus tard, il a encore manifestement toujours besoin d’un arsenal conséquent au cœur de la capitale, pour protéger son pouvoir.

Le scandale, ici, ne réside pas uniquement dans le fait que l’on investisse des centaines de milliards dans l’armement, dans un pays qui n’a jamais été en guerre avec personne. Le scandale, c’est qu’un Etat pétrolier de ce rang, peuplé d’à peine 4 millions d’habitants, ne puisse pas investir quelques dizaines de millions dans les pansements, compresses et autre Bétadine dont ont cruellement besoin les hôpitaux du Congo.

« Le sous-équipement des hôpitaux de Brazzaville est tel que, en quelques heures, ils étaient dépassés », dit le célèbre chirurgien français Alain Delloche, bouleversé par l’ampleur de la catastrophe.

Et voilà le général Sassou Nguesso, si sourcilleux sur tout ce qui touche à son image, trahi par sa propre poudrière. La colère, contenue, des Congolais, peut se résumer à ce cri du cœur d’une femme – d’une mère –, qui a hurlé, dans le micro de RFI, que le régime en place dans son pays est un régime militaire.

Elle aurait tout aussi bien pu dire, en écho au cri de ralliement de la jeunesse du Sénégal : « Y en a marre ! Vraiment, vraiment marre ! ».

Jean Baptiste Placca

Auteur: Jean Baptiste Placca – Rfi