Le piège sémantique

Il y a peu, une lectrice de l’Aude attirait mon attention sur les contrôles systématiques dont font l’objet les titulaires du RSA de son département et l’attitude irrespectueuse des autorités à leur égard. Et de conclure par un magistral : « Ha ! Si seulement la désobéissance civile était vraiment rentrée dans les mœurs ! »

Et oui, si seulement.

Si seulement la vraie désobéissance civile était entrée dans les mœurs. Non pas cette réaction, souvent violente, qui pousse certains à la révolte quand leurs intérêts égoïstes sont contrariés par une règle
nouvelle – l’actualité en donne de nombreuses illustrations – . Mais plutôt, et c’est bien de celle-là dont parlait cette lectrice, celle qui nécessite une prise de conscience de l’injustice d’une situation et surtout, des sources et des conséquences de cette injustice.

Le mécanisme est toujours le même : invariablement l’injustice prend sa source dans le manque de respect de l’autre, puis engendre une situation de violence qui provoque une réaction de soumission, de
fuite ou de refus qui, à son tour, provoque des expressions violentes.

La prise de conscience de ce mécanisme nécessite un raisonnement intellectuel qui constitue une étape nécessaire mais encore insuffisante. Pour ne pas rester au niveau de l’écume des choses, pour ne pas se perdre dans une simple posture, il faut encore une vraie qualité de cœur. Alors seulement, il est possible de recourir à la désobéissance civile et, plus largement, aux outils de la non-violence pour faire changer les choses.

La non-violence, voilà la clef qui ouvre cette lourde porte si bien gardée par tous ceux qui n’ont aucun intérêt à ce que nous franchissions le seuil de leur prison pour découvrir le monde meilleur qui s’épanouit derrière.

J’entends déjà les habituelles critiques de tous ceux qui ne voient l’évolution de l’humanité que par une suite de guerres et de massacres, de répressions féroces et de révolutions sanglantes (mais comment leur
en vouloir, nos livres d’histoire sont bâtis sur ce modèle). Je les entends répéter, dociles, que le pacifisme bêlant n’a jamais fait une grande nation, que le refus de prendre les armes ne fait que le jeu du plus fort, que la lâcheté ne peut être érigée en qualité, que, que, que … baste !

A l’opposé de la lâcheté, la non-violence exige une évidente force de caractère pour mettre en œuvre une méthode d’action politique et sociale respectueuse de l’adversaire et dénuée de colère face à la brutalité de celui à qui l’on s’oppose. Est-ce lâcheté que de rester assis dans la rue et n’offrir aucune résistance physique autre que l’inertie, face à des pelotons de gendarmes en tenue de maintien de l’ordre (sic) déversant coups de matraques et gaz lacrymogènes ? Est-ce lâcheté que d’accepter la prison pour avoir, sans haine ni violence, bravé une loi inique ?

Il faut au contraire une conviction en acier trempé et très certainement une certaine spiritualité, pour supporter la violence de l’autre aux seules fins de démontrer à l’opinion publique et à cet autre toute la
lâcheté qu’il a à agir ainsi.

Le violent, par nature allais-je dire, ne supporte pas la lâcheté et l’action non-violente lui montrera la disproportion de son action et donc, justement, sa propre lâcheté. Ce qu’il ne supportera pas longtemps.

Au-delà de ce type d’actions voyantes, il est aussi une violence quotidienne qu’il nous faut désarmer. Elle est insidieuse, on ne la voit plus et on la fait sienne si l’on n’y prend garde.

Bien souvent, à côté du manque de respect et du besoin non satisfait, elle nait d’une dysharmonie entre l’être et le paraître. Ainsi ce professeur de philosophie qui vantera tel sage et humiliera publiquement
l’élève qui n’en connaissait pas le nom, ainsi encore cet ami qui rendra si spontanément un petit service et, culpabilisant son bénéficiaire, extorquera un vrai sacrifice en retour.

Depuis la seconde moitié du vingtième siècle, au-delà des penseurs, des chercheurs se sont penchés sur cette question et en ont décortiqué les rouages. Des auteurs tels C. Rogers et M. Rosenberg, par exemple, ont élaboré des techniques efficaces d’écoute empathique et de communication non-violente (1) qui progressivement sont enseignées dans toutes les couches de la société, à commencer par l’Education Nationale et aussi chez les professionnels de santé, du droit, et d’autres encore.

Poussant plus loin l’étude des comportements humains, des chercheurs ont mis à jour certains des mécanismes subtils du subconscient. Le plus connu du grand public, et le plus ancien, est sans doute ce brave Emile Couè dont la méthode éponyme a été tant moquée… et pourtant.

