Alphonse Souchlaty Poaty, son ancien premier ministre
Propos recueillis par Jean-Paul Tedga

Antoinette et Denis Sassou-Nguesso sont attirés par la sorcellerie, la magie noire. Empoisonneurs hors pairs, ils ont ciblé le Kouilou comme leur terrain de prédilection magique, ce que dénonce Alphonse Souchlaty Poaty, ancien premier ministre du Congo, et natif de la région.

afriqueeducation.com

AFRIQUEDUCATION : Votre dernière interview a fait couler beaucoup d’encre au Congo. Cette fois-ci, vous voulez vous concentrer sur le Kouilou, votre province d’origine. Avez-vous des révélations à faire ?
Alphonse Souchlaty Poaty : Merci Monsieur le journaliste de me donner, une fois de plus, l’occasion de m’exprimer sur votre grand média, pour asséner, encore, des vérités crues à l’encontre de Sassou-Nguesso.
D’autant plus que depuis la publication de mon interview (Afrique Education numéro 411 du 16 au 31 mars 2015), le potentat d’Oyo ne cesse d’envisager des scenarii les plus fous pour m’attendre. Et, chaque jour qui passe, j’apprends de-ci de-là, qu’il a envoyé, vers moi, une pléiade de tueurs pour m’éliminer. Je les vois, d’ailleurs, circuler dans mon quartier nuit et jour. Et, pas plus tard qu’avant-hier (13 avril, ndlr), j’ai intercepté un individu à l’entrée de ma résidence au comportement bizarre, qui a détalé dès que j’ai voulu m’en approcher.
Ma famille, à Brazzaville et à Pointe-Noire, ne cesse de recevoir des menaces de mort, et moi-même, en France, les coups de fil anonymes redoublent d’intensité. Un cousin de Sassou, tueur à gages est, actuellement, à Paris, à la tête d’une équipée venue pour la circonstance. Cet homme, selon mes sources, a même été impliqué dans l’Affaire des enlèvements du Beach et mis dans le sérail des sales besognes.
Les tueurs se servent de fausses identités et ont pris soin de ne pas résider dans leurs demeures habituelles depuis leur arrivée. Certains réseaux sociaux en font écho, d’autres en sont venus jusqu’à laisser un internaute annoncer ma mort, qui serait intervenue le 26 mars 2015, à 22heures. Evidemment, sans aucun fondement parce que vous me voyez bien, Cher Monsieur, devant vous, comme la fois dernière.
Tout en faisant la part de l’intox dans une situation de ce type, expressément, embrouillée, je dois dire que tout laisse corroborer les informations qui me parviennent. C’est, ainsi, que Madame Antoinette Sassou-Nguesso, la première dame, a été dépêchée, à Pointe-Noire, le 25 mars 2015, munie d’une grosse caisse noire d’un milliard de F CFA (1,5 million d’euros), en vue de chloroformer, davantage, la conscience de nos compatriotes du Kouilou pour qu’ils refusent de voir la vérité en face.
En outre, les propagandistes officiels s’en sont donnés à cœur joie, à Pointe-Noire et Brazzaville, dès la sortie de mon interview, exhalant à l’actif du pouvoir, des bilans, pour le moins, filandreux et des perspectives mirobolantes, comme si les populations concernées n’avaient que leurs oreilles pour écouter, sans yeux pour voir, et, sans jugeote pour apprécier, quoique l’ironie se lisait dans les regards perdus. Toujours, la vieille propagande, qui proclame, en bien, ce qui n’en est pas, et, tait ce qui est mauvais.
Pire encore, je viens d’apprendre, successivement, deux décès, celui de Félix Pangou, alias Kadhafi, ancien agent de la sécurité d’Etat, qui fut mon garde de corps et l’auteur direct du premier empoisonnement perpétré contre moi, le 25 novembre 1990, à Paris, alors que j’étais en passe de démissionner du poste de premier ministre, à mon retour, au pays. Il n’y a aucun doute, ce décès brutal et inopiné est le signe caractéristique de l’empoisonneur en chef, qui démarre ou redémarre, là, une série de suppressions de témoins à charge dans les 20 empoisonnements qui m’ont accablé.
Sans y voir de lien direct avec cet empoisonnement, je dois préciser que Kadhafi était devenu le chauffeur, à Pointe-Noire, du ministre des Hydrocarbures, et qu’il a été vu, toute la semaine, jusqu’à la veille de sa mort, au volant de sa voiture. Il a, même, demandé avec son culot habituel, comment je me portais ?
Le second décès vient de frapper Madame Valérie Maganga dite Tropicola, agent de santé, à l’Hôpital militaire de Brazzaville, qui animait avec d’autres femmes, l’Union républicaine des femmes pour le progrès, composante féminine de l’URP, l’ ancien parti politique que j’avais fondé, le 20 décembre 1990. Elle est morte, le 2 avril 2015, dans des circonstances comparables à celles de Pangou, à la différence près que, abordée le 17 mars 1992, à Brazzaville, pour m’empoisonner, elle avait refusé la funeste mission, et était venue se confier à sa victime désignée. Pour Sassou et sa horde d’empoisonneurs, Valérie était un dangereux témoin à charge qu’ils devaient, absolument, supprimer. Je regrette d’autant plus, amèrement, sa mort que cette femme fut une militante politique consciente et de bonne moralité, dont le travail au service des malades était devenu la seule préoccupation.
Félix et Valérie viennent de mourir, après Polycarpe Kouboulou alias Daouda, mon ancien cuisinier qui, faute d’avoir réussi sa macabre mission, fut traqué de janvier 1991 à sa mort. Une histoire qui confine au grand banditisme politique, à se fier aux faits, aussi, burlesques que rocambolesques dont Pierre Oba, aujourd’hui, général et ministre des Mines, a été le principal acteur.
