Volià un de mes derniers texte, que je vous livre. J’espère qu’il n’est pas trop long, c’est une courte analyse du livre de Jonas le prophète.

Jonas, ou la malédiction de l’âme
(les trois anathèmes)

Préambule

Pour avoir commenté les évangiles canoniques, ce passage du livre du prophète Jonas m’interpella: Le prophète est alors en bateau pour Tarsis, dont nous examinerons la signification symbolique plus loin, et tel est ce qui se produit: « le Seigneur lança un grand vent sur la mer, et il s’éleva sur la mer une grande tempête. Le bateau menaçait de se briser. Les marins eurent peur; chacun d’eux cria vers son dieu, et ils lancèrent à la mer le chargement du bateau, pour l’alléger. Jonas descendit au fond du navire, se coucha et s’endormit profondément. Le chef d’équipage s’approcha de lui et lui dit : Qu’as-tu donc à dormir ? Lève-toi, invoque ton dieu ! Peut-être ce dieu pensera-t-il à nous, pour que nous ne disparaissions pas. » Or Jonas se lève, et va se révéler être la cause du malheur de ces marins, qui finiront par le jeter à la mer pour apaiser le courroux des éléments. Aussi tôt, les flots se calment à nouveau. Il était donc, tel que le décrit ce passage du texte, la cause du malheur de son embarcation.
Cette expérience est l’inverse exact de ce qui se produit avec Jesus et ses apôtres dans la mer de Galilée: une tempête survient, et Jésus est lui aussi en train de dormir et la tempête fait rage, mais la leçon est tout autre: à peine réveillé, il rabroue la tempête avec autorité, qui fuit devant lui, ce qui ne manque pas d’ impressionner tout l’équipage:  » Un de ces jours-là, il monta dans un bateau avec ses disciples. Il leur dit : Passons sur l’autre rive du lac. Et ils partirent. Pendant qu’ils naviguaient, il s’endormit. Une bourrasque fondit sur le lac : le bateau se remplissait, ils étaient en danger. Ils vinrent le réveiller, en disant : Maître, maître, nous sommes perdus ! Réveillé, il rabroua le vent et les flots, qui s’apaisèrent; le calme se fit. Puis il leur dit : Où est votre foi ? Saisis de crainte et d’étonnement, ils se disaient les uns aux autres : Qui est-il donc, celui-ci ? Il commande même aux vents et à l’eau, et ceux-ci lui obéissent. » (Selon Luc 8:22-25 NBS)
Or ce n’était pas la première fois dans la bible ou l’on voyait un personnage parler aux éléments ou s’opposer au mauvais vent. J’en déduis donc que cette histoire (l’histoire du prophète Jonas) ne s’adressait pas au lecteur sous le même signe que celui du nouveau testament (mettant à l’honneur le pouvoir du croyant). Le livre de Jonas approche le lecteur sur un autre mode, parfaitement allégorique, traitant du rapport intime entre le croyant et Dieu, dans ses ambiguïtés, et non dans des faits à la gloire du prophète…
En effet, ce très court livre est un véritable désaveu d’un personnage une fois dans le livre des Rois pour avoir vécu il y a près de huit siècles avant Jesus, en Israël. Son histoire se passe essentiellement en trois phases. Une quatrième aurait été rajoutée à posteriori selon certains commentateurs. Cette quatrième partie (la prière de Jonas) est pourtant éclairante sur la teneur véritable du récit, et grâce à elle et à l’analyse qu’en fait le Christ, nous allons proposer une interprétation allégorique qui est je pense la pointe exacte de ce livre, dans l’idée de ceux qui ont cru bon de l’inclure dans le cheptel biblique…

1) Introduction (le Christ et Jonas)