Et pourtant, aujourd’hui grâce à de nombreux travaux dont notamment ceux de R. Bandler & J. Grinder ou encore de M. Erikson, on sait, aussi surprenant que cela puisse paraître car totalement contrintuitif,
que le subconscient ne parle qu’au présent et n’entend pas la forme négative.

Ainsi, pour reprendre un exemple célèbre, si l’on vous dit : « Pendant dix secondes, ne pensez pas à un éléphant rose » … inévitablement, vous pensez à un éléphant rose car votre subconscient entend :
« Pendant dix secondes, // pensez // à un éléphant rose », mécanisme bien connu des manipulateurs de toutes sortes.

Les manipulateurs ont de tous temps tiré les ficelles pour satisfaire leur ego, leur besoin de pouvoir et d’argent, pour utiliser les autres à leur seul profit. Publicitaires et politiques se sont fait une spécialité de la manipulation des cerveaux et les outils que les chercheurs ont mis à leur disposition les rendent terriblement plus performants encore.

Tous les jours, à travers les médias, nous pouvons constater comment la peur paralysante a été instillée par ceux qui vivent de ce système injuste et qui ne veulent pas que cela change.

Si l’on se veut artisan d’un autre monde, avant même d’utiliser les outils que la non-violence nous offre, il est un préalable indispensable : comprendre et dévoiler les manipulations dont nous sommes les objets
afin que, selon la stratégie de Dracula, une fois exposées à la lumière, elles disparaissent.

Sans doute avez-vous déjà compris où je veux en venir et quelle est l’ultime manipulation qu’il nous faut absolument dévoiler et neutraliser pour que la non-violence soit la solution.

Pensez à l’éléphant rose et vous réaliserez que, contrairement à votre intellect, votre subconscient n’a retenu de la fin de la phrase précédente que : « pour que la /// violence soit la solution. »

Comment voulez-vous que l’on éradique la violence de nos schémas de pensée et de nos comportements si, même les plus sincères d’entre les hommes continuent de donner à notre subconscient des injonctions aussi contradictoires ? Comment agir en non-violence et poser pour principe la non-collaboration avec l’oppresseur, lorsque notre subconscient entend « agir en violence et poser pour principe la collaboration avec l’oppresseur » ?

Voici la nasse dans laquelle l’évolution vers un monde meilleur est aujourd’hui enfermée, le piège sémantique ultime posé par de subtils manipulateurs qui ont su transformer les candidats libérateurs
eux-mêmes en vigilants gardiens de prison.

Alors mes amis, au risque de passer pour totalement fou, je vais vous proposer, tous ensemble, grâce à notre intelligence collective, de réussir ce que les plus grands n’ont pas fait : faire sauter un des plus
solides verrous qui tient fermé l’accès au monde de demain.

Tous ensemble, trouvons un ou des mot(s) positif(s) pour qualifier la non-violence (*).

Relayez ceci sur les réseaux sociaux, auprès de vos connaissances, partout autour de vous. Diffusez cet appel, collectez les réponses et faites à nouveau circuler les résultats.

Quand le mouvement aura commencé à prendre de l’importance, nous le ferons monter au niveau international.

Oubliez donc Gaston qui trouve que je suis fêlé de penser ainsi et souvenez-vous plutôt que le mur de Berlin a commencé à se fendiller dès 1982 à Leipzig, quand un tout petit groupe de personnes décida
de se réunir tous les lundi autour de son pasteur afin de prier pour la paix. Sept ans plus tard, ils étaient des millions et le régime s’effondrait (2).

Des experts et autres gens savants vous diront que le contexte s’y prêtait, que les temps du changement étaient venus, que le système en place était à bout de souffle. C’est vrai.

Ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui le contexte s’y prête, que les temps du changement sont venus, que le système en place est à bout de souffle ?

Alors, n’hésitez pas, soyez tout aussi fêlés que moi et dans la joie, faisons nôtres les paroles ( prophétiques ! ) de Michel Audiard : « Heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière ».

Maître Simon
avec le collectif « 9… »

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La chronique de Maître Simon

Mai 2014

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(1) – On ne refera décidément pas les USA, en effet l’expression « Non Violent Communication » est une marque déposée … ce qui, à mes yeux, est la manifestation d’une cynique violence !

(2) – « La stasi avait tout prévu, sauf les bougies et les prières » dira plus tard le pasteur de Leipzig.

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(*) Apportez votre contribution à l’éclosion d’un nouveau nom positif en répondant au très court questionnaire suivant : questionnaire

Maître Simon