Ce matin d’octobre ne s’annonçait pourtant pas différent de ceux qui venaient de s’égrener. Tout semblait à sa place autour de moi, tout paraissait continuer à trouver sa place dans ce monde. Un simple coup de téléphone, au timbre similaire aux autres jours, vint arrêter le temps. Le ton dans la voix de mon père cachait la douleur sourde de ceux à qui échoit la responsabilité d’annoncer un drame aux autres. Il me fallut lui arracher les mots de la bouche pour comprendre que ce matin tout n’avait finalement pas retrouvé sa place dans le monde.

Elle était dans le cercle intime de ma sœur, sa meilleure amie. Des projets avaient été planifiés avec elle la veille pour le lendemain. Et pourtant, elle s’est donné la mort dans cet interstice. Elle ne semble pas avoir su lâcher ses émotions au moment où celles-ci la visitèrent encore une fois. Le suicide fut son ultime recours face à l’image en miettes d’elle-même. Nous savions qu’elle percevait le réel comme un reflet brisé. Le passage à l’acte suicidaire, personne ne l’a vu venir. Combien de temps s’est-il passé pour elle au bout de sa corde ? Trente, quarante minutes ? Nous ne le savons pas. Ils ont relancé le cœur… quel cœur ? Seulement ce cœur physique abandonné par la vibration d’un être soumis à la litanie des épreuves de la vie.

1. Prendre le masque pour le pilier

Je ne la connaissais pas dans son intimité. Derrière ses airs enjoués, elle se laissait aller à des récits pittoresques de ses déboires répétitifs. Elle cachait la lucidité froide de ceux qui se sont roulés dans les épines de l’existence depuis l’enfance. Ses peines et ses vagues de chagrins successifs ont fini par la recouvrir d’une écume d’amertume. La façade qu’elle donnait aux autres, témoignait de hauts et de bas. Personne ne voyait que l’écume s’était infiltrée insidieusement dans ses fêlures jusqu’à ronger totalement son édifice intérieur. Son masque recouvrait un désespoir plus sombre que celui que nous pouvions imaginer.

Le masque de la personnalité cachant son désir de mourirLe masque est le pire des tricheurs. Qu’il soit enjôleur, sarcastique ou discret, il amène trop souvent à berner les autres, nous bernant soi-même. Il fait partie de l’attirail de la personnalité, ce costume dont nous nous parons pour mieux cacher les haillons de notre intérieur. Elle n’avait plus de pilier intérieur sur lequel assoir son incarnation dans le monde terrestre.

Tellement de personnes se mentent à elles-mêmes, fuient leurs défauts, rejettent la faute sur autrui, refusent de se regarder, qu’il devient banal de s’en accommoder. Et après tout, les textes sur la sagesse véritable nous enseignent infatigablement que c’est notre égo qui veut sans cesse sauver l’autre.

Le changement et la guérison de ses blessures émotionnelles ne peuvent venir que de soi. La théorie est bien belle mais la réalité est beaucoup plus radicale et crue. Elle était là parmi nous et là, elle a fait le choix de ne plus y être… Rien ne peut nous y préparer surtout lorsque le masque nous a bernés au plus haut point.

2. Refuser le choix du suicide

Personne d’autre que soi ne peut mieux se connaître. Toute l’écoute et tout le soutien que l’on peut apporter, resteront toujours conditionnés à la volonté et aux possibilités de la personne. Une fois l’annonce du suicide encaissée, les questions jaillissent en soi. J’aurais sûrement pu en faire davantage ! Qu’est-ce que je n’ai pas vu et qui aurait dû me sauter aux yeux ? Pourquoi ne s’est-elle pas tournée vers quelqu’un ? Pourquoi ce coup de folie ?

Le flot de questions n’est que le mascaret d’une culpabilité nous frappant de plein fouet.

Finalement, c’est moins la personne venant de se donner la mort que soi-même qui se retrouve au cœur de l’agitation du mental. Celle qui a commis l’acte suicidaire s’est peut-être emmurée dans ses interdits, mais les proches s’emmurent assurément dans leur incompréhension et leur tristesse.

La colère surgit immanquablement, autant envers soi qu’envers celle qui a commis l’irréparable.

Ce refus conscient et inconscient du suicide crée des chaînes énergétiques invisibles entre le monde terrestre et le monde astral. L’ignorance des choses du monde invisible nous fait commettre l’erreur de retenir la conscience du défunt. Celle-ci doit se dépouiller de sa charge karmique afin de s’élever vers les plans de lumière.

Si cette charge est trop lourde, la conscience du défunt peut errer dans l’astral terrestre. Dans le cas d’une mort par suicide, la violence de l’acte ouvre une période purgatoire plus ou moins longue. Le suicide induit une fragmentation de par la cristallisation de la souffrance physique et émotionnelle de l’acte. La personne devra en quelque sorte récupérer un morceau d’elle-même coincé sur le lieu du drame. Afin de rejoindre pleinement son âme, l’être doit réaliser un bilan de vie pour accepter et comprendre ses erreurs, dissoudre sa personnalité terrestre et accepter en elle tous ses fragments.

La personne peut être dans l’incompréhension de son propre décès ou simplement être retenue par la peine de ses proches. Pleurer éperdument un disparu peut littéralement projeter sur lui dans l’astral quatre murs gris, sans porte ni fenêtre. L’être se retrouve prisonnier et dans une grande souffrance.