Il est en effet question dans les évangiles du « signe de Jonas ». Les interprétations divergent à ce propos, et je vais en tenter une, ce qui m’amènera à l’essentiel de mon propos dans ce court point sur ce livre: « Car, de même que Jonas fut un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l’homme en sera un pour cette génération. » (Luc 11.30.)
Quel était ce signe? Où le livre de ce prophète vient-il épauler la juste compréhension du message du Christ? C’est en fait le cœur de toute la trame de la vie du Christ qui apparaît là, le cœur de sa mission et l’idée de son apostolat toute entier, qui est cachée derrière… Voyons ce que nous en dit St Matthieu: « Alors quelques–uns des scribes et des pharisiens lui répondirent, disant, Maître, nous désirons voir un signe de ta part. Mais lui, répondant, leur dit, Une génération méchante et adultère recherche un signe ; et il ne lui sera pas donné de signe, si ce n’est le signe de Jonas le prophète. Car, comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Des hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération et la condamneront, car ils se sont repentis à la prédication de Jonas, et voici, il y a ici plus que Jonas. Une reine du midi se lèvera au jugement avec cette génération et la condamnera, car elle vint des bouts de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et voici, il y a ici plus que Salomon. » (Matthieu 12.38-42)
On disait du messie d’Israël qui était attendu qu’il serait le fils de David. Or David fut certainement un des rois qui a le plus contribué à l’expansion d’Israel. C’était un roi guerrier dont l’histoire est parsemée de victoires. Le peuple d’Israël à cette époque, (il y a un peu plus de deux mille ans) était transpercé par l’attente messianique, les prophètes annonçaient sa venue comme imminente, et la vie était presque en suspend dans ses regards vers le ciel…
Or l’histoire de Jésus allait être une rupture telle par rapport aux attentes du peuple à son sujet, qu’il allait créer le schisme que l’on connais aujourd’hui au sein de la société Israélienne d’alors, avec cette dichotomie « Chrétiens » et « Juifs » qui n’était pas sensée se produire. Ils ne se sont toujours pas réconciliés depuis.
Christ annonçait pourtant du temps de son vivant qu’il était venu pour rassembler les brebis éparpillées d’Israël, mais son message universel et son témoignage ont abouti à séparer la vie du peuple élu en au moins deux castes: ceux qui l’ont suivi, et ont créé le mouvement religieux qui est devenu le Christianisme, et la réclusion de ceux qui ne l’ont pas reconnu, et reste aujourd’hui maintenus, à un certain niveau, dans le passé depuis lors.
Certains voient le motif principal qui a conduit Judas à trahir le Christ dans ce défaut qu’il allait maintenir à ne pas prendre les armes, conquérir le monde qui l’entoure au nom du Dieu d’Israël, et apporter une gloire insigne au peuple par la force.
On dit qu’en fait Jésus réunissait deux images annoncées prophétiquement pour décrire sa venue: celle du « juste souffrant » et celle du personnage central autour duquel se portait l’attente du peuple, le béni d’Israël d’Isaïe. Voyant que Jésus renoncerait finalement à incarner ces espoirs de conquêtes, Judas lui aurait tourné le dos, comme il aurait accepté de le suivre au début, convaincu qu’il pouvait être ce Christ guerrier et conquérant qui était annoncé.
Il ne fut rien de tel. Il renonça à la violence quitte à perdre la vie et se laisser emmener par les troupes du Caïphe, et enterrera avec lui les espoirs d’expansion d’Israël. Soixante dix ans après sa mort, Israël explosait, et ne se reformera comme nous le savons qu’après cette grande malédiction qui fut la leur durant la seconde guerre mondiale.
Le « signe » de Jonas fut celui-ci: au lieu de témoigner de la grandeur de Dieu par la domination sur le reste du monde, il fonda son message sur le repentir et la soumission à des fautes qu’il n’avait pas lui-même commises. Au lieu de s’élancer dans le ciel du pouvoir et d’en rétribuer les foules de son peuple par des honneurs et des avoirs, il précipita son égo si bàs dans le repentir qu’ils allaient le refuser! Au lieu de permettre une gloire ostentatoire au peuple du vrai Dieu, il allait lui laisser le souvenir d’une compassion sans limite, et d’un refus définitif de la violence. D’une alliance nouvelle, enfin, avec tous les hommes, sans discrimination, basée sur le respect et non pas le triomphe de sa tribu.
Jonas fut déçu par sa propre prédication. Les Israélites seront dessus par leur roi. Ils attendaient la gloire, ils ne trouvèrent que de la compassion. Le signe vivant que fut le Christ Jésus pour le peuple d’Israël fut une passade vers le malheur pour ceux qui refusèrent son message. Pour Jonas, sa propre prédication fut vécue comme un échec. Pourtant l’un comme l’autre ont finalement tout prouvé à celui qui les commandait, et le cœur des hommes finit toujours par reconnaître ceux qui lui sont fidèles.
Jésus a été le témoin du père face aux hommes. Jonas a sauvé Ninive. Ils auront tous les deux été des hommes qui vivaient pour la réalisation du plan divin, outre pour leur propre bienséance sur terre. Et c’est cette histoire que nous conte le livre de Jonas, tel que nous allons le voir.
Nous examineront donc à travers le livre de Jonas quels sont les trois péchés, les trois anathèmes de l’âme et pourquoi on ne peut tricher avec soi-même. L’histoire de Jonas est l’histoire de notre rapport intime avec le ciel.
Il se déroule en trois parties, comme trois étapes irréductibles pour le croyant d’éprouver la vie afin de réaliser son programme terrestre, notre accomplissement. Mais passons tout de suite à cette première phase, avec le début du récit.