Mon cuisinier avait fini par se confier à moi, ayant échoué, et ne pouvant réussir la sale besogne à lui confiée par l’homme de mains de Sassou-Nguesso dans la foulée de ma démission du poste de premier ministre, le 3 décembre 1990. Par amour du prochain, mettant de côté l’aspect funeste de l’individu, je lui offris une dépendance de ma résidence, en face du palais de Justice, puis, un bout de ma case de Mboukou. Pendant plus de 7 mois jusqu’à ce qu’il se sentît libre de ses mouvements, il était mon protégé, mais, toujours, sous la coupe des tueurs.
Les porteurs du mal, qui répand la terreur, dans le Pays, le délogèrent, le 12 juillet 1991, de Mboukou et, au terme d’une course poursuite éperdue digne d’un western, il monta dans un train en marche à la gare, et rejoignit Brazzaville, pour une semaine, chez moi, avant d’aller se réfugier dans son propre village au Kouilou. Par ironie du sort, il s’agit du village Ndembouanou (collez- moi la paix) où il a été, selon toute vraisemblance, empoisonné, plus tard. Je me trouvais, alors, en Afrique du Sud, quand la triste nouvelle me parvint.
Par ailleurs, un des témoins de la confession de Polycarpe, à ma résidence, le pasteur Fernand Batchi, est mort le 3 mars 2013, ravagé par des maux d’estomac atroces (comme le pauvre Mgr Ernest Kombo). Il me disait avoir été empoisonné par son entourage, après que son épouse, charmante métissée au cœur indéfinissable, se fût échappée, nuitamment, de la maison conjugale pour rejoindre Cabinda, sa ville d’origine, une fois le forfait perpétré.
Il existe, toutefois, une cassette vidéo, enregistrée, le 8 décembre 1990, que je détiens par devers moi, dans laquelle Polycarpe dévoile, devant témoins, en même temps que la trame de sa triste opération, ses déambulations nocturnes avec Pierre Oba, alors bras droit du président et membre redoutable de la police politique, dans les coins et recoins enchanteurs de la capitale.
C’est avec une peine infinie que je vais évoquer la mort de mon ancien conseiller, Jean Louis Mavoungou, qui s’était attablé, dans l’appartement, à Paris, ce soir maudit du 25 novembre 1990, pour consommer, avec moi, une nourriture empoisonnée par Félix, lui-même, tué par ses mandants, la semaine dernière, pour l’empêcher de parler, selon les usages, désormais, rodés du kani d’Oyo (grand chef traditionnel en langue mbochi, plutôt, en langue makoua)
Félix, comme dit plus haut, avait agi sur les Instances de Pierre Oba mis sur mes traces depuis Brazzaville, mais, je ne le sus que plus tard après le deuxième empoisonnement perpétré, celui-là, par le cuisinier, Polycarpe, toujours, par l’entremise du même sinistre Pierre Oba.
Jean Louis a souffert jusqu’ à sa mort, le 21 août 1991, me privant de ses précieux conseils politiques et journalistiques, laissant une jeune veuve et un fils orphelin, perdant une vie à fleur de l’âge que j’eusse, volontiers, voulu racheter de la mienne propre.
Tout ce que j’ai pu faire pour le sauver, médicalement, dans sa terrible souffrance, et, après sa mort, pour me morfondre avec sa famille, organiser ses obsèques, construire sa tombe et satisfaire quelques menus besoins, fut, absolument, dérisoire et vain par rapport à la perte qu’ à titre personnel, j’ai endurée de cet ami génial et irremplaçable.
Si j’ai mis fin au fonctionnement du parti politique qu’avec lui j’avais fondé, c’est en grande partie par ce que, jamais, je n’ai pu transcender son absence écrasante. Mieux valait, donc, tout oublier et me recroqueviller dans l’introspection morose, n’acceptant pas que l’homme fût un loup pour l’homme.
Alors, je lance un vibrant appel à tous ceux et à toutes celles qui se reconnaîtront de faire gaffe car le diable a lâché, vers eux, sa meute d’empoisonneurs dans le but de supprimer les témoins gênants. Ce que rien ne justifie, excepté sa peur de rendre, éventuellement, des comptes aux survivants. En effet, jusque-là, le tueur froid n’a, jamais, loupé ses victimes, empoisonnant à tour de bras, des gens valeureux et innocents, qui s’endorment, actuellement, dans le silence de leurs tombes.
Qu’advienne un échappé diluvien comme moi, qui ne meure de son poison par la grâce de Jésus, et voilà désemparé le criminel, recherchés et punis de mort les coauteurs, étalés, au grand jour, les scandales. A qui donc la faute ? Aux martyrs ? A celui qui est maintenu, en vie, par la volonté de Dieu ?
Evidemment non, la faute en revient au criminel lui-même, c’est-à-dire, à Sassou-Nguesso. Mais, pourquoi, donc, ce diable fait homme, d’apparence joviale, dansant, mangeant et buvant à satiété, mais, dangereux jusqu’à la moelle épinière, ne s’en prendrait-il pas aux chefs de son gang d’empoisonneurs ? Je comprends qu’il ne puisse le faire tant que le travail d’empoisonnement se poursuit de plus belle, presque, quotidiennement, et, que, tout un service, techniquement, outillé y est dédié, chèrement, rémunéré et récompensé.

Comment procède-t-il pour faire tant de dégâts ?
Ce service bien hiérarchisé, dispose de nombreux hommes et femmes qui ont perdu le sens d’humanité consubstantiel au descendant d’Adam. Doté d’importants moyens, il est muni, quasiment, de toutes les catégories de poisons et d’antidotes, en relation avec la police politique chargée de la filature et du renseignement. Tout est fait pour la liquidation de tous ceux qui sont susceptibles de gêner Sassou-Nguesso dans la préservation morbide de son pouvoir.