Mais remettre en activité votre corps physique tout en étant en mort cérébrale, cela est terrible et s’ajoute à l’épreuve du suicide. Ils se sont succédé à son chevet, des jours durant, dans l’attente fébrile d’une sortie du coma. Ils lui ont offert leur souffrance alors même qu’elle était en souffrance terrible.

Aurais-je dû le faire ou ne pas le faire…

Je me suis retiré en moi afin de me projeter dans sa chambre d’hôpital. Elle était sûrement emplie d’un silence lugubre malgré les nombreux proches qui allaient et venaient. Il en était tout autrement dans les plans de l’invisible. Ce fut comme une bourrasque, un cri de désespoir mêlé de rancœur. Elle hurlait… Elle hurlait… Un cri qui s’écoulait comme une eau tumultueuse… Un cri qui vous met à nu, qui vous renvoie à la petitesse de votre chagrin… C’est elle qui était réellement en souffrance. Notre souffrance à nous n’était qu’un sous-produit de notre égo qui se place en victime collatérale du geste posé.

Elle voulait s’arracher de ce corps qui la lestait indûment. Elle redoublait de fureur lorsque sa mère rentrait dans la chambre. Elle lui criait tous les non-dits qui l’avaient étouffée. Si ses décharges émotionnelles m’ont rejeté rapidement vers mon corps, son cri a continué à me glacer le sang des jours durant…
3. Ne pas laisser le défunt comprendre
Ma connexion avec elle était comme un fil ténu dont les secousses me rappelaient sans cesse sa terrible situation entre deux mondes.

Ce fil cessa de s’agiter un matin.

Ma sœur m’avait écrit dans la nuit pour me laisser savoir que la famille avait accepté de la débrancher.

Replongeant en moi, ce fil, cette ligne de vie, me servit de corde de traction dimensionnelle afin de l’atteindre de nouveau.

Elle s’était extirpée des limbes où elle errait. Elle n’étouffait plus dans sa prison de chair. Sa vibration était méconnaissable. Sa personnalité commençait à se détacher d’elle. Son égo se dissolvait doucement. Elle revoyait sa vie sous un jour qu’elle n’avait jamais réussi à entrevoir pendant son existence terrestre. Elle commençait à comprendre ses erreurs. Elle n’avait plus de colère ou de rancœur. Le pardon s’enclenchait. Elle me disait se souvenir du lien karmique avec ma sœur et mon beau-frère. Tout lui paraissait limpide et logique. Elle regardait sous un jour nouveau son suicide. Le processus s’annonçait long mais elle était assurément accompagnée. Je ressentais des présences bienveillantes autour d’elle.

Notre âme reste toujours dans les plans de lumière. Nous sommes une partie de Nous-mêmes, issus de nos âmes respectives, descendue s’incarner dans la matière. C’est pour cela qu’on oublie nos vies passées et notre choix de chemin de vie. Nos mémoires sont gardées par l’âme dont on se détache provisoirement. Nous ne sommes jamais intrinsèquement séparés de notre âme. Nous en sommes un aspect dit multidimensionnel. Notre conscience est dans la dimension physique du monde terrestre et dans chaque plan intermédiaire (au travers de nos corps énergétiques de notre aura). Notre âme est dans une dimension plus haute vibratoirement.

La partie qui descend, qu’on appelle aussi étincelle de vie, s’habille provisoirement d’un mental et d’un égo, formant ainsi notre conscience incarnée. Notre égo et notre mental engendrent des émotions et forgent notre personnalité. Ils ne sont pas NOUS, mais une fraction seulement qui se dissout à la mort. C’est pour cela qu’après la mort, l’être qui retrouve son âme regarde sa vie avec objectivité et non plus subjectivité (car l’égo et le mental se sont désagrégés). Une personne difficile d’approche dans la vie de tous les jours, peut devenir un ange de lumière sage et aidant, en attendant sa réincarnation. La personnalité n’est plus, il reste l’être de lumière serein, qui est la véritable nature de chacun.

Mes propres guides spirituels me rappelèrent de ne pas pleurer la situation au-delà de la période normale de deuil. Nous pouvons parler au défunt à voix haute dans notre intimité en lui disant tout ce que nous désirons lui dire. Ce ne doit pas être des reproches mais des vérités du cœur pour pacifier. Il ne faut pas accabler celui ou celle qui nous a quitté par des « pourquoi as-tu fait ça ! », « tu nous abandonnes » etc… Le défunt a besoin d’énergie et de pensées positives… Ce n’est pas le lieu astral où cette conscience se retrouve qui est souffrant, même s’il n’est pas réjouissant. C’est la non acceptation de la situation, l’incompréhension et l’état de choc qui se prolongent bien au-delà de l’acte en lui-même. Seuls de l’amour, de la tendresse et de la patience peuvent réellement aider la personne suicidée. Avec cette vibration, la personne fera la préparation nécessaire suite à son suicide. La personne décédée doit opérer le changement par elle-même. Ses guides vont l’appuyer sans pour autant lui donner les réponses. Ces dernières devront émerger d’elles-mêmes dans la conscience de la personne.

Lire la suite de l’article Les 6 faux pas face au suicide.

Samuel