1) La malédiction du Fils, la fuite devant soi-même

1.1) Le récit commence ainsi: « La parole du Seigneur parvint à Jonas, fils d’Amittaï : Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et fais une proclamation contre elle, car le mal qu’elle a fait est monté jusqu’à moi. Alors Jonas voulut s’enfuir à Tarsis pour échapper au Seigneur. Il descendit à Jaffa et trouva un bateau qui allait à Tarsis; il paya le prix du transport et embarqua avec l’équipage pour aller à Tarsis et échapper ainsi au Seigneur. »
Jonas en hébreu viens de « Yona », la colombe. Or la colombe est l’oiseau de Noé, c’est aussi l’oiseau qui symbolise la loyauté d’Israël vis à vis de son Dieu, de même qu’elle est le symbole de la paix pour les Chrétiens. La colombe est le symbole de l’âme, la partie féminine de tout homme, et c’est cette histoire, notre histoire commune que vient illustrer le livre de Jonas. Plus particulièrement dans son rapport à Dieu, dans les différentes phases et étapes de sa mission et de son engagement sur terre à s’acquitter de sa tâche et à vivre les différentes expériences qui ont motivé son incarnation.
L’enfance est un paradis, de même qu’une vie sans conscience de la transcendance. Nous vivons alors pour nos goûts, notre amusement, selon nos choix et dans le but d’en retirer un avantage. Cependant l’histoire ici décrite est celle d’un Israélite, qui a grandi dans la foi en une puissance supérieure qui conditionne l’existence. Un jour, un appel se fait entendre. Une voie, une mission pour sa vie lui étreint le cœur et « Dieu » invite Jonas à aller prophétiser en son nom. Cette mission peut être rapportée à un grand engagement (comme un engagement militaire, ou humanitaire) qui fait sortir la conscience du sujet (ici le prophète) hors de la simple sphère de son goût à la vie.
Cet engagement, cet appel, tant d’entre nous en ont rêvé! Pourtant pour Jonas ce n’est pas un rêve, mais bien une réalité, de la même manière qu’un engagement militaire imposé par un conflit ne laisserait pas, en soi, d’alternatives à celui à qui il est adressé. L’Esprit (Dieu) demande à Jonas d’aller prophétiser à Ninive en son nom. Le grand messianisme de ce livre vient de son plan uniquement symbolique, ou presque… Il est très court, ne s’attache qu’à l’essentiel. Ninive est décrite comme « la grande ville », ville de païen plus en est. Elle n’a donc rien d’acquis à la fois d’Israel, et rappelle la grande Babylone, du croyant: le lieu de perdition par excellence, ou l’on oublie son cœur, et où les gens sont endurcis et incrédules, en soi. De même que dans notre situation de guerre hypothétique, Jonas a de grandes chances de craindre pour lui-même si il s’exécute, et dans son mouvement de panique, cède à sa peur et prend la fuite… On ne peut malheureusement pas échapper au Seigneur!
Ninive était à l’Est, et Jonas s’enfuie à l’Ouest (à Tarsis, probablement situé en Espagne à l’époque): il prend donc le contrecoup de cet engagement en le niant et s’enfonçant dans sa propre inertie: il craint pour sa vie, et va donc accroître sa lâcheté pour mieux encore profiter de lui-même. Au moment où un événement traumatisant va lui rappeler qu’il est préférable de mourir pour une juste cause que de vivre dans une seule égoïste poursuite.