Qu’il s’agisse de Pierre Oba, mon crypto-gendre ou d’autres empoisonneurs patentés, car ils sont nombreux, et, je crois, tous, les connaître, maintenant, c’est eux qu’il faut éliminer et non les petits lampions, qui n’ont pour crime que d’avoir accepté, souvent, pour quelques miettes, une mission, aussi, dangereuse et prohibée par la loi et les mœurs de notre pays (chez Polycarpe, 5 millions dès l’acceptation de la mission et 15 millions dès les premières douleurs ou l’évacuation sanitaire du supplicié).
L’empoisonnement est devenu la règle pour mettre les adversaires hors jeu sous le règne du kani d’Oyo, comme, jadis, sous l’empereur Néron. Tout converge, en général, vers Jean Dominique Okemba alias JDO, gardien chevronné de l’héritage magico-fétichiste des Nguesso, l’Obali du clan (chef traditionnel- adjoint en mbochi-makoua).
JDO, sans être en réalité, comme d’ailleurs, Sassou lui-même, de la famille biologique de Julien Nguesso alias Poro-Poro, détient, pour l’heure, au service du kani, tout l’arsenal du pouvoir, chaque jour, humecté de sang humain selon les exigences de la dure sorcellerie des origines. Mais, c’est là, une longue et savoureuse histoire familiale, qui n’est pas mon sujet du jour.
Dans le même ordre d’idées, le pouvoir a redoublé ses opérations de manipulation et d’intimidation sous prétexte de prêcher la paix, en mobilisant, pratiquement, les chefs militaires en service, à Pointe-Noire, qui assistent, désormais, aux réunions publiques, y prennent la parole en tenue militaire, alors que selon la constitution, l’armée est apolitique. Du calme, mes amis ! Je vous l’assure, personne d’autre que Sassou-Nguesso, sommé de respecter la loi suprême de notre pays, n’a intérêt, présentement, à troubler la paix. Et soyez prêts pour l’en dissuader d’une manière ou d’une autre, car nous tous, excepté lui, aspirions à la tranquillité publique.
Par ailleurs, Sassou exige que chaque réunion du PCT et de ses affidés, en région comme dans la capitale, soit ponctuée par une motion de soutien au président. Un retour au passé lorsque dans les années 90, en plein monopartisme, toute expression politique et associative s’ordonnait autour et en faveur du président.
Mais cette fois, encore, mettant ma plume et ma connaissance du terrain au service de l’intérêt général, malgré la corruption qui laisse en marge le bas-peuple, les yeux commencent par s’écarquiller, les nez s’émoustiller, les oreilles s’ouvrir, les bouches se découdre, les ventres affamés réclamer leurs parts du gâteau pétrolier détenu par le clan Sassou-Nguesso.
Rien ne peut et ne doit leur être caché de ce que fait le couple infernal et démoniaque Antoinette-Denis. Désormais, donc, je parlerai sans entraves de mon pays, qui vit sous une chape du silence et du mensonge par le fait d’une dictature stalinienne.
Et ce, jusqu’à ce que Sassou s’en aille avec son poison, sa cohorte d’empoisonneuses, sa gabegie, sa mauvaise gouvernance, et que le Congo tout entier du Nord au Sud, reprenne son souffle de liberté et de paix. Tant pis si je dois en mourir, d’autres plus valeureux que moi ont quitté la terre des vivants du fait du prince, pourvu que ce fût, en ce qui me concerne, du moins, pour la justice et l’intérêt général.
Il ne faut, jamais, désespérer de la providence qui ne pouvait accepter que Sassou-Nguesso, auteur de nombreux crimes à huis clos, puisse continuer de tuer, de massacrer, impunément, sans qu’il y eût un survivant.
Eh bien, ce survivant, par la grâce de Dieu, c’est moi « Muan’ Mbung’ » ( le Fils des Gorges), qui témoigne, après 25 ans de silence absolu, ayant évité le brouhaha de la Conférence nationale de 1991, et les sollicitations intempestives de la presse, alors que, chaque jour qui passe, l’empoisonneur froid redouble de méchanceté contre tous ceux qui ne chantent pas ses louanges.

On a du mal à vous suivre…
Excusez-moi, monsieur le journaliste, vous allez me comprendre au fur et à mesure et, vous, chers lecteurs, d’être, encore, si long, c’est pour vous que je le suis, expressément, sans autre intention. C’est, aussi, je dois le dire, la caractéristique des gens qui n’ont pas l’habitude de parler et de s’extérioriser. Lorsqu’ils réagissent comme je le fais, on croirait voir un éclair qui illumine l’horizon. Sassou, dit Otsombé (l’invincible en mbochi) n’a fait jusqu’ici que chercher, chaque jour, à m’enfouir dans le silence éternel de la tombe, alors que je ne lui ai, jamais, rien fait, et que, depuis mon retrait de la politique, il y a 25 ans, je me suis cloîtré, tantôt, dans mon village, tantôt, à l’étranger.
Même lorsque le 16 mars 2006, accablé par le malheur, j’essuyai un refus catégorique de la part du président de la République, qui se fait, pourtant, appeler, pompeusement, « Père de la Nation », pour l’aide que j’avais sollicitée auprès de l’Ambassade du Congo à Pretoria, en vue de rapatrier, à Pointe-Noire, la dépouille mortuaire de mon petit-fils, Poaty Typaul, synthèse de Souchlaty et de Paul, né de mère mbochi, (fille de Paul Ebondzibato,) décédé, par accident de circulation, à Johannesburg.
