« De fait, un vase ne se dit jamais « je suis né ».
En revanche, celui qui voit
Ce (vase se dit qu’il a été produit).
Dès lors, ce discours (sur la production des choses) est faux.
Même les êtres conscients
Ne savent pas qu’ils naissent
Au moment même où ils naissent
Et du simple fait qu’ils sont nés !
Par conséquent, l’idée d’une distinction
Entre ce qui est conscient et ce qui ne l’est pas
Est fausse. »

Chroniques du Soi (Âtma-purâna) de Shankarânanda (c. XIIIe siècle ?)

Ce qui veut dire : les choses et les êtres ne naissent pas vraiment. Ce sont les êtres doués de conscience imaginante (comme vous et moi) qui se forgent les notions de naissance et de mort. Comme dira un jour Ramana, ce ne sont pas les choses qui viennent nous dire qu’elles existent ! C’est nous, et nous seulement. C’est nous qui attribuons la production et la destruction aux choses qui, en elles-mêmes, ne naissent ni ne périssent. Et si l’on pousse ce raisonnement à son terme, l’idée même d’une naissance de la conscience est absurde, car c’est encore un jugement a posteriori. Par exemple, lorsque je me dis « je suis né à telle date », j’attribue une production à un objet (moi objectivé sous telle apparence), ce qui prête le flanc à la même objection que pour la jarre. Donc, à cet égard, il n’y a aucune distinction réelle ni bonne à faire entre ce qui est conscient et ce qui ne l’est pas : dans les deux cas, il n’y a ni production, ni destruction.
Il n’y a que des apparences de naissance et de cessation, c’est-à-dire des faux-semblants nés de mouvements imaginaires, eux-mêmes engendrés par d’autres mouvements, sans commencement autre qu’imaginaire (d’où l’ironie du titre Les Chroniques du Soi !).

Naissance (de vous, moi, n’importe quoi, srishti) = vision (imaginaire, drishti) = acte (mental, vritti)

Donc il n’y a que des pensées.
Qu’en pensez-vous ?

David Dubois