1.2) En effet dans ce cas là nous mettons en danger tout notre entourage, et ceux qui nous aiment le plus, nos parents, nos frères et sœurs, nos amis, commencent à prendre sur eux cet excès de cupidité qui commence à entamer leur estime à notre égard. C’est la première mort, ou le premier anathème, nous apprenons que la vie elle-même, notre vie, ne nous appartient pas, et que les langes protecteurs de la mère doivent être quittés un jour pour la grande confrontation de nos valeurs avec le monde. « Mais le Seigneur lança un grand vent sur la mer, et il s’éleva sur la mer une grande tempête. Le bateau menaçait de se briser. Les marins eurent peur; chacun d’eux cria vers son dieu, et ils lancèrent à la mer le chargement du bateau, pour l’alléger. Jonas descendit au fond du navire, se coucha et s’endormit profondément. Le chef d’équipage s’approcha de lui et lui dit : Qu’as-tu donc à dormir ? Lève-toi, invoque ton dieu ! Peut-être ce dieu pensera-t-il à nous, pour que nous ne disparaissions pas. » La catastrophe est là, et nous savons que d’une manière ou d’une autre, il faudra sauter.
« Ils se dirent l’un à l’autre : Venez, tirons au sort, pour savoir qui nous attire ce malheur. Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas. Alors ils lui dirent : Explique-nous, s’il te plaît, qui nous attire ce malheur. Quelle est ton activité, et d’où viens-tu ? Quel est ton pays, et de quel peuple es-tu ? Il leur répondit : Je suis hébreu et je crains le Seigneur, le Dieu du ciel, qui a fait la mer et la terre ferme. Les hommes eurent très peur; ils lui dirent : Qu’as-tu fait là ! Ils savaient, en effet, qu’il fuyait pour échapper au Seigneur, parce qu’il le leur avait expliqué »
Certains s’étonnent de la grande piété de tous les païens dans ce livre Hébraïque, la cause en est que nous naissons vierges à l’Esprit, et que chaque vertu qu’une âme aura cultivé dans son cœur sera une bénédiction pour lui un jour. Elle ne sont pas gratuites. Ici le vrai païen est Jonas, le héros de cette histoire, car ce livre nous compte les difficultés impératives à dépasser pour un croyant sur terre dans son rapport au ciel. Personne ne nait avec la foi. La foi est notre rapport au tout. Or le ciel peut se montrer coriace dans nos rapports avec lui le long d’une vie, et c’est ce que nous allons voir ici dans ce commentaire.
Ce qui va sauver Jonas tout au long de cette histoire est son innocence et sa foi. Il ne mentira jamais, et se repentira, mais à défaut d’être courageux dans ce début de récit, dès le début, il avoue sa faute à des gens qu’il ne connait même pas, et reconnaît l’éternel comme son maître.
C’est ce qui va le sauver tout au long de son parcours, et c’est là la vraie et unique leçon de ce livre: ne mentez jamais à vos cœur, car l’intelligence du ciel a certainement lieu de vous comprendre là ou vous-même vous échouez à savoir où vous en êtes!
Notre rapport au tout, que nous construisons toute notre vie durant, est le garant de notre futur, et tant qu’il ne sera pas remis en cause, nous n’auront pas à craindre les malheurs du ciel en courroux contre nos agissements.