Sur le coup, je n’avais dit mot à personne, même pas au colonel, Obambo, de l’ambassade, oncle maternel de Typaul, alors que de nombreux exemples existent des nationaux morts, à l’étranger, et, comme de juste, évacués, au pays, avec l’aide de l’Etat. On se souviendra de ma réaction, à Pointe-Noire, devant la famille Ebondzibato, lors des obsèques de Typaul, au cours desquelles j’avais fustigé l’attitude du président, Sassou, pour son absolutisme abject. Qu’importe, avais-je conclu sans la moindre rancune « le pétrole ne coule pas pour tout le monde, même pas pour le propriétaire foncier du site pétrolier de Boudi » !
Que pouvait-il gagner en me laissant sur les bras à l’étranger, le cadavre d’un petit congolais de 14 ans, sans soutien de l’Etat, sinon, la réprobation indignée de tous les esprits raisonnables au Congo, et ailleurs, en Afrique et dans le monde ? A force d’être cruel vis-à-vis de ma pauvre personne, Sassou risque de se déconsidérer même vis-à-vis de ses propres frères et sœurs de tribu, comme je le pressens. En vérité, comme moi-même, tout le monde comprend, maintenant, la raison du martyr que, sans cesse, j’endure et qui m’épure. Voilà pourquoi je me dresse, droit comme une barre d’airain sans jamais fléchir devant tant de mal. Aujourd’hui mon interview porte, principalement, sur les problèmes du Kouilou, tels qu’ils ressortent sous la férule de Denis Sassou-Nguesso, le chasseur des trésors spirituels des Maloango et des sorciers du Mayombe. Je reviendrai, encore, compte tenu de l’importance du sujet, sur le projet de changement de Constitution, puisque le président, Sassou, persévère dans l’erreur.
Depuis les années vingt, les anthropologues européens avaient systématiquement entrepris de retrouver les trésors égyptiens de la Haute Egypte. Comme Schliemann, qui découvrit, en 1871, dans la ville de Troie, le Trésor de Priam conté par Homère, Lord Carnarvon, fit la découverte spectaculaire, en Egypte, de la momie du pharaon Toutankamon, en 1922, avec l’archéologue, Howard Carter.
Les Européens le faisaient, donc, et, le font, toujours, jusqu’à nos jours de façon scientifique en procédant, officiellement, aux fouilles des sols et sous-sols pour en connaître les secrets enfouis et les fondements des civilisations anciennes.
Ce n’est pas le cas de Sassou-Nguesso, qui ne cesse de parcourir les terres des anciens royaumes Téké et Loango, depuis les années quatre vingt, tout de suite, après sa prise de pouvoir, à la mort de Marien Ngouabi, et, le coup d’état de palais du 5 février 1979.
Je ne vais pas parler des Plateaux téké qui l’attirent tant, y laissant, même, la vie des siens, à des fins fétichistes et magiques, d’autres que moi s’en occuperont, mieux, que je ne saurais le faire. Je vais m’appesantir, ici, sur le royaume Loango que je connais, mieux, ou, de ce qu’il en fut.
Ainsi, à la recherche du pouvoir magique des Maloango, tel un Cholet (1886,) un Théremi (1892) ou un Sacripanti (1973), en quête de spiritualité, Sassou a parcouru et continue de parcourir les terres vili, kotchi, yombé, Lumbu, etc., accompagné de son épouse et de certaines gens qui se sont affublées du titre de « sages », mais, qui, en réalité, ne sont que des traîtres à l’héritage hermétique de leurs ancêtres.
Même si dans la plupart des cas, ce ne sont que des imposteurs, faire visiter des sites, bosquets, lacs, anciens cimetières, et, autres lieux interdits, à des personnes étrangères, surtout, hostiles comme Denis Sassou Nguesso, constitue une trahison de nature à désacraliser la chose ou le lieu protégé par la tradition.
A titre d’illustration, on a surpris, en mars 1981, les hommes de Sassou, qui tentaient de piller la tombe de Moé Poaty 3 Ussangama, au cimetière royal de Tchimbang’- mbangu. Mais, les pilleurs n’avaient pas réussi à dérober quelque chose appartenant à ce roi qui, selon son nom du trône, a incarné «la plus haute autorité ».
En outre, Sassou a parcouru en décembre 1983 la zone de Siafoumou, qui fut, naguère, comme l’indique son nom, la terre des rois, puis, l’ancien grand village de Tchissanga, récoltant au sol le maximum d’indices de puissance. Pourquoi faire ? Je ne saurais le dire, mais, je pense que c’est pour les incantations magico-sorcières avec ses gourous.
Dans le même contexte, visitant cette année-là le village dit M’vili N’Kagni, qui attira l’attention du président et de ses hommes, curieux de constater que le vili eût pu avoir dans ses rangs des êtres doués de courage et de détermination, ainsi que, l’indique l’appellation de cet ancien grand village.
Comme ailleurs, il emporta moult indices de la présence des anciens, qu’on ne voit exposés nulle part, hormis, sans doute, dans sa chambre noire ou dans les laboratoires magiques de ses gourous.
Par ailleurs, Sassou et ses hommes sont allés, nuitamment, jusqu’à Kakamoeka, en juin 1990, pour tenter de détrousser les tombes des puissants princes et chefs traditionnels en vue de retirer leurs os, et leurs objets funéraires.
Certains soi-disant sages se sont amusés en mars 1998, à imiter devant Sassou, l’extraordinaire roi Moé Poaty 1er Kamangu Wu Kam’ M’ Bu, c’est-à-dire, qui commandait à la mer de se retirer loin de la côte ou de s’apaiser lors des marées hautes, pour permettre à ses sujets de ramasser à mains nues, de tonnes de poissons, ainsi, jetés sur le banc de sable.
D’autres se sont mis à lui donner, évidemment, en vain, la recette magique de la force de persuasion qu’avait jadis Moè Katmatu, qui berçait les oreilles de ses sujets par son éloquence envoûtante. S’il voulût se faire entendre et respecter par le peuple, comme ce roi, Sassou ne s’y serait pas pris autrement, mais, il ne faut pas oublier que les temps et les circonstances ont changé.
Lorsqu’ils se mirent à narrer l’histoire vraie de Moè Loembe N’ Kassu M’ Ntata, à leur encombrant hôte, celui-ci fut émerveillé et voulut savoir ce qu’il en était, réellement. Ce roi avait la faculté de se transformer en essaim de fourmis tueuses, mettant en déroute n’importe quelles troupes ennemies. Je ne sais ce qu’on a pu lui donner pour tenter de le mettre au diapason de ce puissant monarque. Mais, j’ai cru savoir qu’on lui avait remis un plant de kolatier symbolisant l’aspect visible de la puissance du souverain.
Comme on peut le constater, les pérégrinations, souvent, nocturnes et malintentionnées de Sassou et de ses hommes, sont d’une tout autre nature que celles plutôt diurnes qu’avaient effectuées les Européens pour les besoins généraux de la science et de la culture.
Sassou a, toujours, craint de fouler le sol de Makola, Mboukou, Bondi, Tchicanou Tchitondi, M’Pondila, N’Toto N’siala, sans doute, parce que ces villages n’ont pas, encore, mordu à l’hameçon de sa corruption. Peut-être, aussi, se sent-il mal à l’aise sur ma terre de prédilection, même si nous serions heureux de l’y recevoir, sans rancœur, mais, avec fermeté sur les principes.
En effet, depuis longtemps, déjà, les populations l’attendent de pieds fermes, qui entendent se faire expliquer pourquoi, elles sont si exposées sans contrepartie, aux émanations de gaz, de pétrole et de fumée, au dessèchement de leurs terres cultivables, de leurs forêts, de leurs rivières, et, à toutes sortes d’inconvénients qui les destinent plus, rapidement, que les autres paysans du Congo aux souffrances physiques et à la mort.
Tous les marchés de travail et de fournitures sans exception de ce pétrole de première catégorie sont le monopole du clan du président. Les jeunes gens des localités en question n’ont même pas droit à un petit boulot de manœuvre dans leurs propres villages, les travailleurs manuels étant recrutés depuis Pointe- Noire et Brazzaville.
Pourtant, c’est là qu’on exploite, principalement, le pétrole on-shore avec les entreprises Zétah (2001-2007), puis, Agip depuis 2007. Le Congo a un régime social singulier, exclusif et totalitaire puisque dans son égoïsme et sa peur de voir les autres Congolais s’enrichir à des fins politiques, le président accapare toutes les sources de revenus, les grands et les petits travaux, ne laissant rien aux autres membres de la collectivité nationale, même dans leurs propres villages comme c’est le cas ici.
Sur mon propre terrain familial et pour aller dans mon champ, je n’avais pu traverser, en janvier 2007, un bout de terre occupé par Zetah tandis que les paysans de mon village Bondi y passent, régulièrement. C’était, m’avait-on-dit, « les consignes du grand chef ». Je fus refoulé, alors que je n’avais pas d’armes, mais, une simple hache de bûcheron sur l’épaule, comme naguère mon père. Car chaque fois que je suis, chez moi, au village, je pars cultiver mon champ, étant d’origine paysanne sans avoir, depuis, trahi ma classe, en dépit de mon long commerce quotidien avec les citadins.
Le pétrole de Bondi, à Boudi, par exemple, est produit, non loin de ma case, et, les gens de mon village ne comprennent pas qu’ils ne puissent avoir le droit de bénéficier même d’un contrat de travail ou de service, tout en recevant à pleins poumons, les émanations de gaz et de pétrole, qui les prédisposent aux maladies cardiovasculaires et respiratoires.
Et, que dire de tous ces paysans, qui meurent dans leurs baraques, sans soins, sans eau, sans électricité ! Leurs terres, leurs rivières, leurs forêts et leur atmosphère sont pollués, complètement, dégradés. Même les eaux de pluie qui tombent du ciel sont noires de souillures de gaz et de pétrole. Le tout à seule fin de permettre au clan Sassou-Nguesso, de s’enrichir, tranquillement, à leurs dépens.
Le 20 septembre 2003, après mon retour d’exil, j’avais élaboré de concert avec les gens des villages concernés, un cahier de charges que je remis en mains propres, à la Société Zetah, par l’entremise de son directeur administratif et du personnel, mon frère, André Raphaêl Loemba, aujourd’hui, ministre des Hydrocarbures, afin qu’on fît droit aux doléances des populations, consistant, notamment, en la construction de puits d’eau pure, d’un dispensaire, d’une école de proximité, et, en la distribution de produits antitoxiques.
Je renouvelai cette démarche, le 27 juin 2004, auprès du ministre, Jean Baptiste Taty Loutard (paix à son âme). Il me fut répondu que les puits de pétrole on-shore étaient, directement, suivis par Mpila, et, que rien ne pouvait se faire sans la décision du président. Néanmoins, le ministre s’était engagé à présenter un rapport circonstancié au Conseil des Ministres. Jusqu’ici, l’affaire semble, pour le moins, avoir été ajournée de l’ordre des priorités et les populations abandonnées à leur triste sort. Il n’empêche que les responsables pétroliers de Bondi et autres villages concernés s’amusent à distribuer des prébendes à certains notables.
Une fois qu’ils s’étaient risqués de venir vers moi en tendant, pour mon compte, à mon collaborateur, et, sans connaître mon éthique, une enveloppe de 300.000 F CFA (450 euros), j’administrai une leçon de morale à l’outrecuidant qui en prit pour son grade et finit par s’alarmer, lui aussi, sur les souffrances des paysans. Malheureusement, ce n’est pas la règle chez beaucoup de mes compatriotes, ici ou là.

Où voulez-vous en venir ? Que demandez-vous concrètement ?