1.3) « Ils lui dirent : Que devons-nous faire de toi, pour que la mer se calme envers nous ? – Car la mer se déchaînait de plus en plus. Il leur répondit : Prenez-moi, lancez-moi à la mer et la mer se calmera envers vous : je sais que c’est moi qui attire sur vous cette grande tempête. Les hommes ramaient pour gagner la terre ferme, mais ils n’y parvenaient pas, parce que la mer se déchaînait toujours plus contre eux. Alors ils invoquèrent le Seigneur; ils dirent : Seigneur, s’il te plaît, fait en sorte que nous ne disparaissions pas à cause de la vie de cet homme, et ne nous charge pas d’un sang innocent ! Car c’est toi, Seigneur, qui as agi comme tu l’as voulu. Puis ils prirent Jonas et le lancèrent à la mer, et la fureur de la mer s’arrêta. Les hommes eurent peur, ils furent saisis d’une grande crainte du Seigneur. Ils offrirent un sacrifice au Seigneur et firent des vœux. » « Prenez-moi, lancez moi à la mer » s’écrit Jonas. Le point de vue allégorique ne doit pas être perdu de vu. Il fait ici son repentir, et c’est cet aveux, cet engagement qu’il n’avait pas réussi à produire lors du premier appel. Plutôt que de perdre des innocents, il s’arqueboute, car on ne fait jamais le bien que pour les autres, tant il est parfois coûteux. C’est donc pour les autres que nous devons nous résoudre à être forts, quitte à braver la mort, car telle est la première porte qui garde le ciel: dépasser la crainte de la vie en dépassant la crainte de la mort si c’est pour les autres. Tel est l’essentiel du message du Christ, et la première porte des anges.
C’est aussi pourquoi notre sensibilité est une des premières de nos qualités, la qualité d’une âme… Personne n’est fort que pour les autres, mais un grand cœur peut tout vaincre si il tire ses forces de ce qui le touche au plus profond de lui-même. Jonas reconnaît que la tempête est venue le chercher, et contrairement au Christ, il ne saurait la rabrouer. Il doit donc maintenant peser en son cœur le poids de la déception qu’il a suscité en fuyant, auprès de son propre honneur, et auprès des siens. Tel est son épisode infernal tel qu’il est décrit dans les lignes suivantes: « Le Seigneur fit intervenir un grand poisson qui engloutit Jonas, et Jonas resta dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits. Jonas, dans le ventre du poisson, pria le Seigneur, son Dieu. Il dit : De ma détresse, j’ai invoqué le Seigneur, et il m’a répondu; du sein du séjour des morts j’ai appelé au secours, et tu m’as entendu. Tu m’as jeté dans les profondeurs, au cœur des mers, les courants m’entourent; tous tes flots, toutes tes vagues ont passé sur moi. Et moi, je disais : Je suis chassé loin de tes yeux ! Mais je verrai encore ton temple sacré. Les eaux m’ont enserré jusqu’à la gorge, l’abîme m’entoure, des joncs se sont noués autour de ma tête. Je suis descendu jusqu’aux ancrages des montagnes, les verrous de la terre m’enfermaient pour toujours; mais tu m’as fait remonter vivant de la fosse, Seigneur, mon Dieu ! Alors que je défaillais, je me suis souvenu du Seigneur. Ma prière est parvenue jusqu’à toi, jusqu’à ton temple sacré. Ceux qui s’attachent à des futilités illusoires éloignent d’eux la fidélité. Quant à moi, je t’offrirai des sacrifices en déclarant ma reconnaissance, je m’acquitterai des vœux que j’ai faits. C’est au Seigneur qu’appartient le salut ! Le Seigneur parla au poisson, qui vomit Jonas sur la terre ferme. »
Cette prière prend son appuie du fond des enfers. Comment imaginer dans le récit qu’il n’ait pas périt? « tous tes flots, toutes tes vagues ont passé sur moi » dit-il, et si le récit est allégorique, c’est bien à priori dans la mort qu’il retrouve la foi « Et moi, je disais : Je suis chassé loin de tes yeux ! Mais je verrai encore ton temple sacré. » « Alors que je défaillais, je me suis souvenu du Seigneur. Ma prière est parvenue jusqu’à toi, jusqu’à ton temple sacré. » Car Jonas n’a jamais évincé sa propre responsabilité dans la tempête. En temps et en heure, Dieu se souviendra de lui et lui donnera une deuxième chance.
C’est ce que nous allons voir dans la deuxième partie, qui est dans la mémoire collective toute aussi importante que celle que nous venons d’analyser. Quand au grand poisson, que certain appellent baleine, il fallait bien sur reconnaître Leviathan, qui est le nom du démon qui l’a conduit au plus profond des maux de l’âme, mais qui a finit par le laisser s’échapper à cause de son souvenir du temple de Dieu. Le temple de Dieu est ici le souvenir d’une vie heureuse où il n’avait déçu personne. Et sa lâcheté à été finalement pardonnée car il a admis que cela n’était pas là dans la fuite, que son cœur résidait, mais au devant des événements.