Je demande, instamment, qu’une commission d’enquête parlementaire aille faire un constat in situ et fasse des recommandations au gouvernement pour que l’Etat prenne des mesures exigées par les circonstances. Faute de quoi, je saisirais, dans 2 mois, qui viennent les instances internationales, chargées de la défense de l’environnement et des droits de l’homme. Dans ce cas, c’est Sassou, lui-même, qui sera visé intuitu personae, pour avoir perçu jusqu’ici de façon privative et scandaleuse, les ressources et commissions provenant de ce site pétrolier exploité, en dehors des conventions internationales. L’Assemblée nationale est, ainsi, mise à dure épreuve.
Ou elle intervient pour sauver une population en danger de mort lente, ou elle continue de défendre un chef d’Etat hors la loi. Une situation qui ressemble à s’y méprendre à de la brimade pure et simple, pire que de l’injustice. Si celle-ci est basée sur un alibi, celle-là ne repose sur rien.
En tant que potentat militaire, Sassou-Nguesso est, par définition, celui qui tout accapare et confisque, pour son intérêt personnel, et celui de son clan. Dans le domaine pétrolier plus qu’ailleurs, il a mis, purement et simplement, les membres de sa famille et de son clan à tous les postes de responsabilité et, d’abord, son fils, Denis Christel Kiki, pour tout ce qui concerne l’aval du brut de la SNPC (Société nationale de pétrole du Congo), afin de mieux en contrôler tous les circuits. Il peut, ainsi, mettre la main sur des tankers entiers de brut à son profit exclusif.
Et la nomination, le 25 mars 2015, c’est-à-dire, une semaine après mon interview, de Mr Ernest Denis Souami, neveu de feu Jean Baptiste Taty Loutard, au poste ronflant mais vide de sens, d’agent de « régulation de l’aval pétrolier » au sein du Ministère, ne change en rien la donne. Ce poste ne permet même pas au ministre des Hydrocarbures d’avoir la haute main sur Kiki qui conserve l’aval du pétrole de la SNPC, en maître absolu, de concert avec son père. Rien n’ébranle celui-ci, y compris les scandales de détournements, sans cesse, décriés au sein de la SNPC à l’encontre de son fils.
Son devancier, Mobutu Sese Seko, se faisait payer les ventes de la Gécamines, directement, sur ses comptes bancaires, au Zaïre, et, à l’étranger. Sassou a dépassé le maître, mais, étant moins ostentatoire, et volontiers, cachottier, en tout cas, instruit par les grands gestionnaires internationaux de fortunes, il excelle dans l’utilisation des comptes off-shore dans les paradis fiscaux et par le truchement de sociétés-écran.
Sa fabuleuse fortune est disséminée à travers le monde et convertie en immobilisations, actions, obligations, placements à terme et à vue dans les établissements anonymes, bancaires ou d’investissement. Comment démêler cet embrouillamini ? Le peuple congolais ne doit pas désespérer car des solutions existent, déjà, utilisées, ailleurs, dans des situations similaires. Je le dis en tant qu’expert financier. Avec une latitude inouïe de disposer des ressources nationales et des fonds publics comme il l’entend, Sassou est devenu l’un des hommes les plus riches du monde (plus de 20 milliards de dollars au 31 décembre 2014), laissant de loin, derrière lui, tous les présidents occidentaux et de nombreux hommes d’affaires américains et européens.
L’on comprend pourquoi, il se targue, sans vergogne, de défier François Hollande et Barack Obama, ainsi que, l’Union européenne et l’ONU de Ban Ki-moon, opposés au changement intempestif de constitution. Par là, une fois de plus, Sassou fait montre d’une courte vue qui ne prend pas en compte, le fait que l’auréole de ces dirigeants, outre leur caractère démocratique, n’est pas d’ordre ploutocratique comme le sien, mais, économique et militaire, conféré par leurs puissants Etats et leurs grands pays.
Pour des opposants déterminés, ayant une claire conscience des objectifs et de l’enjeu, ce richissime homme sans scrupules, ne peut être un handicap pour viser l’alternance, bien au contraire, sa fortune constitue un boulet dans son intention de s’accrocher au pouvoir.
Sassou s’était arrêté, en juin 2007, à N’Kungu, en contrebas de Hinda, sans toutefois, atteindre le chef-lieu de district avec Henri Djombo, l’éternel ministre de la Forêt. Là, il donna la parole à ce dernier pour lancer un appel en faveur de ma nièce, Lucile, qu’il venait, contre toute attente, et brutalement, de lancer à l’encontre de ma candidature pour la députation.
Les urnes me furent et de loin favorables, mais, excellant dans la fraude, la Commission électorale locale, présidée par le préfet, Dimou, détruisit les documents de centralisation du vote pour effacer toute preuve en ma faveur, et, ma nièce fut, purement et simplement, déclarée élue, autant vaut dire, nommée députée à ma place, sur ordre du président de la République, comme le régime de Sassou a coutume de le faire.
Je n’en fus pas contrarié, pour autant, pourvu, avais-je dit, que Lucile ne perdît le sens de l’orientation politique que je lui avais fixée pour l’intérêt des populations, qui étaient censées l’avoir élue. Ma nièce est, si je puis, ainsi, m’exprimer, ma créature politique, et, la graine de division semée par Sassou-Nguesso n’a pas germé faute de fumier, même si le poste de député lui a été concédé.
A preuve, lors des législatives suivantes de 2012, le poste lui a échappé dès le premier tour. Il en est de même du poste de la Région qui lui a été, pourtant, promis par le PCT (Parti congolais du travail, au pouvoir). Car, l’essentiel pour celui-ci et son chef, ne fut pas tant de mettre ma nièce sur le sellette que de m’empêcher d’aller à l’Assemblée nationale pour y clouer le bec au Système de fraude, de mensonge et de mauvaise gouvernance, qui sévit à Brazzaville. Voilà toute la question.
En 2009, parti au Kouilou pour un contrôle des installations pétrolières, on-shore, Sassou avait cru devoir s’arrêter au village, Liambou, entre Mengo et Hinda, au lieu de continuer jusqu’à Bondi et Tchicanou, où se trouve l’essentiel des puits de pétrole en exploitation.
Toujours, dans la chasse aux trésors spirituels, on vit, en mars 1986, à Mboukou, le président de la République, sortir, furtivement, en 4×4 de Louvoulou par Tchikanou, incognito, emmitouflé de vêtements boueux, un chapeau de paysan sur la tête, de grosses lunettes couvrant des yeux hagards de fatigue. Il semblait fort pressé, craignant qu’on ne le découvrît dans mon village. Informé, je mis sur ses trousses deux jeunes hommes en véhicule 4×4 jusqu’au-delà de Mvouti, qui me rapportèrent les faits et méfaits du couple en campagne de fétichisme.
Sans adresser la parole à qui que ce fût, Sassou et son épouse s’engouffrèrent dans une draisine banalisée qui semblait préparée à leur intention, et, qui démarra vers Tchitondi, dans un frottement assourdissant de rails. Et là, j’appris qu’ils reprirent la route carrossable en direction de Mvouti, toujours, en clando, à l’abri des curieux. C’était sans compter avec la vigilance tous azimuts des paysans qui le reconnurent.
Selon les deux suiveurs qui les filaient, son épouse et lui-même étaient allés consulter un grand féticheur renommé à Louvoulou, au bord du Fleuve Kouilou. Mais, on m’informa après- coup que le brave paysan avait perdu la vie les jours suivants, dès son retour de Brazzaville où il était appelé en consultation par le couple présidentiel. Il avait, certainement, succombé au poison afin que sa science ne pût profiter à d’autres politiciens habitués aux fétiches et à la magie comme lui.
Sur la route de Mvouti, et c’est le meilleur, Sassou et son épouse aperçurent à « Les Saras », une tombe sacrée où gisait un « Lutchéni », petit serpenteau mystique scintillant. Son 4×4 s’arrêta et Antoinette donna l’ordre au chauffeur du véhicule de couverture de récupérer la bouteille renfermant l’objet convoité. Le chauffeur s’exécuta et elle prit la bouteille en question, pour avaler, le jour même, son contenu. Moyennant quoi, le couple s’enhardit de s’être ainsi enrichi d’un nouveau totem de pouvoir.
De mémoire de congolais, on n’avait, jamais, vu un couple, aussi, mystiquement, lié par le Fétiche, depuis Eléna et Nicolae Ceausescu par le Cercle magique de l’Etoile polaire. Mal lui en prit, car dès le lendemain, à Brazzaville, en pleine joie de cette nouvelle conquête totémique, la première dame sentit son ventre s’enfler, irrémédiablement, jusqu’à l’étouffer. Alors, on envoya, dare-dare, un hélicoptère avec une dizaine de militaires pour rechercher la maîtresse des lieux qu’on rudoya sans retenue.
La pauvre paysanne accepta de monter dans l’hélicoptère pour répondre à la convocation de Mpila où elle trouva un président, qui en veut, toujours, plus et l’infortunée usurpatrice, Antou, mal en point. Prise de peur, elle la délivra du totem ancestral qui fit tant de morts dans la localité, et repartit tout de suite, sans boire le verre de jus qu’on lui tendit, ni prendre la forte somme d’argent qu’on lui avait destinée en contrepartie d’une cession définitive du Lutchèni en question au couple présidentiel.
Voilà la vraie sagesse du Mayombe. D’autres supposés sages eussent succombé à la tentation de la corruption et cédé un pouvoir aussi précieux à des quidams qui n’en méritaient point.
Evidemment, en pareille occurrence, le mieux eût été de les abandonner à leur triste sort, mais, la dictature n’a pas de limites, qui s’en serait prise même à l’innocente sorcière de « les Saras » qui n’en était pour rien. Dans cette rocambolesque affaire, je dois souligner que Dame Antou disposait et dispose, toujours, de l’élément femelle du « Lutchéni », et, l’appropriation de l’élément mâle eût permis au couple présidentiel de compter sur un doublet totémique, et ainsi, de mieux paraitre en public, en attirant, artificieusement, la foule.
Avant que je ne retourne en exil, en Afrique du Sud, en novembre 2002, Sassou et son épouse, Antoinette Tchibota Ndjembo Bikali, étaient à la recherche du grand fétiche du royaume Loango qu’on appelle « M’Bumba ».
Le M’Bumba des Maloango, était censé tout permettre : le pouvoir d’Etat, l’éloquence, la démagogie, la dissimulation, bref, tout ce qui sied à un homme de l’espèce de Sassou- Nguesso pour se comporter en monarque impuni. Mais, l’envers de la médaille, c’est qu’on ne peut s’en servir sans verser le sang et beaucoup de sang. Nous y sommes, Monsieur le journaliste et chers lecteurs.
C’est un symbole caractéristique du royaume Loango, qui fit l’objet de nombreuses interrogations de la part des anthropologues européens, de Cholet à Sacripanti, en raison de sa haute valeur mystique et symbolique. Il est censé avoir été désacralisé parce que, matériellement, emporté par l’administration coloniale comme œuvre d’art, ainsi qu’on le voyait, encore, au musée d’ethnographie, place du Trocadéro avant sa fermeture en 2009.
Cependant, les anciens affirment que c’est, seulement, la représentation imagée, visible à l’œil nu, qui a été emportée au loin, non l’essence même du totem inviolable qui lui, sommeille dans les panthéons du royaume, quelque part, dans les 7 provinces de jadis.