2) la malédiction du père, l’ego du bien

2.1) « La parole du Seigneur parvint à Jonas une deuxième fois : Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et fais-y la proclamation que je te dis ! Alors Jonas se leva et alla à Ninive, selon la parole du Seigneur » Voilà la deuxième chance que Jonas attendait, et cette fois-ci, il se présente! Ce qui nous est présenté ici fait partie de la vie de tout homme, et chacun saura se reconnaître… Ce texte est là pour approcher les meilleures manières de vivre les épreuves qui nous attendent, tous, le long de nos parcours. Nous avons tous étés lâches au moins une fois, et nous nous sommes tous maudis pour tant.
Le récit continue: « Or Ninive était une grande ville devant Dieu; il fallait trois jours de marche pour en faire le tour. Jonas commença par faire dans la ville une journée de marche. Il proclamait : Encore quarante jours, et Ninive est détruite ! Les gens de Ninive mirent leur foi en Dieu; ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent d’un sac, depuis le plus grand jusqu’au plus petit d’entre eux. » Si Ninive était une grande ville en Dieu, il s’agit là de la mission de vie de Jonas. Le ciel compte sur nous, et le grand plan cosmique passe par chacun de nous.

2.2) « La nouvelle parvint au roi de Ninive; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre. Il fit crier dans Ninive : Par décision du roi et de ses grands, que les humains et les bêtes, le gros bétail et le petit bétail, ne goûtent de rien, ne paissent pas et ne boivent pas d’eau ! Que les humains et les bêtes soient couverts d’un sac, qu’ils invoquent Dieu avec force, et que chacun revienne de sa voie mauvaise et de la violence de ses mains ! Qui sait si Dieu ne reviendra pas, s’il ne renoncera pas, s’il ne reviendra pas de sa colère ardente, pour que nous ne disparaissions pas ? Dieu vit qu’ils agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur voie mauvaise. Alors Dieu renonça au mal qu’il avait parlé de leur faire; il ne le fit pas. »
Or la réaction des Ninivites est exemplaire, le vœu prophétique de Jonas est donc au comble de sa réussite, et le grand malheur dont il est venu leur prédire l’imminence du fait de leur injustice ne se produit pas, Jonas a sauvé 120 000 personne. La suite du récit nous compte la déception de Jonas, face au manque de perspicacité perçu comme tel par le prophète: « Cela fut très mal pris par Jonas, qui se fâcha. Il pria le Seigneur en disant : S’il te plaît, Seigneur, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? C’est pourquoi j’ai préféré fuir à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu clément et compatissant, patient et grand par la fidélité, qui renonces au mal. Maintenant, Seigneur, prends-moi la vie, je t’en prie, car mieux vaut pour moi mourir que vivre. Le Seigneur répondit : Fais-tu bien de te fâcher ? »
Il ne faut pas oublier que le point de vue subjectif du prophète est aussi important dans ce qui nous est conté ici, que les faits eux-mêmes. De quoi s’agit-il? Face à son défaut premier et à ses hésitation lourdes de conséquences (séjour dans le ventre du monstre), Jonas imagine alors que suivre à la lettre les recommandation précises de son cœur lui épargnerait les méandres houleux qu’il a eut à vivre en refusant de s’y soumettre. Ici la vie nous apprend qu’annoncer la vérité au peuple de Ninive (son renversement prochain) aurait assuré une grande gloire prophétique à Jonas, mais n’aurait pas eu de meilleurs fruits que ce qui c’est réellement produit. Dieu c’est joué de Jonas une seconde fois, mais cette fois-ci, ce n’est plus aux détriments d’un équipage mais au bénéfice d’une nation.
Ainsi servir le Seigneur implique notre fidélité, pas forcément notre récompense, mais c’est toujours à dessein que Dieu nous induit en erreur une fois que nous lui avons remis notre confiance. La bonté de Dieu envers ses enfants est reconnue, mais on dit aussi que ses voies sont impénétrables. Aussi servir le très-haut (être soumis à soi-même) n’est-il pas un gage de faveur vis à vis des événements, mais un gage de progrès, d’évolution, et de compréhension toujours plus grande des mystères de nos vies, de la nature humaine, et du cours des choses. « Maintenant, Seigneur, prends-moi la vie, je t’en prie, car mieux vaut pour moi mourir que vivre »! On reconnaît bien là notre détresse et notre difficulté à assumer les voies du Seigneur, quand elle prennent une tournure difficile pour nous. Moïse s’est repentît de sa mission lui aussi lorsque mener les Israélien lui semblait trop difficile, et il n’est pas le seul prophète dans ce cas. En fait, c’est bien le cas de nous tous, quand la tâche est lourde, mais Jonas continue d’implorer directement Dieu, et son conseil dans ses attitudes, car il ne vit déjà plus pour lui-même.
Le second anathème, ce second sacrifice, nous apprend donc que quand bien même nous ne marcherions que pour plaire à Dieu, rien ne nous sera épargné des épreuves qui peuvent nous faire grandir et évoluer. Dieu est un Dieu de victoire, et ses anges sont des guerriers dont la piété est plus forte et mieux affirmée que celle des gens sans engagement.