Là, il continue d’influer sur les esprits, du moins, sur ceux qui y croient, encore, comme la plupart des gens de ma génération. Je souligne, toutefois, pour la gouverne de Sassou que dans la cosmogonie des sorciers vili, le Mbumba « étouffe l’affaire, mais ne l’efface pas ». Or, les questions criminelles étant, juridiquement, imprescriptibles, le procès pénal reste suspendu sur la tête de l’auteur du crime comme l’épée de Denys l’Ancien, tyran de Syracuse, sur la tête de Damoclès.
Ayant eu vent de toutes ces tentatives de bradage patrimonial, Bernard Théousse et moi, primes l’initiative de créer en marge du Conseil royal, un noyau dit des « Dignitaires de Boali » en concertation avec d’autres natifs de ce village primordial, comme Jean Baptiste Taty dit Yoyo, chef coutumier de Mvou-mvou et Tchicaya dit le Terrien… (paix à tous nos morts). C’était en mars 1996, point de départ de la prise de conscience du fait culturel Loango et de la nécessité de protéger notre patrimoine culturel, ainsi que, nos valeurs de paix et d’honnêteté, qui couraient le risque d’être foulés aux pieds et réduits à néant, dans une région qui ne cesse de se renier avec l’invasion d’idées et d’anti-valeurs opposées à notre culture et notre éthique.
A partir de ce moment de la petite histoire de ma vie, je me sentis obligé de me dévoiler, étant, non seulement, un fils du Kouilou, ce qui est connu, mais aussi, un natif de Diosso, ce qui l’est moins. On sut, dès lors, que je suis né, à Boali, placé sous la protection de Moè Poaty 3, Ussangama, à la mort de mon père, Alphonse Souchlaty Poaty l’Ancien.
Non pas que je méconnusse les villages, Bondi et Mboukou, terre de mon évolution ultérieure, qui m’assigna un destin, mais, je devais à l’opinion une nécessaire clarification, que je renouvelai, le 15 février 1997, lors de la Conférence de Loango, devant tous les notables et cadres politiques du Kouilou, réunis pour la première fois, afin de discuter des problèmes liés à la vie de la région.
Aux nombreuses questions qui me furent posées par ceux, quasiment, tous, qui ne me connaissaient pas sous ce jour nouveau, je crus devoir lever un coin du voile. En effet, lorsque mourut le 24 mars 1946, mon père biologique, Alphonse Souchlaty Poaty l’Ancien, ivoirier et voyageur, d’une simplicité déroutante, fils de Mboungou, de la lignée de Ngandou, conseiller et ami du roi, c’est lui- même, Moè Poaty 3, Ussangama, fils de Mpanzou, ancien combattant, qui me recueillit sous son toit royal à Boali, en me traitant sur le même pied d’égalité que ses propres enfants, et, notamment, le prince, Jean Barret, mon frère et ami de jeu dans les Gorges.
Poaty 3, le dernier des Géants sur le trône des Maloango (1931-1975), digne, généreux et impressionnant d’autorité, je ne sais de quelle glaise il fut pétri. Sur la requête des autorités coloniales, il défendit Pointe-Noire et ses environs en les recouvrant, mystiquement, en 1943, d’une épaisse barrière de feu pour empêcher le débarquement éventuel des Allemands.
Il m’aimait au point de me privilégier en maints aspects. C’est avec un amour filial que je vais, souvent, m’incliner devant sa tombe, après avoir contribué à la construire, avec Jean Barret. S’il ne m’avait recueilli au décès de mon père, et, en l’absence de ma mère, ma vie eût basculé dans le vide.
Puis rejoignant, plus tard, au village Bondi ma mère, Alphonsine Ndoko Ntondo, fille de Moé Tchibamba Ntondo-Ngoma, patriarche de la lignée Tchimanga, remariée avec son cousin, le sage, Olibre Taty Yoka, bûcheron et conteur, fils de Tchissambou Sonika de la lignée de Kakou, lequel m’inculqua les idéaux de justice et d’amour, et m’éveilla à la vie active.
Olibre fut un visionnaire hors pair. Vingt ans avant sa mort, il prédit que dans le sous-sol de son village, gisaient d’énormes quantités de pétrole. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que nous serions les laissés pour compte de cette manne, du fait d’un chef d’Etat brutal et injuste dont l’immense fortune allait être constituée par les pétrodollars provenant de nos génies bienfaisants et sans aucune contrepartie.
Depuis que je suis devenu, comme on dit « quelqu’un », je me suis, toujours, prévalu de ces trois pères, quasiment, du même ordre, que d’instinct, je considère comme ayant façonné mon être. Avec, toutefois, une prédominance d’Olibre qui m’a adoubé plus, longtemps, sans, toutefois, que je connusse le bonheur, mais, ce ne fut pas, là, l’objectif que Dieu m’assigna sur terre. « Si jamais, le bonheur m’avait élevé dans ses bras, il m’eût étouffé », écrit Chateaubriand dans les célèbres Mémoires d’Outre-Tombe.
Et moi, je ne me suis, véritablement, épanoui qu’en me trouvant, à Bondi, parmi les gens de ma condition, après que mon grand-oncle M’bouiti- Ngoma, alias Ndolo l’ouragan, Tsi dutsi-missolo (celui qui brouille les pistes), patriarche de la lignée Tchimanga, fut venu me récupérer des mains chaleureuses du roi pour m’apprendre dans son village, Tchobo, 12 mois, durant, quelques rudiments de sagesse vili.
Pour en terminer sur cette filiation complexe, je dois ajouter qu’à l’école du village, Mboukou, distante de 12 km de Bondi, je fus placé sous la protection de Moè Makosso M’ Louissi, puissant chef de canton charismatique, prince sacral de Nkata, héritier de la Couronne, au même titre que Tchingobo de Mpili, prince sacral de Kondi, tout en étant rattaché aux lignages Ngola par ma mère et Ngandou, par mon père biologique.

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