3) La malédiction du St. Esprit (ou du grand-père): le repos anticipé

3.1) Ce dernier n’est possible que si nous avons vécu les deux précédents, car dans le cas contraire, il reviendrait à se battre contre sa propre nature dans un mouvement d’une incohérence parfaite. La suite du récit: « Jonas sortit de la ville et s’assit à l’est de la ville. Là il se fit une hutte et s’assit dessous, à l’ombre, afin de voir ce qui arriverait dans la ville. Le Seigneur Dieu fit intervenir un ricin, qui s’éleva au-dessus de Jonas, pour donner de l’ombre sur sa tête et le délivrer de son mal. Jonas éprouva une grande joie à cause de ce ricin. Mais le lendemain, quand parut l’aurore, Dieu fit intervenir un ver qui s’attaqua au ricin, et le ricin se dessécha. Au lever du soleil, Dieu fit intervenir un vent d’est étouffant, et le soleil frappa la tête de Jonas : il tomba en défaillance. Il demanda à mourir, en disant : Mieux vaut pour moi mourir que vivre. Dieu dit à Jonas : Fais-tu bien de te fâcher à cause du ricin ? Il répondit : Je fais bien de me fâcher au point de demander la mort. Le Seigneur dit : Toi, tu as pitié du ricin qui ne t’a coûté aucune peine et que tu n’as pas fait grandir, qui est né en une nuit et qui a disparu en une nuit. Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, où il y a plus de cent vingt mille humains qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des bêtes en grand nombre ! » Et telle est la fin du récit.
Tel que nous l’avons vu précédemment, Jonas a demandé la mort face au désaveux du ciel vis à vis de sa prédiction. Il a maintenant avancé en âge, et se trouve plus proche de la fin de sa vie. Malgré sa déception, il a grandement œuvré pour le pardon des Ninivites. Il s’installe donc à l’Est de la ville pour contempler le futur de ceux pour qui il a fait beaucoup, et pourtant sont la cause de son déshonneur. À l’image d’un retraité n’ayant pas réussit tout ce qu’il voulait dans sa vie, mais a œuvré au moins tout autant que tout autre.

3.2) C’est ici qu’intervient l’histoire du ricin. Quel est-il, ce brin d’herbe qui vient le conforter dans une ombre salvatrice de ce qui lui reste à vivre? Peu importe. Grâce au ricin seul, Jonas loue le Seigneur à nouveau, il le pardonne donc pour la bravoure dont il a dût faire preuve au mépris de sa lâcheté, il le pardonne pour le désaveux du sort quand bien même c’était des mots de Dieu qu’il prophétisait. Ce sûr quoi, le lendemain, un ver viendra couper court à cette récréation. « Dieu dit à Jonas : Fais-tu bien de te fâcher à cause du ricin ? Il répondit : Je fais bien de me fâcher au point de demander la mort. »
C’est ici le troisième anathème. Une circonstance extérieure évitait à Jonas de se confronter à un passé qu’il estime difficile, et ce « petit plus » lui est retiré aussi vite qu’il est venu. Ce qui nous invite à considérer notre condition humaine depuis Adam. La faute qui pèse sur nous est lourde, et il semble apparaître de ce récit que le paradis n’a pas vraiment à être attendu comme un cadeau du ciel ici sur terre. Il nous faut lutter dur pour cela, et quoi qu’il se passe, la terre restera toujours une école de vie. Dans un dernier accès, Dieu se moque presque du prophète, mais il restera dans nos mémoire comme le témoin de nos conditions, jusqu’à aujourd’hui, et l’on apprendra à toujours garder du recul sur ce qui nous arrive grâce à son livre…

Conclusion

Plus que tout, encore, face à toutes les épreuves et toutes les déceptions qui peuvent accompagner la vie d’un homme dans sa quête d’absolu, il nous faudra retenir que la pureté d’un cœur, et la confiance en Dieu sont les deux atouts qui sauront nous protéger du désarroi, et nous accompagner tout au long de nos existences dans cette école, qu’est la vie!

Tim Verhees